Le célèbre médecin urgentiste s'est vu confier par le ministre de la Santé une mission sur la prévention de la radicalisation religieuse à l'hôpital, comme l'a révélé Hospimedia. Il explique au « Quotidien » l'origine de cet engagement et répond à ceux qui y voient un problème secondaire ou marginal, à l'heure de la pandémie mondiale de Covid-19.
LE QUOTIDIEN : Comment est née cette mission sur la radicalisation au sein des établissements de santé ?
Dr PATRICK PELLOUX : Après l'assassinat de Samuel Paty, le gouvernement s'est beaucoup mobilisé autour de la question des actes de radicalisation religieuse. Cette mobilisation a été très forte à l'Éducation nationale. Mais à l'époque, la dynamique n'a pas été enclenchée aussi rapidement au ministère de la Santé. Ce qui peut se comprendre au regard de la crise sanitaire du Covid-19.
Cette mission est donc née au mois de janvier dernier, à l'issue d'une discussion que j'ai eue avec Katia Julienne la directrice générale de l'offre de soins [rattachée au ministère de la Santé, NDLR]. Après les attentats de Charlie Hebdo, j'ai souvent discuté du thème de la radicalisation avec elle. Elle m'a donc proposé de conduire une mission sur le sujet. Nous travaillons dessus depuis la fin du mois de mars.
Certains s'étonnent du lancement d'une telle mission alors que la crise sanitaire a mis en lumière beaucoup d'autres difficultés à l'hôpital. Que leur répondez-vous ?
Je leur réponds qu'il n'y a pas de petit problème à l'hôpital. Quand on voit ce qu'il s'y passe, avec la montée des radicalismes religieux sous toutes leurs formes, on ne peut pas regarder ailleurs.
L'hôpital est un des socles de la République. La laïcité est attaquée, c'est pourquoi il faut la défendre. Le radicalisme religieux a toujours eu un terrain sur la santé – de la naissance à la mort. C'est pour cette raison qu'il y a eu autant de manifestations au moment de la loi sur la PMA et la GPA, ou contre le mariage pour tous. La religion, quelle qu'elle soit, s'attaque toujours aux mœurs. Et c'est toujours l'hôpital, en première ligne, qui reçoit les radicalisés et gère des problèmes aux confins entre la judiciarisation et la psychiatrie.
Ma mission a commencé depuis trois mois mais je n'ai pas voulu le crier sur tous les toits pour me mettre à travailler sereinement. Je crois que j'ai bien fait vu le retentissement que cela a dans la presse… Je préférais travailler plutôt que de devoir gérer les insultes de quelques personnes, toujours les mêmes.
Comment se manifeste la radicalisation à l'hôpital ?
On peut citer un exemple parmi les plus criants : celui des médecins qui se font tabasser par quelqu'un qui ne voulait pas qu'un homme prenne en charge sa femme. Mais il y a en plein d'autres ! Nous sommes en train de les compiler. Je suis absolument sidéré des témoignages que je reçois.
Malgré tout, il ne s'agit pas de monter des communautés les unes contre les autres. Il faut réaffirmer l'importance de la laïcité dans les hôpitaux. Il faut réaffirmer l'importance de travailler en accord avec les connaissances actuelles de la science, et non pas en fonction de la religion d'un tel ou un tel.
Quelle méthodologie avez-vous adoptée ?
Je travaille main dans la main avec une directrice adjointe de la DGOS. Pour l'instant, nous n'avons toujours pas fini notre étude bibliographique. J'ai voulu remonter jusqu'à 1905 car je veux rappeler que la loi sur la laïcité a été principalement soutenue à l'époque par des députés de gauche et médecins ! Au départ, la laïcité, c'est le monde de la santé et de la science qui demandait à pouvoir sortir du carcan religieux afin de pouvoir faire des découvertes.
Ensuite, nous irons sur le terrain discuter avec les professionnels. Nous travaillons aussi avec les agences régionales de santé [ARS] dans lesquelles des responsables « radicalisation » ont été nommés en décembre. Nous rendrons un pré-rapport sans doute fin septembre puis un rapport définitif en décembre. Le ministre de la Santé m'a demandé d'y inclure des propositions concrètes.
Un « problème lancinant » qui concerne aussi les libéraux, rappelle le SML
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) s'est étonné, ce mercredi 9 juin, que la mission sur la radicalisation conduite par le Dr Patrick Pelloux « se limite aux seuls établissements ». L'organisation présidée par le Dr Philippe Vermesch alerte sur plusieurs affaires récemment survenues dans le monde libéral : listes de soignants communautaires, stickers militants sur les cartes vitales, agressions contre des confrères de confession israélite ou encore difficultés rencontrées dans les quartiers dits « difficiles ». Face à ce « problème lancinant », le SML réclame « une mission parallèle animée par un libéral, pour diagnostiquer la situation, proposer des mesures de prévention et d'accompagnement des médecins libéraux concernés ».
Article mis à jour le 9 juin
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