La borréliose de Lyme est la pathologie à transmission vectorielle la plus fréquente des zones tempérées de l’hémisphère Nord chez l’homme. Les espèces de bactéries responsables appartiennent au groupe Borrelia burgdorferi sensu lato (Bb sl) et sont transmises par une tique dure du genre Ixodes, surtout à la stase nymphale. Dans le cadre du Plan national de lutte contre la maladie de Lyme de 2016, la HAS vient d’élaborer un protocole de diagnostic et de soins (1).
TRANSMISSION
► Les tiques Ixodes sont présentes sur tout le territoire français et à des altitudes de plus en plus élevées. Elles ont une activité saisonnière maximale du printemps à la fin de l’automne, avec des cas de piqûres rapportés en hiver en raison de températures douces. Un récent BEH (2) rapporte une incidence stable à l’échelon national depuis 2009 : 55 cas pour 100 000 habitants, avec toutefois une augmentation observée en 2016 dans le réseau de médecins généralistes Sentinelles : 84/100 000 (L. Fournier et coll). Et parmi les patients ayant consulté un médecin généraliste, ils présentaient dans 95 % des cas un érythème migrant, forme la plus bénigne de la maladie.
Le risque de transmission de la borréliose dépend de l’abondance et du taux d’infection des tiques, de l’activité saisonnière de la tique, du temps de piqûre (durée d’attachement) et de facteurs propres à l’individu (immunité, génétique, etc.). Seules 5 à 10 % des tiques seraient porteuses de la Borrelia et une tique même infectée ne transmet pas forcément la bactérie lors d’une piqûre : le risque s’élève de 3 à 15 % en moyenne et il est quasi-nul si la tique reste moins de 7 heures sur la peau.
Globalement, le risque de transmission en cas de piqûre en zone d’endémie est de 1 à 5 %, dépendant du taux d’infestation des tiques par Bb.
► Dans des cas encore plus rares, les tiques peuvent transmettre d’autres bactéries, mais aussi des parasites et virus, pouvant notamment provoquer la méningo-encéphalite à tiques, la tularémie, la babésiose, l’anaplasmose granulocytique ou certaines rickettsioses.
► En cas de borréliose humaine, dans 95 % des cas, la réaction immunitaire va se manifester par une forme cutanée, localisée et précoce : l’érythème migrant (EM). Dans des cas plus rares (5 %), on observe des formes disséminées (dermatologiques, articulaires, cardiaques, ophtalmologiques et neurologiques), quelques semaines voire plusieurs mois après la piqûre. Si elles surviennent plus de 6 mois après les premiers symptômes, on les qualifie de formes disséminées tardives (acrodermatite atrophiante, atteintes neurologiques, psychiatriques). Elles ne sont pas abordées dans cet article.
FORME LOCALISÉE PRÉCOCE : L’ÉRYTHÈME MIGRANT
Description clinique
La forme classique est une macule érythémateuse, de forme ronde à ovalaire, de plusieurs centimètres de diamètre à croissance centrifuge (atteignant le plus souvent un diamètre supérieur à 5 cm) avec un éclaircissement central, généralement sans prurit. Il apparaît au site de la piqûre après une durée d’incubation de 3 à 30 jours.
Une réaction locale précoce prurigineuse et transitoire n’est pas un érythème migrant, mais la conséquence d’une réaction à la salive de la tique.
Si l'EM est associé à des signes généraux (myalgies, fébricule/fièvre, fatigue, etc.) ou à d'autres signes cliniques (rhumatologiques, neurologiques, dermatologiques, etc.), il s’agit de formes disséminées précoces (lire ci-dessous).
Stratégie diagnostique
Le diagnostic d’EM est clinique, et repose sur l’anamnèse avec la notion de piqûre de tique récente. Son absence ne doit pas conduire à réfuter le diagnostic.
Aucun examen complémentaire n'est recommandé, notamment sérologique devant un EM isolé, en raison d’une mauvaise valeur prédictive négative (pouvant conduire par erreur à écarter le diagnostic). En cas de doute clinique, il est recommandé de mesurer la lésion et de revoir le patient 48 à 72 heures plus tard : une augmentation progressive du diamètre de la lésion est suffisante pour affirmer le diagnostic et traiter.
Traitement et surveillance
► En cas d’EM sans autre signe clinique, l’antibiothérapie est indispensable et doit être débutée rapidement (voir encadré). Le traitement recommandé est :
– En première ligne : doxycycline ou amoxicilline pendant 14 jours ; la doxycycline est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 8 ans et la femme enceinte aux 2e et 3e trimestres en raison d’un risque de coloration des dents de lait de l’enfant né ou à naître.
– En seconde ligne : azithromycine pendant 7 jours.
► Avant et après traitement, il est recommandé de demander au patient de prendre en photo l’érythème migrant aux différentes phases d’évolution.
► Cette antibiothérapie précoce permet en général une disparition rapide et complète de l’EM entre 1 semaine et 1 mois. En l’absence de réponse clinique, il convient de vérifier la bonne observance du traitement et de discuter un diagnostic différentiel. L’échec thérapeutique nécessite un examen spécialisé, notamment par un dermatologue.
FORMES DISSÉMINÉES PRÉCOCES
Ces formes sont qualifiées de précoces quand elles surviennent moins de 6 mois après l’apparition des premiers symptômes. Elles imposent un examen clinique complet à la recherche d'autres atteintes.
Érythème migrant à localisation multiple
Plus rares que l'EM isolé, des érythèmes migrants de localisations multiples adviennent, parfois très à distance du site de la piqûre de tique, dans les jours ou semaines après la piqûre. Mêmes caractéristiques cliniques que celles de l’érythème migrant isolé. Peut être accompagné d’autres symptômes (fièvre, asthénie, céphalées, myalgies, etc.). La réalisation de la sérologie n’est pas recommandée.
► Le traitement doit être débuté en cas de suspicion clinique forte (notion de piqûre de tique quelques jours à semaines avant, identifiée par le patient). Le traitement de première intention recommandé en l'absence d'atteinte extra-cutanée : doxycycline (200 mg/j en 1 ou 2 prises) ou amoxicilline (1 à 2 g, 3 fois par jour) pour une durée de 21 jours.
Chez l’enfant de moins de 8 ans et la femme enceinte, le traitement de première intention est l’amoxicilline En 2e intention, l'azithromycine sera prescrite pendant 10 jours.
► Le pronostic après traitement est généralement bon, avec disparition des lésions cutanées. En cas de non-régression, s’assurer de l’observance du traitement et demander un avis dermatologique.
Lymphocytome borrélien
C'est est une lésion unique le plus souvent nodulaire ou en plaque, indolore, de couleur rouge ou violacée. Elle est plus fréquente chez les enfants et les localisations préférentielles sont le lobe de l’oreille, l’aréole mammaire, le scrotum, et plus rarement le tronc, le visage ou les membres.
► La sérologie sanguine est recommandée pour asseoir de diagnostic : ELISA et en cas de résultat positif ou douteux, réalisation du Western Blot. La sérologie peut être négative dans environ 10 % des cas, selon l’ancienneté de la lésion. Dans ce cas, le contrôle de la sérologie peut être utile à 3 semaines.
► Il est recommandé de traiter par doxycycline ou amoxicilline pendant 21 jours. En 2e intention, l’azithromycine est recommandée pendant 10 jours.
► En général, le pronostic après traitement est bon, avec disparition des lésions cutanées en 2 à 4 mois.
Atteintes neurologiques précoces
Parfois nommées neuroborrélioses de Lyme, ces atteintes peuvent être centrales et périphériques. Elles surviennent dans 5 % des cas après un EM.
L’atteinte radiculaire douloureuse associée à des anomalies du liquide cérébro-spinal dans le cadre d’une méningo-radiculite est la forme la plus fréquente. La paralysie faciale périphérique uni ou bilatérale (très évocatrice en cas de diplégie) est la deuxième manifestation neurologique en fréquence de la borréliose de Lyme. Les atteintes méningitiques sont souvent muettes, mais des méningites aiguës typiques sont possibles, ou par des céphalées isolées surtout chez l'enfant (HTIC). Ces atteintes justifient un avis neurologique spécialisé en urgence. L'évolution est généralement favorable et aucun examen de contrôle n'est alors indiqué.
Atteintes articulaires
C’est une des atteintes les plus fréquentes. Elles surviennent de 4 jours à plusieurs années après l’EM. L’atteinte articulaire précoce se manifeste sous forme de monoarthrite (parfois d’oligoarthrite) des grosses articulations (genoux notamment) avec des épisodes inflammatoires spontanément résolutifs en quelques semaines, évoluant par poussées, avec épanchement articulaire plus ou moins important. L’articulation la plus proche du site de la piqûre est touchée préférentiellement.
► L’évolution sans traitement se fait par poussées, avec des douleurs modérées contrastant avec le volume de l’épanchement, sans impotence fonctionnelle majeure. Il est recommandé de prendre un avis rhumatologique, en particulier pour la ponction articulaire.
► Devant une mono ou oligoarthrite survenant dans les 6 mois après une piqûre de tique, le diagnostic repose sur la notion d’une piqûre avérée, d'un érythème migrant récent, et/ou une sérologie sanguine positive (Elisa +/- WB), associée si besoin à la ponction de liquide articulaire pour une PCR.
► Traitement recommandé : doxycycline (200 mg/j chez l’adulte ou 4 mg/kg/j en 2 prises chez l’enfant de plus de 8 ans, sans dépasser 200 mg), pendant 28 jours. En cas de contre-indication ou enfant de moins de 8 ans ou femme enceinte aux 2e et 3e trimestres : ceftriaxone (2 g/j en parentéral et 100 mg/kg/j chez l’enfant sans dépasser 2 g/j) pendant 28 jours.
► Le médecin traitant assure le suivi clinique mensuel. L'épanchement disparaît lentement, en 3 à 6 mois. Sinon, prendre un avis rhumatologique.
Atteintes cardiaques
Il s'agit en général d'un bloc auriculo-ventriculaire, survenant de 4 jours à 7 mois après la piqûre de tique. Des troubles du rythme sont possibles. En cas de tableau clinique compatible, une sérologie s’impose. En cas de positivité, un avis spécialisé en cardiologie est nécessaire.
Atteintes ophtalmologiques
Rares (1 % des formes disséminées), elles concernent toutes les structures anatomiques de l’œil. Il s'agit principalement d'uvéite et de neuropathie optique (rétrobulbaire ou inflammatoire antérieure aiguë), de diagnostic souvent difficile et retardé. Une prise en charge ophtalmologique spécialisée est indispensable. Des baisses d’acuité visuelle séquellaires peuvent persister.
Antibiothérapie en cas d’EM
♦ Chez l'adulte
– En 1re ligne : doxycycline 200 mg/j en 1 ou 2 prises ou amoxicilline (1 g x 3 par jour, soit 50 mg/kg/j en 3 prises toutes les 8 h sans dépasser 4 g/j)
Durée : 14 jours
– En 2e ligne azithromycine
(1 000 mg le 1er jour puis 500 mg/j)
Durée : 7 jours
♦ Chez l’enfant
– En 1re ligne si ≥ 8 ans : doxycycline 4 mg/kg/j en 2 prises ou amoxicilline (50 mg/kg/j en 3 prises toutes les 8 h sans dépasser 4 g/j. Si 3 prises difficiles, 25 mg/kg toutes les 12 heures)
si < 8 ans : amoxicilline uniquement
Durée : 14 jours
– En 2e ligne
azithromycine (20 mg/kg/j en une prise sans dépasser 500 mg/ prise)
Durée : 7 jours
♦ Chez la femme enceinte ou allaitante
– En 1re ligne
amoxicilline (1 g x 3 par jour, soit 50 mg/kg/j en 3 prises toutes les 8 h sans dépasser 4 g/j)
Durée : 14 jours
– En 2e ligne azithromycine
(1 000 mg le 1er jour puis 500 mg/j)
Durée : 7 jours
LES RÉGIONS ET LES ACTIVITÉS À RISQUE
L’Alsace surtout, mais aussi le Limousin et la région Rhône-Alpes comptabilisent les taux les plus élevés d’incidence de maladie de Lyme.
La distribution par âge est bimodale, avec des pics chez les 5-9 ans et les 70-79 ans correspondant à la fréquentation des lieux privilégiés d’exposition, à savoir la forêt, la prairie et les jardins (respectivement 62 %, 40 % et 17 %). Les activités rattachées à ces lieux étaient la marche (46 %), le jardinage (22 %) et les cueillette/chasse/pêche (17 %).
1- HAS.Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques. Recommandations de bonne pratique. Juin 2018.https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2857558/fr/borreliose-de-lyme-e…
2- Bourdillon F, Desenclos JC. Éditorial. L’apport des connaissances épidémiologiques pour une meilleure prévention et prise en charge des maladies transmises par les tiques. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(18-19):380-2. http://invs.santepubli quefrance.fr/beh/2018/19-20/2018_19-20_0.html
3- Ministère des affaires sociales et de la Santé. Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. 2016. http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_lyme_180117.pdf
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