« C’est dans cette salle hybride que nous avons réalisé la première ablation par voie endobronchique, début décembre. C’est la toute première en France ! », se félicite la Dr Agathe Seguin-Givelet. La responsable du département de chirurgie thoracique de l’Institut mutualiste Montsouris (IMM) – célèbre établissement privé à but non lucratif (Espic) parisien, qui relève du groupe hospitalier de la Mutualité française – pointe fièrement du doigt le Cone Beam. Ce scanner mobile permet de contrôler la réussite des interventions chirurgicales en cours d'opération. « Pour naviguer dans les bronches, on utilise des champs magnétiques que l’on crée autour du patient. Cela nous guide, un peu comme le GPS d’une voiture », précise la chirurgienne. À l’approche d’une lésion, les praticiens vérifient que les pinces à biopsie sont correctement positionnées, « avec des marges de sécurité autour des tumeurs de plus en plus petites », explique la Dr Seguin-Givelet. Grâce à la chirurgie non invasive les patients sont traités précocement « avec un retour à l’autonomie et une reprise d’activité beaucoup plus rapide », se réjouit la médecin.
Salariat, liberté et taille humaine
C’est parce que l’établissement est positionné sur l’innovation thérapeutique que la chirurgienne a choisi d’y exercer. Précurseur du robot chirurgical, de la cœlioscopie digestive, de la vidéochirurgie thoracique… l'IMM met en avant sa capacité à lancer des projets de pointe pour fidéliser ses équipes. L’Institut du Thorax Curie-Montsouris est par exemple un centre d’excellence pour les patients atteints d’un cancer du poumon.
Entre le modèle hospitalier classique et celui des cliniques, le privé non lucratif s'efforce de capitaliser sur les atouts de chaque secteur (service public mais gestion souple et adaptabilité) sans sous-estimer ses propres difficultés économiques. La chirurgienne apprécie en tout cas le salariat, qui offre la possibilité d’exercer « sans faire du chiffre et du nombre à tout prix ». Elle salue aussi « l’énorme liberté » qui permet de « choisir en permanence le meilleur traitement adapté au patient ». Autre avantage, un établissement « à taille humaine », ce qui facilite les interactions entre soignants et les parcours de soins optimisés. « Plus vous développez de la technologie, plus vous devez développer de l’humanité dans la prise en charge des patients », insiste la Dr Seguin-Givelet.
Plus agile
Travailler avec une petite équipe permet « d’avancer beaucoup plus vite », souligne aussi le Dr Frédéric Zadegan. Chirurgien orthopédiste à l’IMM, il apprécie cette structure « agile » où l'on peut « développer et finir des projets organisationnels ou médicaux ». Ce n’était pas toujours le cas quand il exerçait à Lariboisière (AP-HP) où il y avait « un défaut dans la ligne directrice, des injonctions contradictoires d’un mois à l’autre ».
Ici, il retrouve lui aussi des avantages du public et du privé car « on raisonne sur des indicateurs médicoéconomiques », source de motivation. Le salariat facilite la relation avec les patients car il n’y a « pas de rapports commerciaux », analyse le Dr Zadegan. « On n’est pas obligés de répondre à toutes les demandes. On peut tout à fait dire aux patients qu'on n’est pas obligés de les opérer ».
Déprogrammations et inflation pèsent lourd
Mais cette liberté a ses limites et le secteur privé solidaire n'échappe pas aux contraintes financières qui pèsent sur tous les établissements. Pour les Espic aussi, conjuguer innovation et équilibre financier relève d'une équation de plus en plus complexe. D'autant que, selon Jean-Michel Gayraud, directeur général de l’IMM, l’établissement consacre 3,5 % de son budget de fonctionnement annuel pour « investir dans le renouvellement de matériel et suivre les sauts technologiques auxquels on est confrontés ».
La crise sanitaire a compromis ce fragile équilibre. Les déprogrammations massives liées à la prise en charge de patients Covid ont freiné l’activité. L’établissement a perdu en deux ans 35 % de ses infirmiers et peine – comme de très nombreux établissements – à recruter malgré des mesures d'attractivité. Dans cette période de transition délicate, la direction s'inquiète ouvertement de la hausse des coûts liés à l'inflation, de la fin de la garantie de financement alors que « 10 % de nos capacités de prise en charge sont amputées par manque d’infirmiers », précise Jean-Michel Gayraud, pour qui la situation financière des Espic est « extrêmement tendue ». L'innovation, mais à quel prix ? « Si on continue sur cette voie, à un moment donné, il ne restera plus que le public et le privé lucratif », alerte Éric Chenut, le président de la Mutualité.
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