1. Que désigne-t-on par le terme d’urgence hypertensive ?
En France, la prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) chez les adultes est un peu supérieure à 30 %. Même si la prise en charge a été facilitée par des recommandations internationales et la mise sur le marché de nombreuses molécules, il n’en reste pas moins que chaque année, un nombre relativement constant d’hypertendus va présenter une élévation de la pression artérielle (PA) avec des valeurs supérieures à 180 mmHg de systolique et/ou 110 mmHg de diastolique.
La crise hypertensive est subdivisée en urgence hypertensive relative sans atteinte organique aiguë et en urgence hypertensive absolue avec atteinte aiguë d’organes cibles : encéphalopathie, signes neurologiques focaux, insuffisance cardiaque congestive, ischémie coronarienne, rétinopathie de stade 3 ou 4 ou dissection aortique. Cette différenciation pronostique et thérapeutique permet de reconnaître les situations aiguës menaçant le pronostic vital, qui requièrent un traitement immédiat.
2. Comment établir un diagnostic d’urgence hypertensive ?
Anamnèse et évaluation
Devant un patient qui se présente aux urgences ou au cabinet du praticien avec une HTA sévère (> 180/110 mmHg), il est crucial d’évaluer rapidement s’il s’agit d’une urgence hypertensive nécessitant une prise en charge hospitalière immédiate ou d’une HTA sévère isolée pouvant être gérée en ambulatoire. L’anamnèse doit être détaillée et rechercher les symptômes évocateurs d’une atteinte d’organe aiguë, mais également en parallèle des éléments étiologiques de l’HTA sévère aiguë, comme la survenue d’un accident vasculaire cérébral, d’une sténose d’une artère rénale.
Examen clinique
La PA doit être mesurée avec un brassard de taille adaptée et au niveau des deux bras afin de pouvoir, par exemple, déceler une différence de PA entre les deux bras, évocatrice d’une dissection aortique (> 15 mmHg). Cette mesure doit être répétée puisque la TA se normalise après 20 à 30 minutes de repos chez près de 30 % des patients se présentant avec une HTA sévère.
L’examen neurologique vise à évaluer l’état de conscience et à détecter des déficits focaux ou des limitations du champ visuel. Les patients devraient théoriquement faire l’objet d’un examen du fond d’œil, car une rétinopathie sévère est pertinente sur le plan pronostique et peut indiquer d’autres atteintes des organes cibles. Hélas, de moins en moins de généralistes et d’urgentistes sont formés à la réalisation de cet examen.
L’examen cardiovasculaire a pour objectif de rechercher de façon ciblée des signes d’insuffisance cardiaque. Un souffle cardiaque diastolique peut indiquer une insuffisance aortique dans le cadre d’une dissection aortique de type A, au même titre qu’un pouls plus faible voire absent d’un côté. Un souffle au niveau des artères rénales peut constituer un signe de sténose des artères rénales.
EXPLORATION CLINIQUE EN CAS D’URGENCE HYPERTENSIVE
Anamnèse
• Antécédents d’HTA (personnels et familiaux), durée d’évolution de la maladie.
• Antécédents de maladie cardiovasculaire ou de pathologie chronique (rénale en particulier).
• Traitement anti-hypertenseur : molécule, effet (automesure tensionnelle), compliance.
• Prise de traitement favorisant l’hypertension (corticoïdes, AINS) ou de toxiques (alcool, cocaïne).
Symptomatologie
• Neurologique : léthargie, somnolence, céphalées, crise convulsive, vertiges, troubles visuels, déficit sensitif ou moteur, confusion, nausées, vomissements.
• Cardiologique : douleur thoracique rétrosternale, transfixiante ou descendante dans la région épigastrique, dyspnée, orthopnée, œdème des membres inférieurs.
• Homéostasie hydroélectrolytique : soif, polyurie, hématurie, prise de poids.
3. Quelle est la prise en charge d’une urgence hypertensive avec souffrance viscérale ?
Lorsqu’un patient se présente en cabinet pour une urgence hypertensive avec signes d’atteinte d’organe, il doit être conduit au plus vite aux urgences pour une prise en charge thérapeutique et étiologique.
C’est aussi le cas pour toutes les femmes enceintes chez qui l’hypertension peut être à l’origine d’une éclampsie, qui doit être traitée dans un service spécialisé en milieu hospitalier.
Le traitement de l’urgence hypertensive sera dicté par le type d’atteinte d’organe et le but du traitement sera de contrôler la TA afin de limiter l’entendue des dommages d’organes. Dans la plupart des cas, le traitement sera administré par voie intraveineuse et un monitoring hémodynamique rapproché (dans une unité de soins intensifs ou soins intermédiaires, selon les centres) sera nécessaire. L’intensité et la vitesse cible de baisse de la TA ainsi que les médicaments intraveineux à utiliser sont largement dépendants du contexte clinique et du type d’urgence hypertensive.
4. Quelle est la prise en charge d’une urgence hypertensive sans atteinte d’organe ?
Les patients en urgence hypertensive relative ne présentent pas de risque cardiovasculaire accru à court terme (OAP, dissection aortique, encéphalopathie hypertensive…). Une fois l’urgence écartée, il est essentiel de rechercher et de traiter les causes favorisantes : arrêt du traitement anti-hypertenseur, prise de médicament inadapté ou toxique, affection intercurrente (douleur aiguë, rétention d’urines…). Chez environ un tiers des patients, le repos à lui seul permet de réduire la PA. Chez les patients symptomatiques au cabinet (douleurs thoraciques à ECG normal, céphalées, vertiges), un antihypertenseur oral peut être administré (par exemple, la nifédipine à libération prolongée 20 mg). Outre la nifédipine, il est possible d’administrer des bêtabloquants avec activité alphabloquante supplémentaire (par exemple le carvédilol), des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (par exemple l’énalapril) ou des sympatholytiques centraux (par exemple la clonidine). Une surveillance au cabinet pendant quelques heures est parfois nécessaire.
Chez les patients asymptomatiques, on ne procédera pas à un abaissement de la PA en urgence.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES RÉALISÉS AUX URGENCES
Laboratoire
• NFS : hémoglobine, plaquettes.
• Ionogramme et chimie : créatinine, sodium, potassium, LDH, haptoglobine.
• Analyse d’urines : examen BU pour recherche albuminurie, hématurie, leucocyturie.
Examens diagnostiques
• ECG : ischémie, arythmie, HVG.
• Fond d’œil : hémorragie, exsudats, œdème papillaire.
Selon le contexte
• Enzymes cardiaques : troponine, CPK.
• Radiographie du thorax : cardiomégalie, signes d’OAP.
• Échographie transthoracique : cœur et poumons.
• IRM cérébrale ou scanner.
• Angioscanner thoraco-abdominal : recherche de dissection.
• Échographie rénale : analyse de l’anatomie des reins et des voies urinaires.
Dans le cas où l’hypertension artérielle n’était jusqu’alors pas connue, un traitement antihypertenseur oral doit être initié. Le choix du médicament dépend de la sévérité et du type d’atteinte des organes cibles, du mécanisme pathogénique sous-jacent de l’hypertension, des propriétés pharmacologiques, des comorbidités…
Chez les patients connus pour être hypertendus, le traitement à long terme de l’hypertension artérielle doit être intensifié ou adapté.
Si la PA s’abaisse, des contrôles de suivi ambulatoires étroits sont essentiels afin d’optimiser le traitement antihypertenseur : prescription d’un tensiomètre pour réaliser des automesures et consultation de contrôle à 48 heures.
Dr Isabelle Catala, rédactrice ; Dr Franck Assayag, relecture (service de cardiologie, hôpital André-Mignot, Le Chesnay-Versailles)
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