Des soignants plébiscités dans l'opinion mais extrêmement inquiets : tels sont les enseignements du dernier baromètre* santé réalisé par Odoxa pour la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), publié cette semaine. Côté popularité, les Français conservent une « image exceptionnelle » de leurs soignants — plus de 90 % de bonnes opinions — notamment parce qu'ils les jugent « humains » et « à l'écoute ». Cette perception très favorable « s’est encore nettement renforcée depuis la crise sanitaire », relève Odoxa, et ce notamment vis-à-vis des médecins.
C'est peut-être la raison pour laquelle les Français s'inquiètent pour leurs blouses blanches : les deux tiers des sondés sont persuadés que « notre système de santé va se dégrader », un diagnostic pessimiste partagé par 93 % des soignants eux-mêmes.
Faut-il y voir un signe de désillusion post-présidentielle ? Les Français, comme leurs soignants, jugent que les politiques n'ont pas perçu l'importance capitale de la santé et ils espèrent massivement que l'hôpital sera une des priorités du quinquennat. La très grande majorité des Français (81 %) seraient même prêts à se mobiliser (pétition, manifestation) pour les conditions de travail des soignants (et 71 % des praticiens sont dans cet état d'esprit).
Difficulté à se projeter
Certes, 95 % des soignants ont le sentiment « de faire un travail utile » et 93 % d'exercer un job « intéressant ». Mais cette vocation s'accompagne d'une désillusion en raison de difficultés chroniques au quotidien. Ainsi, seulement un quart des blouses blanches jugent que leur travail est reconnu à sa juste valeur et la quasi-totalité a le sentiment que leur métier est moins valorisé qu'avant. Deux tiers des hospitaliers confient qu'ils ont envisagé de changer de voie professionnelle depuis deux ans. L'enquête traduit leur grande difficulté à se projeter positivement : seuls 17 % des professionnels conseilleraient à leurs enfants de devenir aide-soignant, 19 % infirmier, 31 % agent administratif et 29 % médecin hospitalier. In fine, seul un hospitalier sur deux (mais 70 % des médecins) affiche sa satisfaction au travail et le mécontentement concerne 60 % des paramédicaux.
Parmi les principaux motifs d'insatisfaction testés, les blouses blanches citent la mauvaise prise en compte des risques professionnels physiques ou psychosociaux (trois quarts de mécontents), l'absence d'équilibre entre travail et vie personnelle (pour la moitié des sondés) et le manque de temps (deux tiers du panel). Signe du niveau élevé de malaise du secteur, une majorité de professionnels de santé (52 %) déclarent que leur travail « leur génère un niveau de stress inacceptable ». Selon Odoxa, les soignants subissent bien davantage que la moyenne des autres catégories d'actifs insultes, menaces, incivilités et même agressions physiques.
À côté des préoccupations salariales, les hospitaliers affichent des revendications « singulières », résume Odoxa, qui portent donc sur l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle (deuxième priorité pour eux), les conditions d'exercice et la quête de sens au travail. De quoi nourrir la feuille de route du futur ministre de la Santé ?
* Enquête menée du 21 avril au 9 mai auprès de 465 professionnels de santé (dont 298 infirmiers et aides-soignantes) et 3013 Français. Méthode des quotas.
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