À force de confondre égalité et égalitarisme, de mélanger humanisme et sensiblerie, on en arrive à nier une évidence même propre à la vie des hommes : elle est dure, brutale et injuste. Et c’est pour cela qu’elle vaut la peine d’être vécue. Pour se dépasser, renverser les montagnes, écrire des histoires, celles de nos vies, même sans partir avec les mêmes chances sur la ligne de départ, les David surpassent souvent les Goliath.
Réussir un concours n’est pas qu’une question d’origine sociale ou de bachotage. Cela relève d’abord d’une équité : pas de privilège face à l’anonymat des copies. Cela nécessite des qualités d’endurance, de courage, d’apprentissage et d’efficacité, toutes utiles pour exercer son futur métier. On nous dit qu’il y a une reproduction sociale à l’œuvre dans ces épreuves ? Sûrement moins que dans l’industrie du cinéma ou du théâtre… Avoir des parents haut placés donnera toujours un surplus de confiance au départ, mais la rage qui fait avancer ceux qui viennent d’en bas ne s’achète pas. Notre rôle pour s’assurer que les meilleurs réussissent est plutôt de repérer les failles psychologiques des étudiants brillants et de les aider à tirer le meilleur d’eux-mêmes. Le concours de P1 a des défauts, mais il est juste. Nous avons tous en souvenir le drame du premier recalé ; mais les collés aux examens continus en première, deuxième, troisième année, pour un demi-point ne connaîtront-ils pas le même sort ?
La réforme des ECN relève d’autre chose, la volonté d’en finir avec le bachotage de l’internat pour se concentrer sur une formation plus professionnalisante. Cela a du sens, mais c’est aussi oublier que ce travail titanesque permet aux jeunes internes d’acquérir un niveau de connaissances et de compétences remarquables. Il y a une exigence quant à l’acquis des fondamentaux sur laquelle il est illusoire de vouloir rogner.
Des médecins plus âgés me certifiaient qu’avant le concours de l’internat, il suffisait d’être fils de grand patron pour avoir sa spécialité assurée. J’ai bien peur qu’avec la réforme des ECN, ce type d’injustice se répète.
On veut former les jeunes à l’empathie, au travail pluriprofessionnel et à toutes ces belles vertus à la mode - et nécessaires ? C’est donc le troisième cycle qu’il fallait réformer, et non son accès ! Les internes doivent probablement moins être présents comme petites mains hospitalières, et plus diversifier leur cursus, en ville, en interpro, dans des séminaires variés (ethnologie, psychologie, sociologie). Mais cela aurait demandé beaucoup d’investissement pour compenser le travail qu’ils font à l’hôpital, par des médecins titulaires en complément. Dommage car il y avait là une vraie occasion de parfaire notre formation. Il n’est pas trop tard pour corriger le tir Madame la Ministre.
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