Sabine, 68 ans, consulte car depuis quelques semaines, elle éprouve des sensations de pesanteur au niveau de son sein gauche. Il y a 30 ans, elle avait bénéficié de la pose d’implants mammaires bilatéraux en silicone, à des fins esthétiques. Elle reconnaît ne pas se faire suivre régulièrement pour ses prothèses, sa dernière mammographie ayant été réalisée il y a 5 ans. Cependant, Sabine (ancienne infirmière de bloc) coupe court à notre discussion car elle est sûre que les manifestations cliniques observées sont en relation avec une sténose artérielle au niveau de l’artère sous-clavière. Sabine est une ancienne fumeuse et elle a bénéficié d’une endartériectomie carotidienne gauche, et aussi de la pose d’un stent au niveau de l’artère fémorale superficielle il y a 2 ans. Nous demandons, en plus d’un bilan vasculaire, une mammographie, qui objective la présence de siliconomes au pourtour de la prothèse mammaire gauche. Le radiologue programme dans la foulée une IRM mammaire qui objective une rupture intra et extra-capsulaire de la prothèse avec présence de siliconomes autour du sein, mais aussi une infiltration de silicone au niveau des aires ganglionnaires axillaires.
INTRODUCTION
La pose d’implants mammaires est réalisée dans 80 % des cas à des fins esthétiques, et dans 20 % des cas pour une reconstruction mammaire (cancer du sein le plus souvent).
Deux types d’implants mammaires peuvent être posés :
• des implants remplis de sérum physiologique,
• des implants en silicone.
Les prothèses en silicone ont une meilleure longévité du fait d’une viscosité importante de ce gel qui assure une meilleure protection vis-à-vis des plis et d’une usure éventuelle.
Trois types de textures existent pour les prothèses : lisses, texturées avec une surface rugueuse, et les macrotexturées. Les prothèses texturées ont généralement la faveur des chirurgiens plasticiens car elles permettent une meilleure adhésion au revêtement cutané, mais leur risque de rupture est plus élevé que les lisses.
DEUX TYPES DE RUPTURE
→ La rupture intra-capsulaire
Dans ce cas, le silicone est maintenu au niveau de l’enveloppe prothétique fibreuse qui entoure la prothèse. La fuite est souvent observée en réalisant une échographie de contrôle. Dans ce type de rupture, le diagnostic est généralement effectué grâce à l’imagerie (surtout l’échographie), et cliniquement la patiente est, dans la plupart des cas, asymptomatique.
→ La rupture extra-capsulaire
Dans cette situation, le gel de silicone traverse la membrane de la prothèse et donne par la suite un granulome à corps étranger qui prend l’aspect d’un nodule (le siliconome). En parallèle, on peut observer une réaction inflammatoire (elle peut se caractériser parfois par l’existence d’adénopathies axillaires) si le gel diffuse de manière importante.
Cliniquement, on objective des douleurs (localisées au départ, puis qui diffusent), des paresthésies, une sensibilité exacerbée, une modification du volume du sein (du fait de phénomènes inflammatoires) et de sa consistance (sein plus dur ou ayant une texture plus irrégulière liée à la présence des siliconomes), ou une modification de sa forme.
Si la fuite est minime, elle peut être asymptomatique (cas de perspiration du gel de silicone).
Examens d’imagerie : mammographie (elle peut objectiver les siliconomes), ou échographie et IRM qui confortent le diagnostic de rupture déjà subodoré lors de la réalisation de la mammographie du fait de la présence des siliconomes.
À noter que des progrès ont été effectués, permettant désormais la fabrication d’implants en gel de silicone cohésif. Ce type de silicone se déverse difficilement en cas de rupture prothétique.
PRISE EN CHARGE
Elle repose en premier lieu sur le suivi médical des implants mammaires. Après l’intervention, il est important de revoir le chirurgien 15 jours, 3 mois, et un an après.
Par la suite, un suivi doit être réalisé annuellement avec un examen clinique, qui est le plus souvent effectué par le médecin traitant. En parallèle, il est également impératif d’effectuer régulièrement des imageries de ces implants.
Par ailleurs, toute rupture prothétique doit conduire à un remplacement dans le cas d’une rupture intra-capsulaire, qui doit être associé à un nettoyage de la loge prothétique dans le cas d’une rupture extra-capsulaire.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Thomas Cavailhès (interne en médecine générale à Montpellier), Chloé Liger et Chloé Lebreton (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Bouillot A. Faut-il changer les prothèses mammaires en gel de silicone ? Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 2005 ; 50 (5) : 554-559.
2. Fisher J, Handel N. Problems in Breast Surgery: a repair manual. Ed CRC Press 2014.
3. Les prothèses mammaires implantables. www.ansm.sante.fr/
Activites/Surveillance-des-dispositifs-medicaux-implantables/Surveillance-des-protheses-mammaires/(offset)/0#paragraph_42269.
Cas clinique
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