Pédiatrie

L’INVAGINATION INTESTINALE AIGUË

Publié le 17/04/2015
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Revenue sur le devant de la scène en tant qu’effet secondaire de la vaccination antirotavirus, l’invagination intestinale aiguë (IIA) du nourrisson est le plus souvent idiopathique et iléo-cæcale.

Crédit photo : ZEPHYR/SPL/PHANIE

ÉPIDÉMIOLOGIE

Dans 80 % des cas, l’invagination intestinale aiguë (IIA) touche l’enfant entre 3 et 36 mois avec un pic de prévalence à 9 mois de vie. Il s’agit d’un garçon dans deux cas sur 3. L’IIA survient parfois au décours d’une virose banale, via une adénolymphite mésentérique ou un « dypéristaltisme », expliquant sans doute la prédominance automno-hivernale.

Lorsqu’elle survient avant 3 mois ou après 3 ans, il s’agit plus fréquemment d’une IIA secondaire (15 % des cas).

TABLEAU CLINIQUE

› La triade clinique typique associe des crises stéréotypées, une anorexie et des rectorragies.

Si ces symptômes sont peu spécifiques lorsqu’ils sont présents isolément, leur association est franchement évocatrice d’IIA.

•Les crises douloureuses paroxystiques consistent en un arrêt brutal sans prodrome des activités, des accès de pâleur, parfois une hypotonie et des sueurs ; les parents rapportent souvent un « malaise ». La douleur cède spontanément en quelques minutes. Les crises se répètent après un intervalle libre de plus en plus court. Chez le jeune nourrisson, les épisodes ne sont pas identifiés comme des douleurs abdominales mais des pleurs soudains.

•Si l’anorexie est constante, les vomissements, alimentaires puis bilieux, sont retrouvés dans 2/3 des cas.

• Les rectorragies sont le symptôme le moins fréquent, mais le plus spécifique et le plus évocateur, d’où l’adage « toute rectorragie chez un nourrisson est une IIA jusqu’à preuve du contraire ».

› La palpation abdominale permet rarement de retrouver le boudin d’invagination, sous la forme d’une masse ovoïde oblongue, sensible et peu mobile. La palpation peut également retrouver un empâtement sous-hépatique (dans la forme typique iléo-cæcale) associé à une fosse iliaque droite vide. Le toucher rectal doit être systématique même s’il est inconstamment informatif : traces de sang non encore extériorisé, vacuité de l’ampoule rectale, rarement palpation du boudin d’invagination.

›Il existe de nombreuses variantes atypiques :

• IIA pseudo-entérocolitique (diarrhée parfois sanglante), pseudo-neurologique (apathie, hypotonie, malaise voire coma) ;

• IIA fébrile lorsqu’elle est contemporaine d’une virose ORL ou d’une gastroentérite ; tableau d’occlusion du grêle ;

• IIA toxique (tableau de choc hypovolémique non fébrile) ou hémorragique (hémorragie au premier plan).

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Le diagnostic d’IIA est toujours échographique. Si l’ASP reste pratiquée, son intérêt est d’éliminer une complication. La TDM abdominale n’a pas sa place.

›L’échographie, facile d’accès, rapide et non invasive, est le seul examen permettant le diagnostic des IIA iléo-iléale ou jéjuno-iléale et le seul examen permettant de visualiser des IIA multiples. Le radiologue retrouve le boudin sous la forme d’une cocarde ou d’un sandwich.

›Enfin, le lavement opaque sous contrôle radioscopique, réalisé par le radiologue, en présence du chirurgien chez l’enfant en bon état hémodynamique, visualise l’obstacle (image en pince de crabe ou en cocarde) mais a surtout un rôle curatif des formes iléo-cæcales et iléo-cæco-coliques. La pression modérée du lavement permet de refouler le boudin jusqu’à la réduction de l’IIA.

›Chez l’enfant de plus de 3 ans, la probabilité d’une forme secondaire justifie une recherche étiologique : appendicite, mucoviscidose, purpura rhumatoïde, syndrome hémolytique et urémique, polype, lymphome (en particulier le lymphome de Burkitt chez l’enfant de plus de 5 ans), malformation… Il s’agit d’une forme iléo-iléale dans la moitié des cas.

PLANIFIER LA PRISE EN CHARGE

› Si dans la plupart des cas, la prise en charge est relativement peu invasive, l’IIA peut constituer une véritable urgence médicochirurgicale. Les signes d’alerte sont l’instabilité hémodynamique, l’abondance des rectorragies et l’abdomen chirurgical (évoquant une nécrose digestive ou une perforation). Dans ces formes, la mortalité est comprise de l’ordre de 2 % et le traitement toujours chirurgical même s’il est rare qu’une résection doive être pratiquée.

›Dans la forme typique iléo-cæcale du nourrisson, y compris en cas de rectorragies de faible abondance, le lavement réduit l’invagination dans la majorité des cas. L’enfant est surveillé pendant 24-48 heures pendant lesquelles il peut être alimenté ; le transit reprend et l’enfant reste asymptomatique. En cas d’échec, le traitement sera chirurgical.

À noter qu’il existe 5 % de récidives précoces et 20 % de risque de récidive à distance, chiffre dont les parents doivent impérativement être informés. La chirurgie ne prévient pas les récidives car il n’est pas possible de réaliser une fixation intestinale peropératoire.

›Enfin, plusieurs cas récents d’enfants décédés d’IIA au décours d’une vaccination anti-rotavirus permettent de rappeler qu’un antécédent d’IIA contre-indique formellement ce vaccin.

Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste, Paris) avec le Dr Marc Bellaiche (hôpital pédiatrique Robert Debré, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr