Le message est fort et limpide. L’hospitalisation à domicile « nous a sauvés en termes d’organisation des soins », a assuré le Pr Michel Kindo, chirurgien cardiovasculaire des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), lors d’une conférence* en ligne de l’Anap mi-juin. Grâce à une HAD réactive et intégrée, le praticien a non seulement réussi à « maintenir » le programme de réhabilitation améliorée après chirurgie cardiaque (RAACC) mais il a pu réaliser des économies « colossales » sur le parcours de soins (trois à quatre millions d’euros depuis 2018).
Autrefois, les patients pouvaient attendre « deux à trois jours d’hospitalisation supplémentaires » pour qu’une place se libère en centre de rééducation. La mise en place d’une « nouvelle filière de soins avec l’HAD » a permis de « changer de paradigme », se félicite le chirurgien alsacien. La recette est d'anticiper les situations : une fois pris en charge à l’hôpital, les patients sont orientés rapidement, dans la mesure du possible, dans des établissements d'HAD (pour 73 % des malades en postopératoire). Ce réflexe HAD leur apporte « un maximum de confort, de qualité et de sécurité dans les soins », plaide le Pr Kindo. Une période de repos et de convalescence à domicile peut ainsi précéder la réhabilitation cardiovasculaire et respiratoire en ambulatoire.
Moins de réadmissions
À l’origine, le CHU de Strasbourg s’était tourné vers l'HAD « un peu contraint », dans un contexte où les structures de réhabilitation cardiovasculaire et respiratoire « fermaient les unes après les autres », se souvient le chirurgien. Cinq ans plus tard, les résultats sont au rendez-vous : le taux de réadmissions est tombé à 4,3 %, ce qui permet de réduire les tensions sur les lits. Quant aux patients et professionnels, ils sont « extrêmement satisfaits », assure le Pr Kindo, ravi d’avoir réussi à insuffler « un climat de confiance pour les patients et les médecins qui accompagnent à domicile ».
Les retours d’expériences sont également « excellents » du côté du Dr Florian Scotté, directeur du département interdisciplinaire d'organisation des parcours patients (Diopp) de Gustave Roussy (Val-de-Marne). Depuis quelques années, le célèbre centre de lutte contre le cancer travaille en étroite collaboration avec l’un des plus grands établissements d'HAD – la Fondation Santé Service. L'objectif est d'accompagner à domicile les patients atteints d'un cancer au cours de leur traitement, « soit pour les recevoir, soit dans un contexte de complications ou de surveillance de leur tolérance », explique l’oncologue médical. Alors que ces patients « passent 98 % de leur temps à domicile », l'établissement a rédigé un plan de soins, en lien avec les équipes d’HAD. Il s’appuie sur une cellule de coordination des soins qui organise la sortie des patients, tout en veillant à assurer la sécurité de la prise en charge à domicile. Là encore, le secret est d'intégrer l'HAD au cœur du parcours pour accélérer l'admission.
La Fnehad mobilise les prescripteurs
Directeur général de l'Anap, Stéphane Pardoux synthétise les deux atouts majeurs de l’HAD : l'amélioration de la qualité de vie des patients et le fait de libérer des capacités hospitalières de prise en charge. Hélas, ce recours demeure « insuffisamment mobilisé », en raison notamment du « défaut de réactivité, souvent cité comme un frein majeur pour les prescripteurs ». En clair, le délai nécessaire à l’organisation la prise en charge des patients complexes en HAD « ne coïncide pas toujours avec les contraintes des établissements prescripteurs », admet Stéphane Pardoux. C'est pourquoi l'Anap vient de mener à bien un travail robuste pour rendre l'HAD plus réactive (définition de parcours type, admission en moins de 24h, IDE de liaison mais aussi conseils concrets aux prescripteurs, kit de demande d'HAD, tableau de bord, etc.).
La Dr Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale de l'HAD (Fnehad), recommande aux prescripteurs d'adopter « les bons réflexes » et de s'approprier cette culture, à chaque étape du parcours de soins. « Il faut croire aujourd'hui en l'HAD, être convaincu qu’un patient peut être soigné loin de ses propres yeux, loin de ses mains, par d’autres professionnels », plaide l’ex-ministre de la Santé du gouvernement Juppé. Il est primordial, ajoute la généraliste de formation, « d’anticiper, d’alerter l’établissement d’HAD quand il est possible de faire des soins programmés, parfois même avant que l’intervention ou les soins ne soit effectués ». Les échanges gagneraient également en fluidité si les établissements prescripteurs « pensaient l’HAD tout au long de l’année, et pas uniquement en saison de pics ». Un « réflexe » susceptible de soulager les tensions hospitalières, y compris aux urgences que le gouvernement veut « désengorger » d'ici à fin 2024.
* En partenariat avec « Le Quotidien du médecin »
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