Ils sont une infime minorité par rapport à l'ensemble des soignants et des agents hospitaliers mais leur retour ce lundi fait quand même des vagues. Comme annoncé, le gouvernement a publié dimanche au « Journal officiel » le décret permettant la reprise de poste des personnels non vaccinés contre le Covid, qui avaient été suspendus de leur fonction depuis août 2021. « L'obligation de vaccination contre la Covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 susvisée est suspendue », indique le décret, autorisant de fait leur réintégration.
Les conditions de ce retour, qui prévoient que la personne suspendue se voie réintégrée dans le même poste ou un poste « équivalent », ont été définies par le gouvernement dans une instruction ministérielle diffusée il y a deux semaines, afin de laisser aux hôpitaux et autres établissements de soins le temps de se préparer.
400 infirmières, très peu de médecins
Le sujet reste très sensible. Alors que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 4 mai, une proposition de loi communiste abrogeant définitivement l'obligation vaccinale contre le Covid dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d'aide à la personne, contre l'avis du gouvernement, ce dernier se garde la possibilité d'un retour en arrière via un nouveau décret, au besoin.
Cette PPL qui doit encore être examinée au Sénat a en tout cas « scandalisé » le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). « C'est une question [la réintégration des soignants non vaccinés] qui a été utilisée de manière complètement politicienne par certains élus et partis politiques, confie Arnaud Robinet au « Quotidien ». On parle de 4 000 personnes sur 1,2 million d'agents qui composent la fonction publique hospitalière dont à peine 400 infirmières. »
Les estimations vont de quelques milliers de personnes – suivant les indications parcellaires obtenues notamment auprès du ministère de la Santé par l'AFP – à « 20 000 à 40 000 personnes », selon Elsa Ruillère, une animatrice de collectifs de soignants refusant le vaccin devenue élue CGT Santé. « Ce n'est pas parce qu'on va les réintégrer, à supposer qu'ils le souhaitent, que cela va résoudre le problème des ressources humaines à l'hôpital. Je rappelle que 99 % des personnels ont été vaccinés et ont assumé leurs missions pendant la crise sanitaire », estime encore le président de la FHF, admettant que la recommandation de la HAS « a beaucoup questionné ».
« Double vigilance » en Guadeloupe
Le sujet n'a cependant pas le même impact en métropole que dans les territoires ultramarins, en particulier en Guadeloupe qui a été le théâtre d'une contestation nourrie et parfois violente contre l'obligation vaccinale. « On doit tout faire pour que cette énième crise du CHU de Guadeloupe soit dépassée », a souligné Éric Guyader, son directeur général auprès de l'AFP. Le décret publié dimanche a été accueilli de manière mitigée au CHU. « Un quasi non-sujet en réanimation », selon le chef de service. « On n’est pas hyperenthousiastes à l'idée de les voir revenir, mais la vraie urgence, c'est le manque de matériel, y compris pour les soins de base », raconte un infirmier. Le directeur annonce cependant une « double vigilance » : « On évitera de réaffecter des personnes non-vaccinées dans des unités où on soigne encore des patients Covid » ou bien « dans les services où des tensions ont été exacerbées ».
Sur l'archipel, près de 250 personnes sont à réintégrer, selon des chiffres de l'agence régionale de santé (ARS) établis début 2023, dont 90 au CHU et aux deux tiers des soignants. Tous seront convoqués à un entretien préalable, se verront proposer une visite médicale et l'accompagnement d'un psychologue, précise la direction. Elle espère que le dispositif antillais de ruptures conventionnelles améliorées, proposé par l'État fin 2021, restera en vigueur.
Braun, la science et l'éthique
« L'avis de la HAS était un avis sur les vaccinations obligatoires pour les soignants, pas que le Covid, a rappelé François Braun ce lundi sur France Info. Et puis, il y a le côté éthique pour protéger les personnes que l'on soigne. C'est pourquoi, j'ai demandé l'avis également du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). J'ai dit dès le départ que cette réintégration des soignants repose sur des éléments scientifiques et éthiques. »
"La réintégration des soignants non vaccinés contre le Covid-19 repose sur des éléments éthiques et scientifiques" "pour moi, l'éthique du soignant est de se protéger", rappelle François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention pic.twitter.com/XAFjh9BGa0
— franceinfo (@franceinfo) May 15, 2023
Selon un sondage Ifop pour le « Journal du Dimanche », 79 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables à la réintégration dans leur emploi des soignants non vaccinés.
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