Offrir aux généralistes une aide pratique à l'évaluation du risque cardio-vasculaire et à la prescription… Tel est l’objectif affiché des nouvelles recommandations de la HAS sur les dyslipidémies. Déclinée sous formes de quatre « fiches mémo » (voir ici), la nouvelle feuille de route « s’appuie sur une analyse des recommandations internationales et des méta-analyses les plus importantes, essentiellement celle de la Cochrane et celle de la Cholesterol Treatment Trialists’ Collaboration », précise Emmanuel Nouyrigat (chef de projet à la HAS).
Le risque CV prime…
Premier point important : elles soulignent d’emblée que le repérage et le traitement des dyslipidémies ne se conçoivent que dans le cadre plus large de la prise en charge du risque CV global. « Nous avons complètement changé de paradigme, explique le Dr Michel Laurence (chef du service des recommandations des bonnes pratiques professionnelles). L’élément capital est l’évaluation du risque CV qui doit être réalisée chez tout patient après 40 ans et dont la dyslipidémie n’est qu’un des éléments au même titre que l’HTA, le diabète ou le tabagisme. Une dyslipidémie simple ne doit pas être traitée de façon isolée, mais en fonction des autres facteurs de risque ». Pour cela l’équation SCORE est recommandée, en prévention primaire, chez les personnes de 40 à 65 ans. Quatre niveaux de risque sont identifiés. La présence d’un diabète, d’une insuffisance rénale... est aussi à prendre en compte.
… mais la notion de valeurs cibles reste
La principale interrogation concernait les cibles thérapeutiques. La HAS allait-elle suivre les guidelines américaines et supprimer les valeurs cibles de cholestérol-LDL (LDL-C ) ou les conserver comme l’ont fait l’European Society of Cardiology et les sociétés savantes françaises (SFE, SFD et NSFA) dans leurs dernières recommandations ? Le choix de la HAS a été de conserver les valeurs cibles de LDL-C, qui guident toujours le traitement.
Cependant, par souci de clarté, les objectifs thérapeutiques deviennent équivalents aux seuils d’intervention :
- LDL-C <1,90 g/l en cas de niveau de risque faible (score<1%) et <1,30 g/l en cas de niveau de risque modéré (<5%), ces objectifs devant être atteints par une modification du mode de vie en première intention. Si l’objectif n’est pas atteint après 3 mois, il est recommandé d’associer un hypolipémiant. « Mais il faut que les modifications du mode de vie soient effectives, estime le Dr Nouyrigat. Le médecin peut prolonger encore 3 mois cette période avant de prescrire un médicament.»
- LDL-C <1g/l, en cas de niveau de risque élevé (5 à 10%), et <0,70 g/l en cas de risque très élevé (>10%). La prescription d’un hypolipémiant est recommandée d’emblée, toujours en association à une modification du mode de vie. Si l’objectif n’est pas atteint au bout de trois mois, le traitement médicamenteux doit être intensifié.
Pourquoi ne pas avoir abandonné les objectifs lipidiques comme le prônent les recommandations américaines ? « Les Américains estiment que les cibles de LDL-C n’ont pas été évaluées par des essais de recherche de doses sur les statines, commente Emmanuel Nouyrigat. Néanmoins, il y a un consensus au niveau européen et français pour dire qu’il est important dans la pratique quotidienne de fixer un objectif pour le suivi du patient. C’est plus compréhensible pour le patient et c’est un facteur d’adhésion au traitement. Par ailleurs les Américains recommandent trois niveaux d'intensité de traitement par statine en fonction de la diminution de LDL-C attendue et évoquent la possibilité de dosages du cholestérol au cours du suivi, donc cela ne change pas fondamentalement les modalités de traitement. »
La notion de cible de LDL-C pour poser l’indication thérapeutique implique qu’une personne ayant un risque cardiovasculaire élevé, mais un LDL-C dans les normes ne serait pas traité par statines. Or ces médicaments sont classiquement recommandés, quelles que soient les concentrations de LDL-C chez les patients diabétiques et après un premier AVC. « En prévention secondaire, la cible de LDL-C est <0,70 g/l », note le Dr Laurence. Mais, en pratique on ne voit jamais de concentrations spontanément inférieures.
La simvastatine et l’atorvastatine sont recommandées du fait de leur meilleur rapport coût/efficacité. Si l’objectif cible n’est pas atteint avec la dose maximale tolérée de statine, une association avec l’ézétimibe ou, en dernier lieu, avec la cholestyramine est recommandée.
Les recos accordent aussi une grande importance aux modifications du mode de vie, qui fait l’objet d’une fiche mémo distincte. « Prescrire une statine dès que le LDL-C est élevé n’est pas le bon réflexe aujourd’hui », souligne le Dr Laurence.
Mollo chez les séniors
Les recommandations sont très prudentes concernant les personnes les plus âgées. « Chez les plus de 80 ans, en l’absence de données, l’instauration d’un traitement par statine n’est pas recommandé », précise la HAS. En revanche, la poursuite d’un traitement est possible s’il est bien toléré. Entre 65 et 80 ans, les règles de prescription des statines sont les mêmes que chez les plus jeunes. Cependant, le texte apporte une nuance en recommandant d’avoir une discussion avec ces patients sur les risques et les bénéfices du traitement par statine « afin qu’ils puissent prendre une décision au sujet de la prise de statines sur le long terme ».
Un focus est fait sur l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote. Elle doit être suspectée lorsque le LDL-C est ≥ 1,9 g/l chez l’adulte et ≥ 1,6 g/l chez l’enfant. Dès 20 ans, la prise en charge est identique à celle des patients ayant une hypercholestérolémie isolée, au minimum à risque cardiovasculaire élevé.
En cas d’hypertriglycéridémie sévère, l’objectif est d’abaisser la triglycéridémie en-deçà de 5 g/l pour prévenir une pancréatite. La fiche préconise également la prescription d’un fibrate.
Anti PCS-K9 : la HAS joue la carte de la prudence
Deux anticorps anti-PCSK9 ont l’AMM pour les patients atteints d’hypercholestérolémies familiales homozygotes, mais aussi pour ceux ayant une hypercholestérolémie primitive ou une dyslipidémie mixte lorsque les concentrations de cholestérol-LDL sont insuffisamment abaissées par une statine à dose maximale tolérée ou en cas d’intolérance aux statines. La HAS reste très prudente concernant ce deuxième type d’indications, soulignant que la place de ces médicaments reste à définir car « leur effet sur la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires n’a pas encore été déterminé ». À noter qu’une diminution des événements CV a été observée dans les études Osler et Fourier, mais demande a être confirmée sur de plus larges effectifs.
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