LE QUOTIDIEN : Vous présidez la FEHAP depuis mars. Quelles sont vos relations avec l'exécutif ?
MARIE-SOPHIE DESAULLE : Ségur a concerté Ma santé 2022, l'évolution des modèles tarifaires, la réforme des autorisations et le chantier du numérique avec les fédérations hospitalières. Participer c'est bien, mais sommes-nous pour autant entendus ? On nous écoute sur la dialyse et les soins de suite, mais beaucoup moins sur la psychiatrie et la médecine, chirurgie et obstétrique. Vu la préoccupation prégnante pour l'hôpital public, nos attentes ne sont pas toujours prises en compte. Les difficultés du public finissent par emporter une politique ministérielle. Est-ce légitime ? De s'intéresser à ses soignants et à ses établissements, sans aucun doute, mais sans pour autant se détourner des autres, ceux qui apportent eux aussi une réponse aux besoins de santé des Français !
Pourquoi les ESPIC s'en sortent mieux que l'hôpital ?
La crise de l'hôpital est liée aux besoins de la population et à des rigidités structurelles internes. Moins rigide, notre modèle peut être une source d'inspiration. Notre souplesse et notre réactivité sont notre marque de fabrique. Nous sommes la seule fédération dont la gouvernance est issue de la société civile. Nos excédents sont remis dans la gestion des établissements. Nous maîtrisons parfaitement la « logique de parcours » qu'on nous assène tel un mantra. La co-construction du projet avec la communauté médicale et l'innovation sont d'autres critères de succès. A Paris, Saint-Joseph vient d'ouvrir un centre de santé et l'hôpital Foch (Suresnes) se démarque dans la recherche. Côté médecine, la convention collective 51 est certainement plus attractive que la rémunération à l'hôpital public. Nous souffrons donc moins de pénurie médicale.
Le budget de la Sécu (PLFSS) est au Parlement. Que pensez-vous des arbitrages pour votre secteur ?
L'équilibre général de ce budget ne nous satisfait pas. Nous regrettons le niveau de l'ONDAM général avec un sous-ONDAM hospitalier tombé à 2,1 %. C'est très faible. En cause : la non-compensation financière à la Sécurité sociale de certaines exonérations de cotisations décidées par l'État. Personne n'a voulu décaler le remboursement de la dette sociale, ce qui aurait augmenté dès 2020 les moyens à destination des personnes âgées, tant pour diminuer leur reste à charge que pour améliorer les soins et les services qu'on leur apporte. C'est une occasion ratée.
Des parlementaires veulent autoriser les médecins des ESPIC à exercer en secteur II. Y êtes-vous favorable ?
C'est l'une de nos revendications. La grande majorité de nos médecins sont salariés. Nous garantissons un reste à charge zéro pour nos patients par le biais des contrats responsables avec les mutuelles. Ce n'est pas le cas de l'hôpital public avec son activité libérale et encore moins des cliniques commerciales. Nos médecins pourraient être salariés et libéraux avec possibilité d'honoraires en secteur II. Les autres y ont droit, pourquoi pas nous ? Nous avons en revanche une condition sine qua non : aucun impact financier pour le patient.
Que pensez-vous des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ?
La CPTS apporte de la responsabilité populationnelle aux professionnels libéraux, elle va donc dans le bon sens. Ca ne marchera pas sans les acteurs du médico-social et du domicile. C'est une évidence pour les organisations territoriales existantes [les anciens pôles de santé, NDLR] mais les nouveaux projets s'apparentent davantage à de la structuration 100 % libérale, ce qui est dommage.
Nous, nous avons des centres de santé qui peuvent être CPTS. Nos ESPIC peuvent appuyer les communautés en devenir, en leur fournissant par exemple des salles de réunion. Dans les territoires les plus reculés et en mal de médecins libéraux, nous sommes prêts à faire sortir des murs des ESPIC nos médecins salariés.
La prochaine campagne tarifaire sera « au moins aussi correcte que l'année dernière », a dit Agnès Buzyn. Qu'en pensez-vous ?
Pour rappel, la FEHAP a été la seule fédération à voir ses tarifs diminuer l'an dernier. En l'état, nos tarifs sont inférieurs à ceux de l'hôpital public alors que nous partageons les mêmes missions. Nos charges sociales et fiscales sont supérieures. Prenons la prime urgences de 100 euros net par professionnel. Le coût chargé pour l'hôpital public est de 145 euros tandis que pour nous, la note grimpe à 200 euros. Nous demandons un moratoire sur la reprise du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) en attendant les conclusions de la mission IGAS/IGF sur le différentiel de charges entre le public et le privé à but non lucratif.
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