Actuellement, la recherche d’IgEs dirigées contre des allergènes hautement purifiés permet de différencier sensibilisation et allergie et d’estimer la sévérité de l’allergie et d’évaluer ses risques de persistance (1-3). Il est possible d’effectuer le dosage sérique des IgEs dirigées contre un allergène individuel ou de doser les IgEs (avec très peu de sang) contre un grand nombre d’allergènes à l’aide d’une biopuce (ImmunoCAP® ISAC).
Diagnostic plus précis d’une allergie
› Exemple de l’arachide
L’arachide possède au moins 13 allergènes moléculaires. On dispose de 5 allergènes recombinants contre lesquels on peut évaluer l’IgE-réactivité du sérum des patients. Les protéines de stockage sont Ara h 1 (viciline), Ara h 2 (conglutine) et Ara h 3 (glycinine). La protéine PR-10 (Protein Related-10) est Ara h 8. La LTP (Lipid Transfer Protein) est Ara h 9.
Schématiquement, la présence d’IgEs contre les allergènes recombinants rAra h 1 – rAra h 2 et rAra h 3 (protéines de stockage stables à la chaleur et à la digestion) est associée à un diagnostic certain et à des réactions cliniques sévères.
A l’opposé une IgE-réactivité vis-à-vis de rAra h 8 (protéine PR-10 détruite par la chaleur et la digestion) est associée à des symptômes mineurs comme un syndrome d’allergie orale (SAO) ou même à une absence de symptômes (3,6). En effet, les sujets sensibilisés à une protéine (Protein related-10 ou PR-10) de l’arachide (Ara h 8) sont souvent allergiques au pollen de bouleau ou d’autres bétulacées ce qui explique cette positivité de rAra h 8 sans symptômes d’allergie à l’arachide (3).
› Exemple de la noisette
La noisette (Corylus avellana, angl. : hazelnut, filbert) possède un grand nombre d’allergènes en particulier Cor a 1 (Protéine PR-10), Cor a 2 (profiline), Cor a 8 (LTP), Cor a 9 (globuline 11S), Cor a 11 (viciline). Les symptômes d’allergie à la noisette sont légers (SAO), systémiques (angio-œdème, urticaire, asthme) ou très sévères (anaphylaxie). Les profils cliniques sont identifiables par le dosage des IgEs contre les recombinants rCor a 1 er rCor a 8 (actuellement disponibles) : Cor a 1 est associé au SAO, Cor a 9 et Cor a 11 aux réactions systémiques, et Cor a 8 aux réactions sévères.
Les raisons de ces associations sont dues au fait que : i) les profilines, peu stables, ne sont plus allergisantes en milieu digestif, ii) les LTP, thermostables, sont surtout responsables des formes sévères. Ainsi s’expliquent les différences d’allergénicité entre les noisettes crues et grillées. Des symptômes allergiques à la noisette grillée font suspecter une allergie à la LTP (Cor a 8) et aussi à la protéine de stockage Cor a 9 (globuline 11S) ; dans ce dernier cas il existe habituellement une allergie croisée avec l’arachide.
Diagnostic des réactions croisées
De nombreux individus sont sensibilisés à plusieurs allergènes et/ou présentent des réactions croisées. Le clinicien veut distinguer les véritables allergiques (PT et/ou IgEs positifs avec symptômes cliniques à l’exposition aux allergènes) et de ceux qui sont uniquement sensibilisés c’est-à-dire porteurs de sensibilisations biologiques sans pertinence clinique (PT et/ou IgEs positifs sans symptômes cliniques à l’exposition aux allergènes). Cette distinction est importante à établir car dans le premier cas des mesures seront nécessaires (éviction alimentaire, trousse de traitement antiallergique, etc.) et, dans le second, aucune mesure ne sera nécessaire.
› Par exemple, la famille des protéines PR-10 comporte des allergènes du bouleau (Bet v 1), de la noisette (Cor a 1), de l’arachide (Ara h 8), du soja (Gly m 4), de la pomme (Mal d 1), etc., ce qui explique qu’un sujet allergique (ou sensibilisé) au bouleau puisse être allergique (ou sensibilisé) à la pomme ou à l’arachide qui sont recèlent des allergènes de la famille des PR-10 (ici Mal d 1 et Ara h 8) (voir tableau).
En cas de positivité, le dosage des IgEs dirigées contre les allergènes recombinants permet d’établir, en grande partie, cette distinction. La prescription et l’interprétation de ces résultats sont du ressort de l’allergologue. Il est important de se rappeler que les résultats du diagnostic moléculaire de l’allergie doivent toujours être confrontés aux données cliniques.
À l’inverse, au cours des réactions croisées, il est important de tenir compte des aliments que le patient tolère ou non. Ainsi, si individu allergique à l’arachide présente des PT positifs à certains fruits à coque, par exemple pignon de pin ou noisette, mais les a parfaitement tolérés à plusieurs reprises il n’est pas cliniquement allergique au pignon ou à la noisette. Dans le doute, l’allergologue demandera un test de provocation par voie orale (TPO) en milieu spécialisé.
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