L’espérance de vie des patients atteints de mucoviscidose en France a atteint 65 ans sur la période 2015-2019. Un allongement qui s’est accompagné de l’émergence de nouvelles comorbidités, notamment du diabète de la mucoviscidose (DM). L’atteinte pancréatique endocrine se caractérise par la survenue précoce d’anomalies de la tolérance au glucose, d’évolution progressive. De 30 à 40 % des adultes atteints de mucoviscidose développeront un DM.
Cette complication représente un enjeu majeur de la prise en charge des patients, car elle est un facteur de morbimortalité à tous les stades de la maladie, de l’enfant peu symptomatique jusqu’au patient insuffisant respiratoire terminal qui nécessite un recours à la transplantation pulmonaire. Et ces patients sont, aussi, susceptibles de développer les complications dégénératives du diabète.
La révolution CFTR
Le développement des modulateurs du cystic fibrosis conductance transmembrane regulator (CFTRm) représente une véritable révolution thérapeutique dans la mucoviscidose. L’effet bénéfique majeur de ces molécules sur la fonction pulmonaire, l’état nutritionnel, mais aussi les anomalies de la tolérance au glucose, devrait améliorer considérablement la qualité et l’espérance de vie des patients. L’utilisation des CFTRm, de plus en plus tôt dans l’histoire de la maladie, pourrait transformer leurs trajectoires évolutives, sur le plan respiratoire, nutritionnel et métabolique.
Toutefois, la gestion des anomalies de la tolérance au glucose demeure problématique chez des patients non éligibles à ces traitements, ou qui vont en bénéficier plus tardivement, après une longue période d’évolution de la maladie.
Limites de l’HGPO
Les anomalies précoces de la tolérance au glucose observées dès l’enfance, avant le stade de diabète, sont associées à une évolution péjorative à la fois pulmonaire et nutritionnelle. Cette longue période asymptomatique justifie un dépistage systématique. Les recommandations de 2010 et 2018 proposent de réaliser une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) annuelle avec mesure de la glycémie à 2 heures dès l’âge de 10 ans, ou plus tôt dans des formes sévères de la maladie. Cependant, ces recommandations ne prennent pas en compte les nouveaux profils cliniques de patients atteints de mucoviscidose, ni l’émergence des nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques en diabétologie.
Selon les données du registre américain de la mucoviscidose, le dépistage par HGPO n’est réalisé que chez 53 % des enfants et seulement 24 % des adultes. Les raisons en sont multiples : manque de reproductibilité, lourdeur de l’examen nécessitant un jeûne de 8 heures et un repos de 2 heures, nécessité d’un état clinique stable.
Il faut aussi souligner que les critères diagnostiques de l’HGPO reposent sur le risque de complications rétiniennes des patients DT2 ; les seuils définis dans cette population ne sont pas appropriés pour le diagnostic du DM et les enjeux nutritionnels et respiratoires qui y sont liés.
HbA1c ou MCG
Ainsi, selon la position actualisée (1) de la Société française de la mucoviscidose (SFM), de la Société francophone du diabète (SFD) et de la Société française d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique (SFEDP), on peut utiliser aujourd’hui d’autres moyens diagnostiques : si la réalisation de l’HGPO n’est pas possible, le dosage de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) ou la mesure continue du glucose (MCG) pourront être proposés selon les habitudes du centre.
Le diagnostic de diabète pourra être confirmé pour une HbA1c supérieure ou égale à 6,5 %. Mais ce dosage ayant une sensibilité et une spécificité insuffisantes pour le diagnostic d’intolérance au glucose, si l’HbA1c est inférieure à 6,5 %, une MCG ou HGPO devront être proposées, en fonction des habitudes du centre.
Quant à la MCG à visée diagnostique, elle permet de détecter, sur deux semaines, des pics de glucose chez les patients diabétiques, mais également au stade d’intolérance au glucose, voire d’HGPO normale.
L’association entre hyperglycémie et fonction respiratoire altérée est plus souvent mise en évidence avec la MCG qu’avec les critères habituels d’HGPO. Cependant, cette mesure peine à se substituer à l’HGPO du fait de l’absence de normes validées. La majorité des études dont nous disposons sont transversales. Le caractère moins standardisé de la MCG par rapport à l’HGPO la rend moins reproductible dans le temps ; mais elle a l’avantage d’analyser un plus grand nombre de données en vie réelle.
Les anomalies de la tolérance au glucose mises en évidence par la MCG et non par l’HGPO ou l’HbA1c sont pertinentes sur le plan clinique. Une MCG complémentaire pourra donc être proposée chez les patients insuffisants pancréatiques, à glycémie à jeun normale présentant une intolérance au glucose, ou un diabète diagnostiqué par l’HGPO. En cas de pics de glucose > 200 mg/dL à la MCG, et selon l’état nutritionnel et respiratoire du patient, une intervention thérapeutique pourra être discutée.
De nouvelles études longitudinales sont nécessaires pour valider les seuils de la MCG et la positionner comme un test de dépistage à part entière du DM.
Exergue : Les anomalies de tolérance du glucose apparaissent précocement, justifiant un dépistage systématique
* Centre de ressource et de compétence en mucoviscidose adulte en Alsace, service d’endocrinologie, diabète et nutrition, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ** Service d’endocrinologie, Hôpital Cochin, AP-HP (1) Weiss L, et al. Med Mal Metab mars 2023(17)2:169-88