RAPPELS SUR L’ATOPIE ET L’ALLERGIE
L’allergie est une réaction d’hypersensibilité de mécanisme immunologique IgE-dépendant ou non. L’atopie se définit comme la facilité anormale à synthétiser des anticorps IgE spécifiques vis-à-vis d’allergènes naturels entrant en contact avec l’organisme par les voies naturelles.
Les maladies allergiques atopiques sont des maladies à composantes génétiques qui s’expriment au niveau de différents organes ce qui rend compte de ses nombreuses manifestations : peau, muqueuses nasale, laryngée et bronchique et muqueuse digestive.
Les allergies atopiques de l’enfant se manifestent ainsi par l’eczéma atopique, la rhinite allergique, l’asthme, l’allergie alimentaire responsable de différents tableaux cliniques, l’œdème de Quinke et l’urticaire et très rarement chez l’enfant par un choc anaphylactique.
Les maladies allergiques non atopiques de l’enfant sont celles liées aux insectes piqueurs, aux médicaments et aux eczémas de contact.
Les allergies de l’enfant sont très fréquentes
On estime que 20 à 30 % de la population présentent un terrain atopique.
Chez l’enfant de moins de trois ans, la dermatite atopique (eczéma atopique ou eczéma constitutionnel) est la symptomatologie atopique la plus fréquente. Elle atteint environ 10 % des nourrissons et l’allergie alimentaire est la première cause de l’eczéma du nourrisson et de l’enfant.
6 % des enfants ont une rhinite allergique et 12 à 25 % des adolescents (3).
7 à 9 % des enfants de 6-7 ans ont de l’asthme et 10 à 14 % des adolescents entre 12 et 15 ans.
-› En pratique, une personne sur 5 à une personne sur 3 qui consulte un généraliste est atopique, tout en sachant que tous les atopiques ne présentent pas de symptômes cliniques.
L’allergie est génétique
La maladie atopique présente une forte composante génétique. Ainsi, 80 % des enfants ayant une dermatite atopique ont des parents atopiques, 50 % des asthmatiques à l’âge de 2 ans et 92 % à l’âge de 8 ans ont des parents atopiques, enfin 33 % des enfants de 1 an et 66 % de ceux de 5 ans qui ont une rhinite allergique ont des parents atopiques.
-› Le diagnostic d’allergie chez l’enfant est évoqué d’autant plus facilement que les parents sont eux mêmes atopiques. Souvent, les parents ne font pas le lien entre les symptômes de leur enfant et leurs propres symptômes allergiques dans l’enfance ou ceux des autres enfants de la fratrie. L’interrogatoire est essentiel, il doit s’efforcer d’énumérer l’ensemble des symptômes allergiques aux parents pour vérifier l’existence ou non d’un terrain atopique familial : eczéma, rhinite, asthme, diarrhée chronique, allergie alimentaire etc…
L’ALLERGIE ALIMENTAIRE : DES SYMPTÔMES MULTIPLES
L’allergie alimentaire est très fréquente chez l’enfant puisque 8 % en sont atteints. Elle peut guérir spontanément dans des proportions variables : l’allergie au protéines du lait de vache guérit dans 80 à 90 % des cas à 3 ans, l’allergie à l’œuf dans 65 % avant l’âge de 5 ans. L’allergie à l’arachide est durable avec un taux de guérison d’environ 15 à 20 %.
Tous les aliments étant susceptibles de provoquer une allergie alimentaire, aussi bien l’aliment brut que les produits élaborés, le diagnostic d’allergie alimentaire n’est pas facile, il nécessite le recours du spécialiste en allergologie. Il est encore plus compliqué en raison de l’existence d’allergies croisées.
Les symptômes de l’allergie alimentaire évoluent selon l’âge, ils sont variés et ne sont pas spécifiques, tous doivent faire rechercher une allergie en milieu spécialisé.
60 % des enfants sont allergiques à un seul aliment.
En cas d’allergie alimentaire, l’allergie se manifeste par une dermatite atopique dans 70 % des cas avant l’âge de 3 ans et dans 50 % chez les moins de 15 ans.
Les effets de l’éviction de l’allergène alimentaire sont variables en fonction des symptômes. L’amélioration est immédiate pour des symptômes d’urticaire ou d’asthme. L’amélioration est moins rapide pour une dermatite atopique.
Les signes évocateurs d’une allergie alimentaire
L’allergie alimentaire se manifeste sous différents symptômes qui doivent la faire évoquer :
• L’eczéma ou dermatite atopique est présent chez 80 % des enfants au cours de la première année de vie en cas d’allergie alimentaire. La poussée d’eczéma a lieu soit immédiatement après l’ingestion de l’aliment, soit dans un délai de 6 à 24 heures ou même de 48 heures chez certaines personnes, rendant difficile la détermination de l’aliment en cause.
• L’urticaire rare avant l’âge de 1 an devient ensuite plus fréquent.
• L’œdème laryngé qui peut être mortel concerne 12 % des enfants ayant une allergie alimentaire entre 6 et 15 ans.
• L’asthme, peu fréquent avant l’âge de 3 ans, est exceptionnellement la seule manifestation de l’allergie alimentaire. Il prédomine chez l’enfant et l’adolescent.
• Les signes digestifs sont nombreux diarrhée chronique, douleurs abdominales, constipation plus rarement. Le reflux gastro-œsophagien peut également être dû à une allergie alimentaire.
• Rhinite et rhino-conjonctivite sont plus rarement signalés
• Le syndrome oral (ou syndrome de Lessof) est fréquent quand une allergie aux pollens est associée. Le palais gratte, les lèvres gonflent, la déglutition devient difficile en mangeant un fruit ou un légume.
• Le choc anaphylactique et l’œdème de Quincke sont relativement rares chez l’enfant et deviennent plus fréquents à l’adolescence.
Penser à une allergie aux protéines du lait de vache (APLV)
C’est l’allergie alimentaire la plus fréquente dans la première année de vie, elle est responsable de symptômes cutanés, digestifs et rarement respiratoires, elle atteint 2 à 3 % des enfants de moins de un an. Elle peut être médiée par les IgE entraînant des manifestations dans les 2 heures après la prise de biberon ou non IgE-médiée à médiation cellulaire entrainant des réactions retardées. C’est une maladie héréditaire 72 % des enfants ayant une APLV ont des parents atopiques.
-› Son diagnostic est simple lorsque les symptômes surviennent après la prise du biberon.
Lorsque les symptômes sont chroniques, il faut évoquer le diagnostic très précocement lorsque le lait est l’aliment exclusif. Le diagnostic de certitude repose sur le régime d’exclusion qui entraîne la disparition des symptômes. La dermatite atopique et les symptômes digestifs chroniques sont les plus fréquents de l’APLV (voir encadré).
• La dermatite atopique : elle touche 50 à 70 % des enfants ayant une APLV.
• Les symptômes digestifs. Un reflux gastro-œsophagien prouvé est présent chez plus de 40 % des enfants allergiques au lait. Il est recommandé de rechercher une APLV lorsqu’un reflux est associé à d’autres signes : diarrhée, eczéma, rhinite ou si le RGO est résistant au traitement. La diarrhée chronique est associée à des douleurs abdominales et des gaz. La débacle diarrhéique survenant dans les heures suivant le biberon est rarement isolée.
Une constipation sévère, résistante au traitement doit faire évoquer une APLV. Elle est rare, mais il peut s’agir de la seule manifestation. Les rectorragies du nourrisson sont très évocatrices. La cassure de la courbe de poids (liée à la malabsorption, à l’anorexie ou aux vomissements) est un signe tardif, mais certains enfants ont une APLV et une courbe de poids parfaite.
• Les symptômes respiratoires et ORL : l’APLV doit être évoquée lorsque ces signes sont associés à d’autres symptômes : eczéma, RGO, troubles digestifs. L’APLV peut être associée à des otites à répétition ou à une otite séreuse, ce n’est pas rare.
-› L’exclusion du lait de vache n’est pas définitive. L’acquisition de la tolérance étant obtenue dans près de 80 % des cas avant l’âge de 3 ans, un suivi et une réévaluation régulière des tests allergologiques sont indispensables afin d’envisager une réintroduction du lait.
DEVANT UN ASTHME OU UNE RHINITE OU UNE OTITE
Asthme de l’enfant : 80 % sont allergiques
Avant l’âge de trois ans, bronchiolite et asthme sont souvent confondus, les symptômes cliniques étant identiques. L’asthme du nourrisson est défini par l’existence d’au moins trois épisodes de sifflements avant l’âge de 3 ans (5). Les sifflements (wheezing) disparaissent généralement dans les trois premières années, quand ils persistent au delà de 3 ans, les enfants sont des « siffleurs persistants » et considérés comme asthmatiques. Pour ces enfants se pose alors l’origine atopique de l’asthme. Son exploration nécessite un avis spécialisé et l’on sait que 80 % des asthmes de l’enfant sont d’origine allergique.
En pratique, une enquête allergologique est réservée aux enfants ayant des symptômes respiratoires persistants et/ou sévères, et/ou nécessitant un traitement continu et/ou associé à d’autres symptômes compatibles avec une origine atopique et/ou en cas d’antécédents allergiques familiaux marqués (parents ou fratrie).
La rhinite allergique peut débuter très tôt
Chez l’enfant, la rhinite allergique survient dans la première année de vie pour 35 % des enfants allergiques et pour 59 % avant l’âge de 5 ans. Elle débute souvent précocement lorsque la dermatite atopique s’estompe et qu’un asthme apparaît. S’il est habituellement simple de distinguer une rhinite allergique d’une obstruction par hypertrophie adénoïdienne, la distinction entre les rhinopharyngites répétitives d’adaptation immunitaire et rhinite allergique est moins simple.
Vers l’âge de 1 ou de 2 ans, les symptômes de la rhinite allergique sont identiques à ceux de l’adulte avec les signes classiques : prurit nasal, rhinorrhée, obstruction nasale, éternuements.
-› Il est nécessaire de penser à une rhinite d’origine allergique devant une rhinopharyngite qui dure plus de 3 semaines. Une otite séreuse peut être d’origine allergique. Du fait de l’existence fréquente d’un œdème de l’orifice pharyngé des trompes d’Eustache, la rhinite allergique du jeune enfant est souvent associée à une otite séreuse. Celle-ci doit faire évoquer son origine allergique et orienter l’enfant vers un allergologue.
Rhinite allergique et asthme
La rhinite allergique précède souvent l’asthme et l’aggrave. Il est d’ailleurs démontré que la prise en charge correcte de la rhinite allergique réduit la gravité de l’asthme, diminuant ainsi le recours aux urgences et le nombre d’hospitalisations (1). Le risque d’asthme est 8 fois plus important chez les sujets ayant une rhinite allergique.
Il est essentiel de penser à rechercher un asthme associé chez les enfants ayant une rhinite allergique.
Rhinite et allergie alimentaire
Dès la naissance, le bébé peut avoir une obstruction nasale quasi permanente. Il respire mal, tousse. Une otite séreuse peut alors être découverte lors d’un examen otoscopique.
La précocité de l’obstruction nasale doit faire évoquer une allergie aux protéines du lait de vache. Lorsque le diagnostic est confirmé, l’exclusion du lait de vache guérit la symptomatologie.
DEVANT DES SIGNES CUTANÉS
La dermatite atopique (DA) ou eczéma atopique
La DA est une manifestation cutanée d’une allergie. Elle est ainsi souvent associée à d’autres manifestations atopiques, asthme, rhinite, allergie alimentaire. Elle débute dès les premières semaines de la vie par une atteinte symétrique prédominant sur les convexités du visage et des membres. Une sécheresse cutanée (xérose) est fréquente. Le prurit est constant après l’âge de 3 mois, souvent associé à des troubles du sommeil. L’aspect des lésions varie selon le moment de l’examen (poussées ou rémission).
Chez l’enfant après 2 ans, les lésions sont localisées aux plis (cou, coudes, genoux) et aux extrémités (mains et poignets, chevilles).
La majorité des DA disparaît dans l’enfance. Quand elle persiste à l’adolescence la lichénification et la xérose sont fréquentes. L’atteinte du visage et du cou sous forme d’un érythème est caractéristique. Le diagnostic de DA est clinique. Son étiologie nécessite des explorations allergologiques.
-› La dermatite atopique ne contre-indique pas la vaccination. Le calendrier vaccinal des enfnts atopiques est le même que celui des enfants non atopiques (6). En cas d’allergie à l’œuf un avis spécialisé est nécessaire pour les vaccins contre la grippe et la fièvre jaune (cultivés sur œufs). En cas de fortes poussées, il est prudent de retarder transitoirement la vaccination.
Les mesures de prévention
Le tabac est particulièrement nocif pour les muqueuses respiratoires de l’enfant Il est impératif de ne pas fumer en présence d’un enfant.
Lors de la grossesse, il est démontré que l’exposition à des solvants organiques (fortement lipophiles passant vraisemblablement le placenta) - trichloréthylène, white-spirit, acétone, toluène, xylène et le benzène - augmente la survenue des rhinites allergiques chez les enfants (2).
Il est prouvé que l’allaitement maternel exclusif pendant au moins 3 mois diminue le risque d’apparition d’une DA chez les enfants à risque. L’allaitement maternel, sans régime particulier pour la mère, est ici recommandé.
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
Après avoir suspecté une origine allergique, le diagnostic de certitude d’une allergie est du domaine du spécialiste.
• Le bilan allergologique vise à identifier l’allergène en cause afin de mettre en place une éviction ou une désensibilisation.
L’interrogatoire est la pierre angulaire du diagnostic, il est long et précis.
La recherche d’un terrain atopique familial est indispensable.
• La recherche de la sensibilisation à un allergène par prick test et ou patch test est le second temps. Ces tests sont réalisables chez les nourrissons
La positivité des tests cutanés conduit au dosage des IgE spécifiques pour un allergène donné traduit un mécanisme immunologique IgE dépendant. Il met en évidence une sensibilité mais ne traduit as nécessairement une allergie clinique à cet allergène. Il faut ainsi comparer la clinique aux résultats biologiques. Ces dosages et leur interprétation sont réservés au spécialiste.
En cas de doute, des tests de provocations sont possibles.
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique