Trois représentants des biologistes médicaux étaient auditionnés le 10 avril par la commission des Affaires sociales du Sénat dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur la financiarisation du système de santé. Un phénomène qui semble aller croissant et qui inquiète de plus en plus la représentation nationale et l’Assurance-maladie, mais aussi la profession comme en attestent les réactions des lecteurs au récent sondage du Quotidien.
Une heure et demie durant, chacun des intervenants, en l’occurrence, le Dr Alain Le Meur, président de l’Association pour le progrès de la biologie médicale (APBM), Sébastien Gibault, directeur général de Synlab France (services de diagnostic médical) et Laurent Escudié, DG de Cerballiance, un autre poids lourd du secteur des laboratoires d’analyse privés, se sont tour à tour attachés à rassurer les élus, le président de l’APBM remettant un Livre Blanc de propositions aux sénateurs à l’issue de la séance.
Accréditation obligatoire
« Notre indépendance vis-à-vis de nos financeurs est totale », a affirmé Sébastien Gibault tandis que le Dr Le Meur rappelait que, depuis l’ordonnance Bachelot de 2008, les laboratoires de biologie médicale sont obligés de s’inscrire dans un processus d’accréditation obligatoire, doublement validé par l’Ordre et les agences régionales de santé. Des garde-fous, qui, selon lui, garantissent tout risque de dérive. De plus, « la totalité ou plus de la moitié des droits de votes sont dans les mains des biologistes ». Les partenaires financiers « ne sont pas dans nos comités de direction », garantit le DG de Synlab, qui met également en avant le service rendu à la population par sa structure et les cinq cents millions d’analyses réalisées chaque année pour toutes les disciplines médicales sur l’ensemble des territoires.
Sur ce point précis, Thomas Fatôme, le patron de la Cnam, lui aussi auditionné, a convenu que « le maillage territorial n’avait pas été dégradé » par l’apparition du privé dans le secteur de la biologie médicale. Mais, comme l’avait indiqué la Cnam l’été dernier dans son rapport Charges et produits, il juge nécessaire la création d’un observatoire de la financiarisation, « ce processus par lequel des acteurs privés qui ne sont pas professionnels de santé prennent le contrôle de structures de soins ». Avec le risque de privilégier la logique de rentabilité financière au détriment de la santé publique. « La volonté de retour sur investissement, qu’il soit rapide ou qu’il prenne la forme d’un placement sur le long terme est quand même une réalité », charge le sénateur et médecin Bernard Jommier (SER), corapporteur de la mission d’information. « Le secteur privé ne risque-t-il pas à terme de prendre le pas sur le public ? », s’interroge pour sa part le sénateur (UDI) Olivier Henno, lui aussi circonspect face aux arguments des auditionnés.
Détournements du système
Thomas Fatôme, de son côté, a aussi évoqué les cas de détournements du système, rappelant les 57 millions d’euros de fraudes à l’Assurance-maladie récupérés en 2023 auprès de centres de santé privés indélicats et annoncé que de nouveaux déconventionnements « étaient à prévoir prochainement ». Pour autant, le DG se défend de vouloir opposer le privé et le public, mais reste persuadé de la nécessité de clarifier les règles du jeu face à des montages financiers de plus en plus complexes et opaques. Il n’est pas le seul. L’Ordre des médecins a appelé cette semaine le législateur à interdire « la participation des tiers non professionnels dans les SEL (sociétés d’exercice libéral) médicales » avec effet rétroactif, la financiarisation dépassant de loin le seul champ de la biologie médicale.
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