INTRODUCTION
La prise en charge des patients en structure d’hospitalisation à domicile (HAD) est plébiscitée par les Français : plus de 80 % se déclarent prêts à envisager le domicile comme lieu de soins, même lorsque ceux-ci sont lourds. Leurs médecins le confirment : 87 % indiquent que leurs patients expriment souvent ou très souvent le souhait d’être soignés à leur domicile (enquête Viavoice-FNEHAD, novembre 2017). En dehors de questionnaires de satisfaction et de sondages, tous concordants et en faveur des soins à domicile, il manque des études randomisées sur la qualité de vie des patients HAD versus hospitalisation conventionnelle.
Dans sa définition, l’HAD assure au sein du lieu de vie de la personne (domicile ou établissement social et médico-social) des soins médicaux et paramédicaux, continus et coordonnés, de niveau hospitalier. Les soins sont délivrés 24 heures/24 et 7 J/7 par l’équipe de l’hospitalisation à domicile, afin de garantir une continuité des soins du patient. L’HAD permet d’éviter ou de raccourcir une hospitalisation conventionnelle avec hébergement.
Les soins délivrés en HAD sont généralement complexes, techniques, réalisés par des professionnels de diverses disciplines et souvent pluriquotidiens, à l’instar de ceux délivrés à l’hôpital. Les professionnels de l’HAD ont une expertise dans l’évaluation des besoins des patients et l’organisation des interventions au domicile mais aussi de la coordination médicale : les médecins praticiens en HAD, salariés, sont chargés de faire le lien avec le médecin prescripteur et le médecin traitant. Ils sont de plus en plus souvent amenés à pallier l’absence ou le manque de temps du médecin généraliste, note la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD). Pour leur part, les infirmiers coordonnateurs, également salariés, ont pour mission de travailler avec les services hospitaliers afin d’élaborer les protocoles de soins et de coordonner les interventions des infirmiers de soins (libéraux ou salariés) au domicile du patient. Enfin, assistantes sociales et psychologues ont pour rôle d’apprécier les besoins d’aides psychologiques, financières et matérielles et plus largement de mettre le patient et son entourage dans un environnement favorable à l’amélioration de son état de santé.
Si l’hospitalisation à domicile est aujourd’hui reconnue comme indispensable dans l’offre de soins, qu’elle est accompagnée et encouragée, les résultats sont contrastés. Les primoprescriptions d’HAD par les médecins de ville sont en augmentation, mais le gisement des HAD est considérable au regard des hospitalisations conventionnelles injustifiées du fait d’une organisation hospitalo-centrée du système de santé, constate la FNEHAD, qui ajoute que les structures avec hébergement devraient être recentrées sur leur valeur ajoutée, celle des plateaux techniques, des consultations spécialisées et expertes, la surveillance continue, la réanimation, les interventions.
Après une forte progression de l’activité des établissements d’HAD – plus de 10 % en 2020 –, la courbe s’est infléchie en 2021. En 2022, il y aura peut-être une régression d’activité et, au mieux, une stagnation, notamment en raison d’une forte dépendance à l’activité hospitalière conventionnelle. Pour améliorer la réponse des HAD aux besoins des hôpitaux, leurs activités s’étendront à moyen terme (voire long terme) aux champs de la rééducation (soins médicaux de rééducation), de l’obstétrique et de la périnatalité (ante-partum et post-partum pathologiques…) ainsi que de la pédiatrie pour les enfants de moins de 3 ans ; un déploiement des pratiques à venir avec un nouveau droit des autorisations. La FNEHAD travaille aussi au développement, sur le territoire, de la chimiothérapie injectable à domicile avec les oncologues (chimiothérapies, immunothérapies), aux transfusions à domicile et à certains produits hospitaliers (immunoglobulines, carboxymaltose ferrique, etc.). Le champ des possibles dans la HAD est en train de s’élargir considérablement, à la condition que la présence au domicile soit compatible avec la réalisation de ces soins complexes et la sécurité du patient.
La feuille de route stratégique HAD 2021-2026, sous l’égide du ministère en charge de la santé (1), a pour ambition d’installer l’HAD et d’en faire un « réflexe naturel », afin que le domicile devienne le lieu de soins hospitaliers de demain.
Un des leviers à actionner et inscrit dans la feuille de route stratégique est de faire en sorte qu’un nombre croissant d’établissements HAD accueillent des internes, voire des externes, afin que les futurs médecins conçoivent l’HAD de manière naturelle et systématique. Autre mesure, en cours de mise en place sur le territoire, l’évaluation systématique de l’éligibilité de tout patient hospitalisé, voire ceux consultant aux urgences hospitalières. Une mesure déjà mise en place et encouragée par certaines agences régionales de santé (comme en Occitanie).
LES INDICATIONS DE L’HAD
Les établissements d’HAD sont des établissements de santé soumis aux mêmes obligations que les établissements hospitaliers avec hébergement. Cette hospitalisation concerne des malades de tous âges – enfants, adolescents, adultes – atteints de pathologies graves, aiguës ou chroniques, souvent multiples, évolutives et/ou instables. Elle est indiquée lorsque le patient nécessite des soins de nature hospitalière (pansements par traitement par pression négative-TPN, drainage pleural, transfusion sanguine, analgésie par Meopa, etc.) et de manière générale tout type de soins lourds et complexes…
Les soins délivrés sont :
• les soins palliatifs,
• le traitement de lutte contre la douleur,
• l’alimentation parentérale,
• les pansements complexes,
• la surveillance post-chirurgicale complexe,
• le suivi de grossesse à risque,
• les suites de couches pathologiques,
• l’assistance respiratoire lourde,
• la chimiothérapie,
• l’antibiothérapie,
• l’administration de médicaments de la réserve hospitalière.
Les principales indications prescrites par les médecins généralistes concernent les soins palliatifs et les pansements complexes (plus de 30 minutes de soins par jour ou TPN).
Les patients bénéficiant d’une HAD peuvent être pris en charge également en Ehpad, ainsi que dans les autres établissements sociaux et médico-sociaux (maison d’accueil spécialisée, institut médico-éducatif, maison de l’enfance à caractère social, appartement de coordination thérapeutique…). Les soins délivrés par l’HAD s’intègrent dans le projet de vie et de soins du résident et s’ajoutent aux soins déjà dispensés par l’équipe de l’Ehpad. Pour autant, le tarif de l’Ehpad reste inchangé.
SAVOIR SI LE PATIENT EST ÉLIGIBLE À UNE HAD
L’outil ADOP-HAD (aide à la décision d’orientation des patients en HAD), développé par la Haute Autorité de santé (HAS) (2), est destiné aux médecins de ville et hospitaliers. Son objectif est d’identifier les patients potentiellement éligibles à une HAD, le plus en amont possible afin d’anticiper leur orientation.
Il peut être utilisé soit au cours d’une hospitalisation conventionnelle avec hébergement en service de soins aigus ou de soins de suite et de réadaptation, afin de favoriser un retour précoce à domicile, soit dans le cadre de la prise en charge du patient sur son lieu de vie (domicile ou établissement d’accueil social/médico-social), afin d’éviter une hospitalisation conventionnelle avec hébergement.
Suite au résultat d’ADOP-HAD :
➔ Si le patient est éligible à une HAD : l’évaluation de son admission effective sera effectuée par l’équipe de l’HAD en concertation avec le médecin traitant/médecin désigné par le patient, à partir de critères propres à l’organisation de l’HAD (entourage du patient, isolement, situation sociale, niveau de dépendance, caractéristiques du domicile, disponibilité et capacité interventionnelle des équipes, etc.).
➔ Si le patient n’est pas éligible à une HAD : cela ne signifie pas que le patient doit être hospitalisé ou maintenu en hospitalisation conventionnelle avec hébergement ; une autre modalité de prise en charge adaptée à ses besoins peut être envisagée.
Si le patient n’est pas éligible à une HAD alors que cette prise en charge semble pertinente : un échange direct avec l’HAD partenaire est recommandé.
Les situations qui font que le patient n’est pas éligible à une HAD :
L’HAD est d’emblée impossible lorsque l’état clinique du patient nécessite l’accès direct et immédiat à :
• un plateau technique au sein d’un établissement de santé,
• une surveillance continue médicale et paramédicale 24 heures/24 au chevet du patient (soins intensifs),
• si le patient ne possède pas les capacités cognitives ou physiques d’alerter l’équipe de l’HAD si nécessaire et s’il est isolé (absence d’aidant).
QUAND INFORMER LE PATIENT ET CONTACTER L’ÉQUIPE D’HAD ?
L’accord du patient à l’HAD est indispensable. L’information et le recueil de son avis et/ou de son représentant et de son entourage doivent être effectués après le remplissage de l’outil ADOP-HAD et non en amont.
Étape par étape, si le patient est éligible à une HAD, le médecin prescripteur informe le patient en concertation avec le médecin traitant/médecin désigné par le patient d’une admission possible en HAD ; le médecin prescripteur demande l’accord du patient et/ou de son entourage pour transmettre son dossier à l’équipe de l’HAD et renseigne le logiciel d’orientation de sa région (ViaTrajectoire, ROR Paca, Oris, etc.) ; le médecin prescripteur contacte l’équipe de l’HAD pour l’évaluation de la faisabilité d’une HAD en concertation avec le médecin traitant ; les professionnels de l’équipe de l’HAD informent le patient des implications d’une prise en charge en HAD, recueillent son consentement et celui de son entourage et contactent le cas échéant les professionnels qui interviennent déjà au domicile.
L’admission est prononcée par le médecin coordonnateur de l’HAD, sur la base d’un protocole thérapeutique, dans un délai de 24 à 72 heures en principe, selon l’état du patient et le degré d’urgence. Le patient n’avance pas de frais puisque 100 % des soins sont pris en charge par l’Assurance maladie et sa complémentaire santé, comme à l’hôpital ou en clinique.
LE RÔLE DU MÉDECIN TRAITANT DANS l’HAD
Depuis 1992, le médecin généraliste a la possibilité de prescrire une HAD. L’hospitalisation à domicile se réalise avec son accord, au vu du projet thérapeutique, car il est le pivot de la prise en charge à domicile. Aux côtés du médecin praticien d’HAD, il est responsable du suivi du malade, qu’il soit ou non prescripteur de l’HAD (selon la circulaire du 30 mai 2000). Avec l’équipe de l’HAD, il participe à l’évaluation de l’état de santé du patient et adapte les prescriptions en fonction de son évolution, en lien avec le médecin praticien en HAD et, si besoin, avec le service hospitalier où a été hospitalisé le patient. Si l’état de santé du patient s’aggrave, il peut décider de l’hospitalisation en milieu hospitalier conventionnel.
La circulaire du 1er décembre 2006 précise certains points. Le médecin traitant, en amont de l’hospitalisation à domicile du patient, signe un accord de prise en charge qui le lie avec l’équipe de soins du service d’HAD. Il peut aussi participer au travail d’élaboration du protocole de soins piloté par le médecin praticien en HAD. Pour mettre fin à l’HAD, le médecin généraliste est en principe sollicité par le médecin de l’HAD. Il lui est cependant possible de mettre fin à l’HAD avant terme s’il considère que celle-ci n’est plus adaptée à l’état de santé du patient. Le médecin est rémunéré selon la nomenclature des actes médicaux.
EN CHIFFRE
En 2021, l’hospitalisation à domicile a pris en charge 158 000 patients pour des durées allant de quelques jours à quelques mois (6,8 millions de journées d’HAD ont été réalisées).
L’activité HAD concerne, pour un tiers, les soins palliatifs (avec près d’un patient sur deux atteint d’un cancer) et, pour un autre tiers, les pansements complexes. Le reste de l’activité est en rapport avec les traitements antibiotiques par voie veineuse, les chimiothérapies anticancéreuses, la prise en charge des maladies chroniques (maladies neurodégénératives : maladie de Charcot, sclérose en plaques…).
Le financement de l’HAD en 2021 était de 1,53 milliard d’euros, soit environ 1,6 % des financements consacrés à l’hospitalisation globale et environ 0,7 % des dépenses de santé.
Quatre fois sur cinq, la demande d’hospitalisation à domicile émane d’un établissement hospitalier conventionnel.
40 % des établissements d’HAD sont attachés à un hôpital (publics), 40 % sont associatifs (privés non lucratifs) et souvent autonomes, et 20 % privés lucratifs.
Les objectifs de recours à l’HAD inscrits dans la circulaire de 2013 n'étaient toujours pas atteints en 2021 malgré une réelle dynamique d’activité, qui s’est traduite par une croissance de 52 % du nombre de journées d’HAD depuis 2013.
Effet Covid-19 : en 2020, le nombre d’admissions en HAD a augmenté de 16,1 % par
rapport à 2019, passant de 212 000 à 246 000 séjours (1).
L’activité HAD est inégalement implantée au sein des régions, avec un nombre moyen de patients pris en charge par jour pour 100 000 habitants allant de 19,7 pour la Normandie à 33,5 pour la Nouvelle-Aquitaine ou 49,1 en Corse (moyenne France entière : 27,1). Les départements et régions d’Outre-mer se démarquent par des taux très élevés (1).
Hélène Joubert (rédactrice) avec le Dr Élisabeth Hubert (médecin généraliste, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), ancienne ministre de la Santé publique et de l’Assurance maladie)
BIBLIOGRAPHIE
1. Ministère des Solidarités et de la Santé. HAD, feuille de route 2021-2026. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille-de-route-had-2022-05-01.pdf
2. HAS. ADOP-HAD, aide à la décision d’orientation des patients en HAD, https://adophad.has-sante.fr
3. Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile. Site web : https://www.fnehad.fr
Mise au point
Le suivi des patients immunodéprimés en soins primaires
Etude et pratique
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Cas clinique
Le papillome intracanalaire
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