L’insuffisance respiratoire chronique (IRC) est le stade évolutif possible de toute pathologie respiratoire devenue suffisamment sévère pour compromettre les échanges gazeux. Ainsi, l’oxygénothérapie de longue durée (OLD), dont l’indication majeure est la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) parvenue au stade d’IRC (stade GOLD IV), a fait la preuve de sa capacité à améliorer l’espérance de vie (1). Ce traitement, défini par l’inhalation de gaz enrichi en oxygène par voie nasale, buccale ou par trachéotomie chez un patient en ventilation spontanée, est ainsi fréquemment rencontrée dans le cadre de la médecine générale. Il semble donc utile d’en voir, ou revoir, les différentes caractéristiques.
PRINCIPALES INDICATIONS
L’oxygénothérapie de longue durée est définie par la mise en place d’une oxygénothérapie à domicile sur une période supérieure à 3 mois.
Quelle que soit la maladie responsable de l’insuffisance respiratoire chronique, la décision de mise en place d’une OLD fait suite au bilan initial ou de suivi d’une dyspnée chronique ou encore lors d’une hospitalisation dans le cadre d’une insuffisance respiratoire aiguë. Une hypoxémie persistante et sévère (PaO2<55mm Hg) constatée à deux reprises alors que le patient est à distance de tout épisode aigu, indique la nécessité d'administrer de l’oxygène au long cours.
Il est prouvé qu’une OLD (à vie car l’effet de correction de l’hypoxie est stoppé dès l’arrêt du traitement) mais d’une durée minimum de 15 h/24, chez une personne atteinte de BPCO évoluée (au stade de cœur pulmonaire chronique avec hypoxémie chronique) améliore la tolérance à l’effort ainsi que l’espérance et la qualité de vie (2,3). A noter que l'efficacité est encore supérieure si les durées d'utilisation sont de 18h/24.
Les autres étiologies d’insuffisance respiratoire chronique (fibrose pulmonaire, dilatations des bronches diffuses,…) sont également des indications d’une OLD, mais aucune efficacité sur l’espérance de vie n’a été établie par des études cliniques.
LES MODALITES DE PRESCRIPTION
L’OLD est indiquée dans les cas d’IRC avec une hypoxémie constatée sur 2 mesures de gaz du sang artériel réalisées en air ambiant et séparées de 3 semaines, en dehors d’un épisode de décompensation.
Les critères de prescription mais aussi de prise en charge par la sécurité sociale sont : une PaO2 ≤55 mm Hg en cas de BPCO ou <60 mm Hg pour toutes les autres causes d’IRC (5). Dans le cadre d’une BPCO, si la PaO2 est comprise entre 55 et 60 mm Hg, sont alors reconnus comme critères de prescription : une polyglobulie, des signes de cœur pulmonaire chronique, une hypertension artérielle pulmonaire ou une désaturation artérielle nocturne non apnéique (Encadré 1). L’hypercapnie à l'état stable ne constitue pas une contre-indication à l’instauration d’une OLD (4).
La prise en charge est assurée par entente préalable dont la demande est remplie par le médecin prescripteur (spécialiste ou généraliste) lors de la première prescription et une fois par an lors des renouvellements. Sur le formulaire figurent obligatoirement des données chiffrées issues d'une spirométrie ou d'une pléthysmographie et de deux gazométries artérielles en air ambiant, effectuées à au moins 15 jours d'intervalle. Cette prise en charge est réservée aux patients atteints d’insuffisance respiratoire chronique grave dont l’état nécessite l’administration d’oxygène pendant une durée quotidienne d’au moins 15 heures. Elle est assurée sur la base de deux forfaits hebdomadaires non cumulables : un forfait pour une oxygénothérapie en poste fixe et un forfait pour une oxygénothérapie intensive ou de déambulation. Chaque forfait couvre dans le cadre de l’application du guide des « bonnes pratiques de dispensation de l’oxygène médical » (5) : des prestations communes aux forfaits de l’oxygénothérapie à long terme (tubulure, lunettes nasales, masque,…) et des prestations spécifiques à chaque forfait (6).
L’OLD nécessite une prescription médicale annuelle rédigée sur une ordonnance précisant la durée d’administration quotidienne ainsi que les débits (L/min) prescrit au repos dans la journée et la nuit pendant le sommeil. Pourront-y être éventuellement mentionnées les débits prescrits lors d'une éventuelle déambulation (marche, fauteuil roulant), ainsi que sa durée journalière (4).
ELEMENTS DE MISE EN PLACE D’UNE OLD
L'OLD est prescrite pour couvrir systématiquement les périodes nocturnes et diurnes et atteindre un minimum d'observance de 15 heures sur 24. L’utilisation de l’oxygène à l’effort est recommandée car elle permet d'augmenter la durée d'utilisation sur le nycthémère (7). A l'effort, ou plus généralement pour la déambulation en dehors du domicile, le débit nécessaire doit être systématiquement déterminé sur la base d'une ou plusieurs épreuves de marche de 6 minutes. Toute modification du dispositif d'oxygène pour la déambulation (changement d'un dispositif pour un autre) doit obligatoirement être contrôlé sur la base de nouvelles épreuves de marche.
Au repos, le débit d’O2 est déterminé à l'aide de plusieurs mesures des gaz du sang effectuées en air ambiant pour connaître les valeurs de références et après 30 minutes d’administration d’oxygène au repos. L'oxymétrie de pouls (mesure de la SpO2) ne permet pas de correctement titrer le débit d'oxygène au repos en raison de la relation mathématique entre la SpO2 et la PaO2 (courbe de dissociation de l'hémoglobine). L'oxymétrie peut par contre servir comme méthode de surveillance, pour s'assurer que le débit administré est suffisant.
Une titration correcte du débit d'oxygène a pour objectif d’obtenir une PaO2 ≥ 60 mm Hg et une saturation en oxygène (SaO2)› 92%. Contrairement à des pratiques anciennes, les débits prescrits pour couvrir les périodes diurnes et nocturnes sont en règle identiques mais doivent toujours être augmentés lors de la déambulation (de 1 à 2 L/min généralement). Il convient de ne pas confondre les débits d'oxygène en L/min et les niveaux de titration de certains dispositifs qui se règlent par paliers en fonction de différentes quantités d'oxygène délivré. Cette confusion est entretenue par le fait qu'il est difficile voire impossible de fournir une équivalence entre des débits en L/min et les niveaux de titration. Le rôle des soignants, à commencer par celui du médecin traitant, est d'encourager son patient à une observance correcte (minimum 15 h par jour mais se rapprocher des 24h/24 s'accompagnera toujours de bénéfices supplémentaires) et de s'assurer de la compréhension des règles de sécurité (Encadré 2).
La seule contre-indication à l’instauration d’une OLD est l'hypercapnie chez un patient atteint d'insuffisance respiratoire restrictive (maladie neuro-musculaire, déformations rachidienne et thoraciques…). Dans ces cas, la mise en route d'une ventilation non invasive (VNI) au long cours est nécessaire, avec parfois (mais pas toujours) une oxygénothérapie additionnelle sur le circuit du ventilateur.
TYPES D’APPAREILLAGE ET DISTRIBUTION
Le choix de l’appareillage repose non seulement sur les mesures gazométriques mais aussi sur d’autres facteurs aussi importants tels la facilité d’emploi de l’appareil, l’âge de la personne, sa mobilité, ses capacités de compréhension du traitement ainsi que celles de l’entourage, l’habitat, le débit prescrit,…
- Trois sources d’oxygène sont possibles : les cylindres gazeux d'oxygène, l’oxygène liquide et les extracteurs (appelés aussi concentrateurs).
- L’oxygène liquide est une forme très utilisée en France, qui permet une grande autonomie au domicile et en dehors. Elle est indiquée chez les patients qui se déplacent en dehors de leur domicile et chez les patients nécessitant des débits élevés (8 L/min voire plus lorsque deux sources sont utilisées en parallèle). Les dispositifs d'oxygène liquide sont constitués d’une réserve fixe et d’un réservoir portatif. A partir de la réserve fixe (4 à 12 jours d’autonomie), le patient remplit lui-même la réserve portable (autonomie d’environ 4 h pour un débit de 3 L/min) qui sert alors à la déambulation. Le gaz n’est pas sous pression : il n’y a donc pas de danger d’explosion. De plus ce dispositif n’a pas besoin d’alimentation électrique et est silencieux. Le patient doit par contre apprendre à correctement remplir son réservoir portable et connaître la conduite à tenir en cas de problème technique (givrage qui adhère le portable à l’appareil fixe,…). La déperdition par évaporation des réservoirs oblige à de fréquentes livraisons au domicile (de une fois tous les quinze jours jusqu'à deux fois par semaine) et donc des coûts totaux non négligeables.
- Les concentrateurs ou extracteurs d’oxygène filtrent sur des tamis moléculaires l’air ambiant, permettant l’obtention d’un air fortement oxygéné (plus de 87 à 93%) et sans impuretés. Leur intérêt principal est de ne pas nécessiter de livraison régulière et d’être ainsi plus économiques. De ce fait, il n’existe également aucun problème lié au stockage de gaz. A noter que l’appareil fonctionne à l’aide du courant électrique pour la source fixe et qu’il est souvent bruyant, mais qu’il est le plus économique. Récemment, de nombreux modèles d'extracteurs portables ont été mis sur le marché et visent à remplacer les dispositifs d'oxygène liquide. Ces appareils de 2 à 4 kg environ fonctionnent à l'aide de batteries rechargeables et sont souvent équipés d'une valve dite "économiseuse" pour augmenter la durée possible de déambulation (cf. infra).
- Les cylindres d'oxygène gazeux sont utilisés soit comme source de secours, soit pour la déambulation de courte durée sous forme de petites bouteilles portatives de 0,4 m3. L’autonomie est d’environ 2 h pour un débit de 3 L/min. Il s'agit de cylindres en acier et la législation française n'autorisant pas la commercialisation de cylindres plus légers, leur utilisation à la déambulation a été supplantée par l'oxygène liquide ou les concentrateurs portables. A noter toutefois que deux dispositifs permettent actuellement au patient de remplir lui-même de petits cylindres gazeux à partir d'un extracteur. Ceci permet d'autonomiser le patient dans sa capacité à gérer son OLD et limiter les coûts de livraison à domicile.
- Les réservoirs portables d'oxygène liquide ou les concentrateurs portables sont de plus en plus souvent équipés d'une valve dite "économiseuse". Ces valves interrompent la délivrance du débit d'oxygène lorsqu'elles perçoivent le passage à l'expiration du patient. D'autre modèles délivrent un débit élevé d'oxygène (jusqu'à 20 L/min) au tout début de l'inspiration, réalisant un véritable bolus de gaz qui atteindra entièrement les zones d'échange alvéolaire, sans déperdition inutile au niveau des bronches où il n'ya pas d'échange gazeux (espace mort). Les valves peuvent être mécaniques ou plus souvent électroniques. Elles n'ont pas pour objectif d'économiser l'oxygène en termes de coûts de santé mais permettent d'économiser la source portable et donc augmenter l'autonomie du patient à la déambulation. Chaque valve ayant des caractéristiques différentes, la titration du dispositif nécessite la réalisation de gaz du sang et d'au moins une épreuve de marche.
- En terme d'interface, les "lunettes" nasales sont le plus souvent employées et largement suffisantes dans la majorité des cas. Les masques sont réservés à des cas particuliers comme la nécessité de débits importants. Chez les patients trachéotomisés, l’oxygène est administré grâce à un masque cervical dédié mais jamais par le bais d'une sonde directement dans la canule, en raison du risque d'obstruction liée aux secrétions.
- Trois circuits de distribution des appareillages existent :
- Les pharmacies d’officine peuvent délivrer l’oxygène directement ou par l’intermédiaire d’un sous-traitant, et d'assurer la livraison de l’oxygène chez le patient.
- Les prestataires de service privés qui sont souvent des entreprises de taille nationale (Vitalaire, Orkyn’, Bastide Le Confort Médical, Air Products,…).
- Les prestataires associatifs, qui constituent des entreprises à but non lucratif, sont regroupés au sein de la fédération ANTADIR (Association Nationale pour les Traitement A Domicile, les Innovations et la Recherche) ou en sont indépendantes (ADEP, ALLP).
Ces 3 organisations de distribution délivrent les appareillages au domicile, sous la responsabilité d’un pharmacien et dans le respect des « Bonne pratiques de dispensation à domicile de l’oxygène à usage médical » (BPDOUM). Elles doivent également respecter les mêmes tarifs selon la Liste des Produits et prestations remboursables (LPPR) (6). Certaines proposent divers services pratiques tels que aide sociale, guides pratiques, subvention pour les patients les plus démunis, etc.
QUELQUES MOTS SUR L’OXYGENOTHERAPIE DE COURTE DUREE A DOMICILE
L’oxygénothérapie à court terme diffère de l’oxygénothérapie de longue durée par le fait que l’oxygénothérapie est prescrite pour une période très courte, c’est-à-dire inférieure à 3 mois. La situation classique est celle des patients hospitalisés pour un épisode d'insuffisance respiratoire aiguë pour lesquels, l'oxygénothérapie prescrite lors de l'épisode aigu est poursuivie quelques semaines après le retour au domicile jusqu'à récupération d'une PaO2 correcte ou passage à l'oxygénothérapie de longue durée (6).
Une oxygénothérapie de courte durée peut aussi être prescrite lors d’épisodes d’instabilité d’une maladie pulmonaire ou cardiaque (bronchopneumopathie chronique obstructive, insuffisance cardiaque, asthme grave), ou chez les patients atteints de néoplasies évoluées. Elle n'empêche pas la nécessité de correctement titrer le débit d'oxygène par les gaz du sang et sa surveillance au delà de la prescription.
La prise en charge est assurée pendant un mois, renouvelable 2 fois. Au delà, elle est ensuite assurée au titre de l'OLD.
NOTION DE VENTILATION NON INVASIVE
Les grandes indications de VNI à domicile sont les insuffisances respiratoires chroniques restrictives (myopathies, cyphoscolioses, séquelles de tuberculose, …) avec une transformation complète du pronostic de ces patients qui décédaient en moyenne deux années après l'apparition de l'hypercapnie (1). Aujourd'hui, l'insuffisance respiratoire chronique de l'obèse (appelée aussi syndrome obésité-hypoventilation) est la première cause de mise en place d'une VNI au long cours. Il s'agit aussi d'une pathologie pulmonaire restrictive, à ne pas confondre avec le syndrome des apnées du sommeil qui est traité non par une ventilation mais par une pression positive continue (PPC).
Les recommandations internationales indiquent la mise en place d'une VNI au long cours chez certains patients atteints de BPCO avec fréquentes hospitalisations pour exacerbation et insuffisance d'une OLD bien conduite. L'impact sur la mortalité au long cours ne semble pas différente de la mortalité sous OLD seule.
IMPORTANCE DU RESEAU DE SOINS
- L’importance de l’observance dans l’efficacité de l’OLD ainsi que le respect des règles de sécurité nécessite une éducation rigoureuse et régulièrement mise à jour par le patient mais aussi son entourage.
Ce rôle est obligatoirement joué par les 3 circuits de distributions cités ci-dessus, qui doivent aussi réglementairement assurer le suivi technique et logistique. Mais le médecin généraliste, tout comme le spécialiste, tient également un rôle primordial dans cette éducation.
- Une surveillance médicale est ainsi conseillée avec un premier bilan de suivi deux mois après l’appareillage, puis tous les 3 à 6 mois la première année. Ensuite, il semble suffisant de ne contrôler les gaz du sang artériel en air ambiant et sous oxygène ainsi que la numération formule sanguine (hématocrite) que 1 à 2 fois par an. Une évaluation de la fonction respiratoire et un électrocardiogramme sont effectués de façon annuelle.
Les céphalées matinales, témoins de l'hypoxie nocturne, s’atténuent progressivement et disparaissent généralement au bout de quelques semaines. Des épistaxis secondaires à l'effet de l'oxygène sur la muqueuse nasale sont très rarement observés.
- Il est impératif que le médecin traitant prodigue régulièrement au patient sous OLD des conseils primordiaux comme éviter de stocker l’oxygène près d’une source de chaleur ou de combustion (cheminée, poêle,…), ne pas fumer ou laisser une personne de l’entourage fumer à proximité, consulter impérativement en cas de gêne respiratoire malgré l’oxygène, maintenir l’oxygénothérapie le plus longtemps possible puisque des durées inférieures à 12h/24 n’ont aucun effet sur la survie (8).
- Le médecin généraliste a véritablement un rôle dans l’accompagnement du malade à domicile. L’instauration d’un système de réseau efficace incluant le malade, son entourage, le prestataire de service, les organismes sociaux, le médecin spécialiste et le médecin traitant,… est primordiale à la réussite d’un tel traitement plus ou moins contraignant pour le malade et l’entourage.
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