La carence martiale de l’enfant est essentiellement due à une insuffisance d’apport. Elle survient après l’âge de 6 mois chez l’enfant de poids normal né à terme. Jusqu’à cet âge l’enfant vit sur ses importantes réserves, ce qui explique que le lait maternel soit quasiment dépourvu en fer (1 mg/litre). En effet, la quantité totale du fer de l’organisme à la naissance est de 75 mg/kg (70 mg/kg pour le prématuré) et après l’âge de 6 mois de 50 mg/kg, le taux d’hémoglobine néonatal est de 18 g/l et de 12,7 g/l à l’âge de 1 an. Durant la première année, les besoins en fer sont de 1mg/kg/jour.
UNE PREVALENCE ELEVEE
La prévalence de la carence en fer de l’enfant est mal documentée en France. Dans l’étude française SUVIMAX 30 à 50 % des enfants de 6 mois à 2 ans et 38 % de ceux âgés de 2 à 4 ans ont une déplétion des réserves en fer. L'anémie ferriprive quant à elle concerne
4,2 % des enfants de 6 mois à 2 ans, et 2 % des enfants de 2 à 4 ans. Une étude réalisée en 2002 portant sur 558 enfants âgés de 16 à 18 mois en Ile de France, montre que 55 % des enfants consomment un lait enrichi en fer. Le risque de carence en fer, mesurée par une ferritinémie < 12 ng/ml, est quatre fois plus important chez les enfants consommant du lait demi-écrémé que chez ceux consommant un lait enrichi en fer. Les enfants qui continuent à être nourris exclusivement au sein (2,2 % de la population étudiée) présentent un risque de carence martiale multiplié par 15. Une anémie, (taux d’hémoglobine < 10,5 g/dl et ferritinémie basse), est présente chez 13 % des enfants consommant du lait demi-écrémé, alors qu’elle est présente chez 2,8 % pour les enfants consommant un lait enrichi en fer
(p < 0,001). Il apparaît nettement que le risque de carence martiale est significativement plus élevé dans les populations dont le niveau socio-économique et éducatif est le plus faible. L’allaitement maternel exclusif au delà du 6ème mois ne couvre pas les besoins en fer de l’enfant : 30 % des enfants sont anémiés et 85 % ont une carence martiale. En Europe (3), l’introduction précoce du lait de vache est le facteur négatif principal du statut martial des enfants à 1 an, alors que la consommation d’un lait enrichi en fer est le principal facteur influençant positivement le statut martial.
LA FERRITINEMIE POSE LE DIAGNOSTIC
La ferritine est le reflet fidèle de l’importance des réserves tissulaires directement mobilisables. Sa diminution est le signe le plus précoce d’un épuisement des réserves. Elle précède de plusieurs semaines à plusieurs mois l’apparition d’une anémie (2). Une ferritinémie inférieure à 12 ng/ml est le signe d’une carence martiale certaine, en l’absence de syndrome inflammatoire. Le diagnostic de carence martiale est simple : il repose sur le dosage de la ferritine plasmatique. Une ferritinémie inférieure aux normes du laboratoire en fonction de l’âge de l’enfant est pathognomonique du déficit en fer.
LES RISQUES D’UNE CARENCE
Le fer et le zinc sont les deux oligoéléments dont la quantité est la plus grande au niveau cérébral. La ?carence?martiale diminue les capacités cognitives, le développement psycho-moteur et la réponse immunitaire. Elle altérerait le fonctionnement des enzymes impliquées dans la synthèse des neurotransmetteurs, diminuerait la myélinisation et modifierait le métabolisme énergétique du cerveau en altérant le fonctionnement des transporteurs de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline (5). Par ailleurs, le cortex, l’hippocampe, et le striatum, zones importantes pour la cognition, sont plus sensibles aux déficits en fer que les autres zones du cerveau. La carence en fer est ainsi capable d'induire un retard de développement, touchant la coordination oculomotrice et le langage, ainsi que la coordination motrice fine (7). Les adolescents qui furent des enfants déficients en fer possèdent une mauvaise mémoire spatiale et ne récupèrent pas leurs capacités malgré les traitements de supplémentation (6).
PRISE EN CHARGE
La prévention consiste à utiliser systématiquement des laits industriels qui sont tous enrichis en fer. Après la naissance lait premier âge, puis lait deuxième âge jusqu'à 12 mois, ensuite lait de croissance pendant les 3 premières années de la vie.
Lorsque la carence martiale est avérée sur le plan biologique, le traitement repose sur un apport médicamenteux de sel ferreux à la dose de 3 à 6 mg/kg/jour en deux prises quotidiennes avant le repas, pendant 3 à 6 mois. Dans 10 à 20 % des cas, le traitement est mal toléré sur le plan digestif (nausée, constipation, diarrhée, douleurs abdominales…), il faut alors fractionner ou réduire la dose. Le traitement colore les selles en noir.
EN PRATIQUE
-› Conseils aux parents
L’allaitement maternel jusqu’à 4-6 mois doit être encouragé. Après 6 mois la diversification alimentaire est indispensable, elle doit apporter 1mg/kg/jour de fer.
En l’absence d’allaitement maternel, il faut expliquer pourquoi le lait de vache demi écrémé ou entier n’est pas conseillé, car pauvre en fer et de composition inadapté aux enfants. L’usage de laits infantiles est recommandé, ils sont tous supplémentés en fer. Mais cet usage reste problématique en raison de son coût.
-› Enfants à risque de carence martiale (4)
Prématurés et enfants de petit poids de naissance
Infection ORL ou pulmonaire à répétition
Milieu socio-économique défavorisé, migrants
Interrogatoire alimentaire simple : quel lait consomme l’enfant.
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique