Le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024) est déjà dans les tuyaux de Bercy et Ségur et les premières pistes ont mis en alerte le monde médical. Tout en se défendant de pratiquer « l'austérité », Bruno Le Maire a annoncé, la semaine dernière, lors des assises des finances publiques, avoir identifié au moins dix milliards d'euros d'économies pour 2024, notamment dans le secteur de la santé citant la flambée des arrêts maladie et les dépenses de médicaments. L'exécutif est déterminé à tourner la page du « quoi qu'il en coûte » alors que la France vient d'éviter de justesse la dégradation de sa note par l'agence Standard & Poor's.
C'est le contrôle renforcé des prescriptions d'arrêts maladie, dont le coût a représenté plus de 14 milliards d’euros en 2022 (hors IJ Covid), qui a mis le feu aux poudres. « L'absentéisme n'est pas une fatalité », a martelé Bruno Le Maire, sans analyser les raisons de la croissance des dépenses. Auditionné au Sénat, Gabriel Attal (Comptes publics) a pointé carrément « l’explosion » du nombre d’arrêts. « Il suffit d’ouvrir un réseau social ou un article de presse pour voir à quel point il est facile de se procurer un arrêt maladie », s'est-il agacé.
Bercy cadre, la Cnam accélère
L'Assurance-maladie a embrayé sur ce terrain sensible. Elle assume de cibler 2 % des généralistes libéraux — soit environ un millier — pour une potentielle mise sous objectifs (MSO) de leurs prescriptions. Pour cette campagne de contrôle, ont été sélectionnés les médecins prescrivant au moins deux fois plus d’arrêts par patient actif (en âge de travailler) que leurs confrères de la même région, en tenant compte de la structure de leur patientèle. Mais au-delà du millier de « surprescripteurs » ciblés, plus de 5 000 médecins ont été contactés et 15 000 sont sous surveillance. Unanimes, les syndicats ont conseillé aux médecins de refuser la MSO, démarche qui revient selon eux à reconnaître des dérives.
Face à cette offensive, le débat est relancé sur les causes de la dynamique des IJ. Selon la caisse, la croissance de l’emploi et des salaires n’explique pas, à elle seule, la hausse des dépenses, ce qui nécessite « des actions de régulation ». Elle fait valoir que les prescripteurs ne sont pas les seuls visés ; des actions ciblent les assurés et les entreprises.
Complaisance ou fait social
Il n'empêche : le tollé syndical traduit l'ampleur du malaise. Tous dénoncent une politique de « délit statistique » et une campagne « d'intimidation ». MG France a alerté, dans une lettre ouverte à la population, sur le risque pour la santé publique. « Si seuls 2 % des médecins seront in fine sanctionnés, contrôler 30 % (des généralistes) aura des incidences sur les prescriptions des 28 % restants », alerte le syndicat. En clair, le coup de pression sur les IJ risque de se faire au détriment de la santé d’une population qui présente des signes accrus de mal-être, comme en témoigne la part des consultations pour souffrance psychique en médecine générale.
Pas en reste, le SML demande à Santé Publique France (SPF) d’enquêter sur les pathologies ayant entraîné une augmentation des arrêts « avant de tirer sur les médecins ». Le Dr Luc Duquesnel, chef de file des généralistes de la CSMF, abonde en ce sens. « Je vois augmenter les situations de maltraitance en raison de conditions de travail exécrables, relève-t-il. Ce matin, j'ai dû arrêter deux personnes en souffrance au travail. Avec la réforme des retraites et du RSA, cela va encore augmenter le nombre d'arrêts de travail donc les dépenses. »
Auto-déclaration
Signe du ras-le-bol, tous les syndicats ont boycotté ce jeudi 29 juin le comité de pilotage avec le ministère sur le plan au bénéfice des patients en ALD sans médecin traitant. Les médecins « subissent des attaques incessantes (...), la dernière en date étant la mise en cause pour leurs prescriptions d'arrêts de travail », écrivent-ils – fait rare – dans un communiqué intersyndical.
Des propositions ont été mises sur la table. La CSMF réclame la suppression de la possibilité de prescription d’un arrêt de travail par des plateformes de téléconsultation – mesure retoquée l'an passé par le Conseil constitutionnel – et la possibilité de permettre des arrêts courts et non indemnisés en auto-déclaration par le patient. Autre idée, « responsabiliser les entreprises » dont le nombre d'arrêts de travail est « hors normes », en référence à un même secteur d'activité.
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