Les séries policières décrivent souvent la figure du médecin légiste réalisant des autopsies pour l'avancée d’une enquête. Si bien que cette activité de thanatologie est souvent l’aspect le mieux connu des étudiants en médecine lorsqu’ils pensent à la médecine légale. Au sein des instituts médicaux légaux (IML), le médecin légiste recherche, à la demande de la justice, les causes, les circonstances et l’heure de la mort de la victime. Or cette activité reste très marginale dans le quotidien des 161 médecins légistes en activité sur l’ensemble du territoire. Le ministère de la Santé ne compte que 10 429 examens de thanatologie sur l’ensemble des 260 000 actes réalisés en 2021 par des médecins légistes. Christophe Bartoli, président de la Société française de médecine légale et d’expertises médicales, résume sa spécialité comme « la médecine de la violence ».
De la violence au sens large puisqu’un médecin légiste rencontre des victimes de tous âges ayant subi tous types d’agressions, qu’elles soient volontaires (incivilités, violences conjugales…) ou non (accidents de la route, accidents du travail…). De fait, la médecine sur les vivants représente 93 % de l’activité des médecins légistes, d’après les chiffres du ministère de la Santé. « Ce sont des spécialistes qui vont identifier au mieux la violence, la qualifier, la quantifier », précise Christophe Bartoli, en examinant et en repérant les traces qu’elle a laissées afin d’évaluer les traumatismes subis.
Cet examen évalue les conséquences physiques et psychologiques de la violence reçue. Ceci dans le but de « proposer, avec leurs collègues cliniciens, la meilleure prise en charge médico-légale possible », poursuit le médecin légiste. À la suite de cet examen, le médecin établit un rapport des lésions constatées et détermine l’interruption totale de travail (ITT), c’est-à-dire la période durant laquelle un individu se trouve dans l’incapacité de réaliser les actes du quotidien.
Une spécialité récente
Même si la médecine légale fait partie intégrante de la procédure judiciaire, elle a longtemps été considérée comme une sur-spécialisation et demandait des études complémentaires au cursus des études médicales. Depuis 2017, elle est devenue une spécialité à part entière. Cela signifie que les étudiants ont le choix de se spécialiser en médecine légale s’ils le souhaitent, en occupant les 28 postes ouverts à l’issue des examens classants nationaux (ECN). Cette formation en 3 ans comprend des connaissances supplémentaires nécessaires à la pratique de la discipline comme la balistique, les techniques d’autopsie, la manière de mener un entretien avec les victimes ou encore leur prise en charge. Les futurs médecins légistes acquièrent aussi des connaissances en droit (organisation des soins en milieu pénitentiaire, droit de la santé…).
Suite à l’obtention du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine légale et expertises médicales, ils peuvent ensuite exercer en tant que médecin légiste dans les instituts médico-légaux (thanatologie), les unités médico-judiciaires (médecine du vivant) ou alors en tant qu’expert. Ils n’en restent pas moins des médecins et, quel que soit leur environnement de travail, ils demeurent des acteurs majeurs du parcours de soins des personnes qui les consultent, à travers l’écoute, le suivi psychologique, social ou juridique qu’ils proposent aux victimes. Ils peuvent exercer dans des structures publiques mais aussi en libéral.
Du judiciaire au social
À l’interface entre plusieurs mondes, le médecin légiste endosse différents rôles selon le cadre dans lequel il intervient. Il est dans un premier temps un auxiliaire de justice, c’est-à-dire qu’il intervient à la demande d’une autorité judiciaire comme un magistrat, le parquet ou un juge d’instruction. « Il peut être réquisitionné par la justice et remplir la mission qui lui est demandée pour autant qu’il en ait la compétence », explique Christophe Bartoli. Il peut également être amené à réaliser des examens de compatibilité de garde à vue ou encore à témoigner au tribunal et ainsi partager son expertise devant les juges afin d’éclairer leur décision en répondant à des questions techniques.
En dehors du cadre judiciaire, il peut aussi intervenir dans le monde de l’assurance en tant qu’expert et spécialiste du droit de la santé pour évaluer des dommages et préjudices afin d’estimer l’indemnisation adéquate.
Il est, enfin, un aidant et un accompagnant pour les victimes qu’il reçoit au sein de structures comme les maisons des femmes, des établissements recevant et prenant en charge des femmes en difficulté ou victimes de violences. Il devient alors un véritable « partenaire dans le soin avec les autres spécialistes comme les pédiatres ou les gynécologues », indique Christophe Bartoli. Dans toutes ces démarches, la médecine légale offre un soutien et participe au bon fonctionnement de la justice et des services publics, toujours « au service de la victime », conclut le médecin légiste.
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