LE QUOTIDIEN – Pour quelles raisons la Mutualité développe-t-elle le conventionnement hospitalier ?
ÉTIENNE CANIARD – Contrairement aux idées reçues, l’hôpital représente un poste de dépenses important pour les mutuelles : 17 % du total. Depuis un an, c’est celui qui augmente le plus. La facturation d’un supplément pour chambre particulière est la première raison de la création du conventionnement hospitalier. Les établissements facturent de plus en plus cette prestation afin d’équilibrer leurs budgets. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui ne le faisait pas, le pratique depuis l’an dernier. Le coût moyen d’une chambre particulière est de 42 euros, mais en région parisienne, il atteint 100 euros ! Des chiffres considérables ! La parution d’un décret en février 2011 qui autorise les établissements à facturer cette prestation en ambulatoire a contribué à l’expansion de cette pratique.
Les dépassements d’honoraires sont la seconde raison d’être du conventionnement hospitalier. De recettes accessoires, ils prennent une place de plus en plus importante dans le budget des établissements et donc dans le reste à charge des patients. Chambre particulière, dépassements, forfait hospitalier… Le reste à charge de certains Français peut s’élever à plusieurs centaines d’euros par jour. Face à cette situation intolérable, il y a un moment où il faut savoir dire non.
Sur quels critères la Mutualité définit-elle le choix des établissements éligibles au conventionnement ?
Le référencement des établissements est la première étape. D’après des critères de qualité, établis selon les procédures de certification de la Haute autorité de santé et les scores d’évaluation obtenus en matière de lutte contre les infections nosocomiales, un premier tri permet d’éliminer un peu moins de 10 % des établissements et cliniques. Ensuite, notre sélection est orientée par les critères tarifaires pratiqués localement, notamment en chirurgie, secteur observé à la loupe. Un plafond régional de dépassement est fixé. Les établissements sélectionnés sont ceux où 50 % des chirurgiens ont des pratiques tarifaires opposables ou inférieures au plafond régional retenu.
Après le référencement vient le temps de la négociation, menée sur le terrain par les mutuelles elles-mêmes. Ce sont elles qui prennent leurs responsabilités et qui adaptent leurs tableaux de prestations en fonction de la contractualisation obtenue. Le rôle de la Fédération est beaucoup plus un rôle de facilitateur que de contractant.
Sur la question des dépassements, comment allez vous articuler votre politique régionale avec les négociations que l’État s’apprête à engager ?
Il serait incohérent et irresponsable de la part de la Mutualité de soutenir une position dans le cadre de négociations globales et de ne pas l’appliquer dans les accords qu’elle passe sur le terrain. S’il y a un accord national qui permet d’envisager un cadre nouveau pour la maîtrise des dépassements d’honoraires, on traduira cet accord dans notre conventionnement hospitalier. Il ne peut pas y avoir une dichotomie entre les deux démarches. C’est tout de même un point qu’il va falloir éclaircir avec les pouvoirs publics et les syndicats médicaux, qui ont tendance à rester dans une approche nationale et à nier les disparités de pratique et entre spécialités.
À quelles conditions acceptez-vous de négocier sur les dépassements ?
Les négociations ont beaucoup plus de chances d’aboutir si on se place dans une perspective de retour à une forme d’opposabilité tarifaire qui ne soit pas au rabais, tout au long du parcours de soins. Il faut revaloriser les tarifs médicaux de secteur I. Il ne faudrait pas que tout l’effort porte sur la seule solvabilisation des pratiques éloignées des tarifs opposables en oubliant qu’aujourd’hui, trois quarts des médecins travaillent en secteur I ! Ne rien faire pour ceux qui ont été vertueux serait un très mauvais signal envoyé à l’immense majorité des médecins. C’est l’état d’esprit dans lequel la Mutualité engagera les négociations.
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