Germain, 79 ans, consulte pour une douleur pelvienne importante. Sur un plan clinique, nous notons une douleur au niveau de la fosse iliaque gauche.
Nous avons administré un traitement adapté à la diverticulite éventuelle (amoxicilline-acide clavulanique et antispasmodique) compte tenu de sa symptomatologie et de ses antécédents de diverticulose connus. Cependant, le patient nous relate secondairement avoir été traité chirurgicalement pour un anévrisme abdominal il y a 12 ans. Or, depuis cette intervention, aucun suivi n’a été effectué (du fait d’un déménagement). Aussi avons-nous prescrit en urgence un scanner abdominal. Cet examen a permis d’objectiver une opacification périprothétique en rapport avec une fuite prothétique et confirme le diagnostic de diverticulite, dont l’inflammation a rétrocédé avec le traitement prescrit.
Germain a été confié à un chirurgien vasculaire qui a effectué une embolisation hypogastrique sur le jambage de l’endoprothèse responsable d’un anévrisme iliaque droit. L’image radiologique périprothétique était une fuite de type 1 au niveau de l’endoprothèse aortique (flèche rouge) au niveau abdominal.
INTRODUCTION
À la fin des années 1990, de grands changements sont intervenus dans le domaine de la chirurgie des anévrismes abdominaux. Alors qu’auparavant, le traitement chirurgical reposait sur la laparotomie avec une morbimortalité importante, la prise en charge par technique endovasculaire a réduit de 75 % les complications de ce traitement.
Cependant, ces méthodes endovasculaires ne sont pas exemptes de complications postopératoires : hémorragies, infections, ischémies vasculaires, ruptures.
Certaines de ces complications sont plus tardives que d’autres, comme les fuites. Ces dernières surviennent pour les endoprothèses aortiques (qu’elles soient thoraciques ou abdominales), dans une proportion variant entre 5 et 20 %. Leur mise en évidence est capitale car leur existence conduit à générer une pression au sein de l’anévrisme qui peut provoquer secondairement une rupture.
PRISE EN CHARGE
Une classification de ces endofuites en fonction de l’origine et de leur situation a été réalisée. Selon le type d’endofuite, une prise en charge spécifique est proposée.
➔ Le type 1 correspond à une fuite au niveau de la zone de rattachement de l’endoprothèse (A si elle est au niveau de l’extrémité proximale, B au niveau de l’extrémité distale). Dans ces cas, il existe un risque important de désolidarisation entre la prothèse et le collet artériel, voire une migration du matériel prothétique. Une reprise chirurgicale est impérative, avec embolisation (comme dans notre cas).
➔ Le type 2 correspond à un flux rétrograde en empruntant des branches collatérales de l’anévrisme (A simple dans le cas où une seule branche artérielle est impliquée, B complexe si plusieurs branches sont responsables de cette endofuite). Dans ce cas, il est conseillé d’effectuer une embolisation pour empêcher ce flux rétrograde avec des coils (corps métalliques étrangers) dès lors que le diamètre de la zone anévrismale est supérieur à 4 mm, ou pour certains spécialistes un abord chirurgical laparoscopique avec pose de clips.
➔ Le type 3 est en rapport avec une anomalie d’un ou de plusieurs modules de la prothèse (A fuite entre deux éléments, B déchirure de l’endoprothèse). Le traitement est superposable à celui du type 1 car, dans ce cas, les risques de rupture sont réels du fait d’une pression importante.
➔ Le type 4 est dû à une porosité de la prothèse qui induit la fuite. Ce type de complication a quasiment disparu du fait de nouvelles générations de prothèses. Ces cas, s’ils se présentent, nécessitent bien entendu une reprise chirurgicale.
➔ Le type 5 se caractérise par la persistance d’une tension au sein de la zone anévrismale, cela sans qu’une réelle endofuite ne soit authentifiée par l’imagerie. Dans ce cas, si la pression est importante et persiste, un traitement chirurgical doit être proposé (nouvelle endoprothèse le plus souvent).
CONCLUSION
Ce cas clinique montre l’importance du médecin généraliste dans le suivi de ces patients.
Nous ne devons pas oublier qu’en cas de reprise chirurgicale tardive, la mortalité postopératoire avoisine les 25 %. Pour éviter de telles conséquences, il est important d’effectuer une surveillance grâce à l’imagerie dans le mois qui suit l’intervention et 6 mois après, puis annuellement durant les 5 premières années et tous les 2 ans par la suite. L’examen d’imagerie qui a la faveur des chirurgiens vasculaires est le scanner injecté.
Cependant, certains spécialistes mettent en avant l’intérêt de l’échographie doppler, mais la qualité de cet examen est très opérateur-dépendant.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Aïda Tall (interne en médecine générale à Montpellier), Soleiman Abokassem et Guilhem Mauret (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Steinmetz E. Prise en charge des endofuites en 2020. Journal de Médecine Vasculaire 2020 ; 45 : S9.
2. Bruls S, Creemers E, Trotteur G, et al. Les endofuites, une complication spécifique du traitement endovasculaire des pathologies aortiques. Revue Médicale de Liège 2011 ; 66 (11) : 559-563.
3. Danzer D, Becquemin JP. Surveillance après traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale. Réalités Cardiologiques 2011 ; 282 : 13-18.
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC