La révision de la grille des praticiens hospitaliers (PH), couplée à une refonte des échelons, est-elle avantageuse pour les médecins et de nature à améliorer l'attractivité des carrières ? Les syndicats s'écharpent sur cette question à coups de communiqués et de préavis de grève.
La première étincelle ? Un décret du 28 septembre actant la suppression des trois premiers échelons de la grille (dès octobre) et permettant aux nouveaux PH d'entrer dans la carrière directement au quatrième palier (52 933 euros brut annuels). L'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) et la structure Jeunes Médecins voient dans cette réforme une « rupture d'équité dans le décompte de l'ancienneté ». En effet, les praticiens actuellement aux échelons 1, 2 et 3 ne verront pas leur ancienneté conservée après leur reclassement dans le nouveau premier échelon (anciennement quatrième).
Même si cela ne concerne qu'un bataillon limité de médecins (moins de 800 PH temps plein aux trois premiers échelons), la pilule est amère. « Un confrère avec trois ans d'ancienneté va se retrouver au même niveau que des collègues tout juste nommés », résume le Dr Jean-François Cibien, président d'APH.
Une fin de grille si lointaine
Parallèlement, la création au 1er janvier de trois nouveaux échelons en fin de carrière (11, 12 et 13), d'une durée de quatre ans chacun – jusqu'à 107 009 euros brut annuels – est dans le viseur. Le parcours pour accéder au sommet de la grille, qui s'étale aujourd'hui sur 24 ans de carrière, est ainsi rallongé à 32, voire 36 ans… Malgré le gain de rémunération, « cela va pousser les plus anciens à continuer à travailler après l'âge de la retraite pour ceux qui le peuvent », s'inquiète Carole Poupon, vice-présidente d'APH. « C'est quelque chose qu'on nous offre… Mais qu'on aura du mal à atteindre », résume la pharmacienne biologiste de l'hôpital de Gonesse. De surcroît, les gros contingents de PH – en milieu de carrière – ne bénéficieront d'aucune augmentation immédiate. « C'est pourquoi nous demandons une chose simple, quatre ans de plus d'ancienneté pour tous », avance le Dr Jean-François Cibien.
Dans ce contexte, APH, Jeunes Médecins mais aussi cinq autres syndicats ou collectifs* non-signataires du Ségur appellent leurs adhérents à faire un recours auprès du Centre national de gestion (CNG) pour contester leur arrêté de reclassement. Selon une enquête** du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARe), plus de 80 % des PH jugent leurs conditions défavorables et se disent prêt à entamer la démarche.
Et pour mieux se faire entendre, le SNPHARe a déposé un préavis de grève à partir du 11 janvier. « Une grève dure, illimitée, des soins non urgents et des soins urgents, à l’image de ce que pourrait être un hôpital sans médecin, sans praticien », prévient le syndicat qui appelle la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) à prendre « une décision rapide de reclassement équitable pour les praticiens hospitaliers ».
« Personne ne perd un centime »
De l'autre côté de l'échiquier syndical, les signataires du Ségur dénoncent une « campagne de désinformation ». « C'est du populisme », tacle le Pr Sadek Beloucif, président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM-HP). Avec la nouvelle grille, « personne ne perd un centime », recadre le PU-PH. « Nos opposants parlent de déclassement, mais c'est stupide car il n'y a pas de perte de revenu », rassure l'anesthésiste-réanimateur qui rappelle la revalorisation de l'indemnité d'engagement de service public exclusif (IESPE) à 1 010 euros brut mensuels.
Pas question non plus de parler de « rallongement » de la carrière, juge le Dr Norbert Skurnik, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH). « Pour gagner la même somme, la durée d'exercice reste la même. On donne simplement la possibilité aux médecins de gagner beaucoup plus d'argent ensuite », analyse le psychiatre. Les trois nouveaux paliers ? « Des échelons exceptionnels, estime le Dr Skurnik. Je n'ai jamais entendu des cheminots hurler quand on leur donnait des échelons exceptionnels ». « Tout le monde a gagné quelque chose », résume aussi le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des PH (INPH) qui juge « irresponsable » l'appel aux contentieux. « C'est la politique de la terre brûlée, si le Ségur est annulé on aura perdu tous les avantages », met en garde la psychiatre nantaise.
Les signataires continuent à négocier pour obtenir un gain de quatre ans dans la nouvelle grille. Et pas question de jeter le bébé avec l'eau du bain. « En 20 ans, assure Rachel Bocher, il n'y avait jamais eu de négociation aussi importante ! »
Lors d'un échange avec la profession organisé par l'Ordre en fin de semaine dernière, Olivier Véran a ouvert la porte à une évolution des conditions de reclassement des PH. « La DGOS y travaille, a-t-il déclaré, le bon sens doit primer ».
* L'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), le Syndicat national des médecins hospitaliers (SNMH-FO), l'Union fédérale médecins, ingénieurs, cadres, techniciens (UFMICT-CGT), le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARe) et le collectif Santé en danger.
** Enquête réalisée en ligne du 30 novembre au 3 décembre auprès de 5 891 PH.
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