Sentiment d'impuissance

« J'ai le sentiment qu'il faut donner la parole aux professionnels des urgences », précise le Dr Monet, elle-même urgentiste, au « Quotidien ». Avec ce projet, le médecin veut montrer ce qui peut pousser de jeunes urgentistes passionnés à abandonner leur métier. Après avoir connu un bon nombre d'hôpitaux franciliens, celle qui a « toujours très envie de bouger » part régulièrement faire des remplacements en outre-mer. Martinique, Guyane ou encore Mayotte, elle remplace aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie. Partout c'est le même constat : manque de personnel, toujours plus de patients et moins de temps à leur consacrer. « On perd le contrôle du flux et cela dégrade nos conditions de travail », se désole le jeune médecin. Du haut de ses 34 ans, elle se sent impuissante face à l'aggravation de problèmes qui existaient déjà quand elle a commencé. « En 2009, j'avais conscience des difficultés aux urgences, mais cela ne me faisait pas peur. » Quelques années plus tard, elle est bien obligée de reconnaître que « les difficultés ne disparaissent pas avec l'expérience ».

C'est à Mayotte que les deux femmes se sont rencontrées pour la première fois. Marie Magnin a passé un mois sur place à l'occasion d'un reportage sur les urgences au moment où le Dr Monet y travaillait. « J'ai découvert un univers que je ne connaissais pas et qui m'a passionnée », explique la photographe. En rentrant, elle veut donner la parole aux professionnels du secteur. « Avec ce projet, nous voulons montrer ce qu'ils ressentent en tant qu'homme ou femme », précise Marie Magnin. À aucun moment n'est précisé l'établissement dans lequel travaillent les personnes interrogées. Pas plus que leur nom de famille. Car « l'objectif est de pointer des difficultés générales, pas de stigmatiser un hôpital en particulier ».

L'esthétique choisie est très simple : toutes les photos sont prises sur fond neutre. Ni blouse, ni stéthoscope, ni couloir d'hôpital car « l'objectif est de faire ressortir l'humain derrière le professionnel ». Même chose pour le cadrage : le visage des professionnels apparaît en plan très serré. « Cela permet de plonger directement dans le regard de la personne et mettre de côté son métier », justifie la photographe. Si les six premiers portraits étaient consacrés à des médecins, le dernier en date met à l'honneur le témoignage d'une infirmière contrainte d'arrêter. En cause « la peur de devenir maltraitant [qui] s'immisce dans votre esprit ».