En tant que vice-président de la CME, avez-vous été à l’initiative du projet de recruter des médecins cubains ?
Nous n’en sommes pas à l’origine ! La communauté de communes et les élus locaux sont porteurs de cette idée. Cela ne relève pas du tout de notre compétence locale. Nous avons l’habitude, dans notre établissement, de recruter des médecins étrangers, des Padhue. Je précise qu’il faudra passer de toute façon par un décret et une compétence au niveau du ministère de la Santé pour valider cette initiative. Nous restons observateurs de ce qu’il va se passer.
Mais souhaitez-vous recruter des médecins cubains ? N’est-ce pas un constat d’échec pour sauver cette maternité, voire l’hôpital ?
En pratique, nous n’avons pas été confrontés au fait d’accepter ou refuser des médecins cubains. La CME n’a pas été sollicitée sur ce sujet pour l’instant. Toutefois, c’est vrai, nous avons clairement besoin de cardiologues et d’urgentistes. Je ne vais pas vous faire la liste de tous les postes vacants !
Nous avons déjà des praticiens à diplôme hors UE que nous accompagnons jusqu’à ce qu’ils soient autonomes. Mais pour que ces praticiens qui n’ont pas le plein exercice soient vraiment encadrés, il faut que le nombre de médecins dans le service concerné soit déjà suffisant. Cela se joue souvent à un médecin près qui peut ou pas couvrir la garde. Dans tous les cas, le seul cadre légal dont nous disposons est – pour l’instant – celui des Padhue.
Quels sont les services en tension ?
Le principal souci porte sur la maternité qui est suspendue depuis avril 2023 par manque d’effectifs. Les parturientes sont bien suivies dans notre service de gynécologie. La chirurgie gynécologique est toujours active. Seuls les accouchements ne peuvent avoir lieu au sein de notre hôpital. Les femmes doivent accoucher à Saint-Brieuc, Lannion ou à la clinique de Plérin.
Quant aux urgences, elles sont en tension comme les autres hôpitaux, mais nous arrivons à boucler nos plannings. Nous ne sommes pas régulés tout le temps, contrairement à ce que raconte la presse générale. Nous cherchons aussi à recruter en cardiologie. Le constat n’est pas binaire. Nous avons des besoins aussi en gériatrie et en pneumologie, mais nous parvenons à nous en sortir. Les seuls services vraiment en crise sont la maternité et de temps en temps les urgences qui restent ouvertes jour et nuit pour 95 % du temps.
Est-ce que cela vous rend service ou vous dessert d’être sous les feux des projecteurs des médias avec cet éventuel renfort de médecins cubains ?
Les deux. Cela nous rend service dans la mesure où un buzz et une polémique sont créés au niveau national. Les difficultés sont mises en relief et les politiques nationales sont mises sous pression. Mais cela dessert le public qui a l’impression d’avoir un hôpital en décrépitude totale, qui n’assumerait plus du tout ses fonctions de santé et serait fermé un jour sur deux.
Loin de ces approches réductrices, la réalité est plus complexe sur le terrain. Nous pouvons avoir des moments de crise totale et aller mieux deux mois plus tard car nous sommes habitués à composer avec la pénurie. Par exemple, nous espérons le recrutement intérimaire d’un cardiologue alors que nous sommes bien en deçà des besoins de la population dans cette spécialité avec deux cardiologues libéraux qui vont bientôt partir à la retraite.
Nous ne sommes pas dans la même situation que la Martinique ou la Guyane qui avaient recruté des médecins cubains dans le cadre de la crise sanitaire. Nous nous inscrivons davantage dans le long terme. Nous attendons de voir la suite pour la mise en œuvre effective du recrutement de ces praticiens cubains !
Arme diplomatique et manne financière pour Cuba
En 2023, selon les autorités cubaines, 22 632 professionnels de santé étaient répartis dans 57 pays. Ce programme massif d’expatriation de praticiens cubains lancé dans les années 1960 est vu comme une arme diplomatique et constitue une source très importante de devises pour le pays, et même parfois la première. Cette « coopération médicale » a rapporté 6,3 milliards de dollars en 2018 et 3,9 milliards en 2020.
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