Une évaluation est nécessaire

La médecine chinoise priée de montrer patte blanche

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Publié le 21/11/2019
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Les Fédérations européennes des Académies de médecine et des sciences viennent d'émettre un avis contre un usage non réglementé de la médecine traditionnelle chinoise, en réaction à la dernière classification internationale de l’Organisation mondiale de la santé.
La médecine chinoise ne doit pas échapper aux règles par les preuves

La médecine chinoise ne doit pas échapper aux règles par les preuves
Crédit photo : Phanie

La médecine traditionnelle chinoise, qui compte de plus en plus d’adeptes en Occident, se doit d'être encadrée et soumise aux mêmes critères d'exigence que la médecine conventionnelle. C’est le sens d’un communiqué récemment cosigné par les Fédérations européennes des académies de médecine (Feam) et des sciences (Easac). « Les académies mettent en garde contre un usage non réglementé de la médecine traditionnelle chinoise », expliquent-elles.

Cet avis, qui n’a rien de contraignant, est émis en réaction à la création, en mai dernier, d’un chapitre sur la médecine traditionnelle chinoise dans un document de référence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : la Classification internationale des maladies.  

« Ce nouveau chapitre entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Nous voyons au travers de cette échéance une bonne occasion de clarification », explique le Dr Rosa Castro de la Feam. Ainsi, sa fédération demande « une révision du cadre de régulation européen pour s'assurer que la médecine traditionnelle chinoise est traitée selon les mêmes standards de preuve que la médecine conventionnelle ».

« C’est une prise de position parfaitement légitime. Je ne vois pas pourquoi une activité médicale échapperait aux règles de la médecine par les preuves », estime pour sa part le Pr Marc Dommergues, gynécologue-obstétricien à l’AP-HP et membre du comité scientifique du Centre intégré de médecine traditionnelle chinoise à la Pitié-Salpêtrière.

Dans le cadre de ses programmes de recherche, le Pr Dommergues a notamment mené une étude évaluant l’effet clinique de l’acupuncture dans les douleurs lombo-abdominales sévères de la grossesse. « Les résultats montrent un intérêt. Toutefois, cela ne fonctionne pas sur le plan médico-économique. En outre, on ne comprend pas comment ça marche et s’il s’agit ou non d’un effet placebo. Ce sont des points qu’il faut absolument éclaircir. Enfin, ce n’est pas parce que nous avons trouvé un intérêt sur cette indication qu’elle vaut pour tout », pointe le praticien qui mène actuellement une étude randomisée visant à évaluer l'efficacité de l'acupuncture sur l'insomnie de la grossesse.

De son côté, le médecin britannique Edzard Ernst, connu pour ses analyses critiques des thérapies alternatives, estime que la position de l’OMS, bien qu’elle se défende d’une approbation sans réserve, « induira le public en erreur en lui faisant croire que la médecine traditionnelle chinoise est sûre et efficace. Or, si les patients l’utilisaient comme solution de remplacement d'un traitement efficace d'affections graves, beaucoup mettraient leur vie en danger. Compte tenu de l’absence de preuves convaincantes de la médecine traditionnelle chinoise et de son potentiel de préjudice, l’action de l’OMS semble irresponsable et politiquement motivée ».

L’analyse est radicalement différente pour Éric Marié, docteur en médecine chinoise diplômé de l'université de Nanchang, en Chine, et président du Conseil académique français de la médecine chinoise. Selon ce professionnel au savoir-faire pleinement reconnu dans l’empire du Milieu, « le problème vient d’abord du manque de reconnaissance. Il y a une absence d’évolution de certains pays occidentaux qui le considèrent comme un système à négliger alors qu’il soigne 1,5 à 2 milliards de personnes sur les cinq continents ».

En outre, celui qui intervient en tant que professeur invité dans l’université dont il est diplômé n’a rien contre une évaluation de cette médecine : « D’un point de vue intellectuel, je ne peux que me ranger à l'avis des fédération européennes. Cependant, le problème serait que l’encadrement ne soit pas fait par des professionnels de la médecine chinoise mais par des experts de la médecine occidentale. Un encadrement ne doit pas se traduire par l’inféodation d’un système à un autre. »  

Guillaume Mollaret

Source : Le Quotidien du médecin