Certains généralistes critiquent la Rosp au point de refuser de toucher cette rémunération forfaitaire, complémentaire du paiement à l’acte. Mais pour la plupart des médecins, la Rosp est un peu ce que la démocratie était pour Winston Churchill : « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres ». Ils s’en accommodent donc comme ils peuvent. Et ils découvrent rapidement qu’en matière de Rosp comme en matière de démocratie, certains sont plus égaux que les autres, pour paraphraser un autre auteur britannique.
Pour chaque praticien, les résultats de la Rosp sont en effet pondérés par la taille de la patientèle qu’il suit en tant que médecin traitant. « Un médecin qui s’installe directement dans un cabinet tout seul, et qui aura donc au début moins de patients, aura une rémunération moindre, et ce quel que soit le niveau d’efficience calculé par la Rosp », commente le Dr Simon Chabas, vice-président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir).
Les bonnes croix dans les bonnes cases
Le problème se pose également pour les jeunes qui s’installent dans un cabinet de groupe, mais de manière légèrement différente. « Dans ce cas, le jeune médecin se constitue progressivement une patientèle "médecin-traitant", mais cela se fait tout doucement car il a généralement peur de marcher sur les plates-bandes de ses aînés. » Pour le vice-président de Reagjir, s’il y a un conseil à donner en matière de Rosp, c’est donc de « bien penser à déclarer ses patients "médecin traitant" ». Et dans le cas d’un cabinet de groupe, il recommande de « bien mettre les choses à plat » avec les autres praticiens de la structure, de façon à ce que les choses se passent de la manière la plus fluide possible.
La Rosp nécessite par ailleurs selon lui d’être vigilant sur un certain nombre de points. Il faut par exemple bien renseigner dans son logiciel métier toutes les informations qui correspondent aux items déclaratifs de la Rosp, comme par exemple les aspects relatifs au suivi du diabète. « La plupart des logiciels calculent les indicateurs tout seuls, mais il faut avoir coché les bonnes cases », rappelle-t-il. Autre point de vigilance, toujours selon Simon Chabas : ne pas négliger certains détails que l’on oublie trop facilement dans la précipitation du remplissage du formulaire. « Par exemple, je ne savais pas que j’avais droit à un complément parce que je travaille avec une infirmière Asalée », explique le syndicaliste. « Et c’est la même chose si on accueille des internes ou des externes. »
« On ne court pas après une Rosp »
La Rosp reste toutefois un outil contestable : beaucoup estiment que contrairement à ce qu’espèrent les autorités, un jeune installé aurait tort de modifier sa pratique afin de maximiser les gains que pourrait lui procurer cette rémunération complémentaire. « On ne court pas après une Rosp », avertit le Dr Sayaka Oguchi, ex-présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) en charge plus particulièrement aujourd'hui des questions d’installation. « Si on tire un peu les choses, cela pourrait conduire à des choix discriminants, par exemple en évitant de devenir le médecin traitant de patients inobservants. C’est bien évidemment contraire à la déontologie. » Une analyse que Simon Chabas n’est pas loin de partager. « Certains indicateurs sont un peu bizarres, et on se demande le lien qu’ils ont avec l’amélioration des pratiques », estime-t-il, citant par exemple les items liés à la téléconsultation.
Mais la réalité, c’est que la Rosp est là, et bien là : même sans modifier leurs pratiques, les nouveaux installés ont tout intérêt à en bénéficier. Simon Chabas conseille donc, la première fois que l’on remplit le formulaire sur son compte Amelipro, de se faire aider par son Délégué de l’Assurance maladie (DAM) en profitant de sa visite annuelle. Sayaka Oguchi recommande de son côté d’être vigilant sur le montant que l’on reçoit. « Il faut vérifier qu’ils ont bien calculé, et ne pas hésiter à contacter son DAM si les chiffres sont complètement délirants. » Il ne faut toutefois pas s’attendre à une concordance parfaite entre ses propres estimations et celles de l’Assurance maladie. « Comme souvent avec eux, personne n’est capable de retomber exactement sur les mêmes chiffres en comptant de son côté », sourit le vice-président de Reagjir. Contester, d’accord, mais seulement si le jeu en vaut la chandelle.
A. R.
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