Métabolisme

LES DYSLIPIDÉMIES

Publié le 20/01/2012
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Évaluation plus fine du risque cardiovasculaire, abaissement des objectifs thérapeutiques de LDL-cholestérol : les dernières recommandations européennes font évoluer la prise en charge des dyslipidémies.

Dans le plasma, les lipides sont véhiculés sous forme de lipoprotéines.

Dans le plasma, les lipides sont véhiculés sous forme de lipoprotéines.
Crédit photo : ©BSIP

Selon des données 2006-2007, une dyslipidémie est retrouvée chez 48 % de la population adulte de 35 à 64 ans (1). L'hypercholestérolémie est la dyslipidémie la plus fréquente : elle concerne 36,9 % des adultes, soit 9,1 millions de personnes.

Le profil le plus fréquent est l'hypercholestérolémie pure (27,5 %). La seconde anomalie est l'hypercholestérolémie associée à une hypo-HDL-cholestérolémie, suivie par l’hyperlipidémie mixte. L’hypertriglycéridémie pure est observée chez 2,4% des patients.

Les dernières recommandations conjointes de la Société européenne de cardiologie (ESC) et de la Société européenne d'athérosclérose (EAS) (2) font le point sur les récentes évolutions de la prise en charge.

LE BILAN LIPIDIQUE

Pour qui

- Les recommandations européennes préconisent, dans le cadre du dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire en population générale, de prescrire un bilan lipidique à partir de 40 ans chez l'homme et 50 ans chez la femme.

- Certaines situations nécessitent de dépister une dyslipidémie indépendamment de l'âge. C'est le cas des patients présentant une maladie cardiovasculaire établie ou un diabète de type 2. Également en cas d'antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire précoce, de dyslipidémie familiale, d'hypertension artérielle, de tabagisme, d'obésité (IMC ≥ 30 kg/m2) ou d'obésité abdominale (tour de taille › 94 cm chez l'homme ou › 80 cm chez la femme), de maladie rénale chronique. Enfin, l'existence d'une pathologie inflammatoire chronique auto-immune (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux) ou la prise d'un traitement antiviral nécessitent de connaître le profil lipidique du patient.

Quoi mesurer

- Le bilan repose sur le dosage du cholestérol total (CT), des triglycérides, du HDL-cholestérol (HDL-C), et sur le calcul du LDL-cholestérol (LDL-C). Celui-ci est obtenu grâce à la formule de Friedwald, sous réserve que les triglycérides soient inférieurs à 4 g/l (ou < 4,5 mmol/l). Le prélèvement sanguin doit être réalisé après 12 heures de jeûne, mais cette précaution ne vaut en réalité que pour le dosage des triglycérides (donc pour le calcul du LDL-C). Stricto sensu, les dosages du cholestérol total et du HDL-C peuvent être faits alors que le patient n'est pas à jeun.
Lorsque les triglycérides sont trop élevés pour calculer de façon fiable le LDL-C, le dosage direct de celui-ci est possible. Il est désormais disponible dans la plupart des laboratoires, mais son utilisation est réservée à la seconde intention.

- Une alternative consiste à doser les apolipoprotéines A1 et B (apo A1 et B). L'apo A1 est la principale apolipoprotéine des lipoprotéines HDL, tandis que l'apo B est la protéine majoritaire des lipoprotéines LDL et VLDL.

La HAS considère que ces deux mesures ne sont pas justifiées pour la prise en charge des dyslipidémies courantes (3). Elle réserve leur utilisation à de rares situations, toujours en seconde intention après une première exploration lipidique, en cas de dyslipidémie complexe ou de dyslipidémie d'origine génétique, et lorsque le HDL-C est inférieur à 0,30 g/l (non fiable pour déterminer l'apo A1) ou les triglycérides trop élevés pour permettre le calcul du LDL-C.

Les recommandations européennes (2) soulignent de leur côté le bénéfice du dosage de l'apo B en cas de dyslipidémie mixte, de diabète, de syndrome métabolique ou de maladie rénale chronique, et présentent le rapport apo B / apo A1 comme une méthode alternative au bilan lipidique usuel. Pour le Pr Bruckert, " les renseignements fournis par le dosage des apolipoprotéines A1 et B sont aussi pertinents que ceux obtenus par l'exploration classique, mais on se heurte en pratique au problème de l'absence de standardisation des taux d’apolipoprotéines. Et malgré des progrès à cet égard, il est préférable pour l'heure de s'en tenir au bilan standard des recommandations françaises ".

- Une autre option consiste à doser le non-HDL-cholestérol (CT – HDL-C). "Il tient compte de l'ensemble des lipoprotéines athérogènes (VLDL + LDL + IDL [intermediate-density lipoprotein]), et donne une meilleure estimation du risque cardiovasculaire, notamment chez les sujets hypertriglycéridémiques. Mais là encore, l'utilisation de cette variable n'est pas entrée dans les habitudes et n'a pas sa place en première intention".

L'EVALUATION DU RISQUE CARDIOVASCULAIRE GLOBAL

- La prise en charge débute toujours par l'évaluation du risque cardiovasculaire global. L'ESC et l'EAS préconisent le recours au modèle de risque SCORE (Systemic Coronary Risk Estimation), qui estime la probabilité de survenue à 10 ans d'un premier événement cardiovasculaire fatal (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, mort subite d'origine cardiaque) (2). "En pratique clinique, l'évaluation du risque peut toujours être réalisée par la méthode de sommation des risques proposée par l'Afssaps en 2005 (4). Mais certains patients, notamment ceux entre 50 et 70 ans ayant au moins un facteur de risque autre que la dyslipidémie, atteignent très rapidement un haut niveau de risque cardiovasculaire. Afin de ne pas négliger cette éventualité, un calcul plus précis du risque est nécessaire, ce qui légitime l'utilisation du système SCORE."

Rappelons que les facteurs de risque listés par l'Afssaps sont l'âge (homme de 50 ans ou plus, femme de 60 ans ou plus), les antécédents familiaux de maladie coronaire précoce, le tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans l'hypertension artérielle traitée ou non, le diabète de type 2 traité ou non, et un HDL-cholestérol < 0, 40 g/l quel que soit le sexe. Un HDL-C supérieur à 0,60 g/l est considéré comme un facteur protecteur.

- Certains sujets sont d'emblée considérés comme étant à haut ou très haut risque cardiovasculaire : sujets ayant une maladie cardiovasculaire connue, diabète de type 2 ou diabète de type 1 avec microalbuminurie, maladie rénale chronique avec débit de filtration glomérulaire inférieur à 60 ml/min/1,73 m2, risque calculé selon SCORE ≥ 10 %, cumul de facteurs de risque cardiovasculaire à un niveau élevé (2). Pour ces patients, l’utilisation de la grille SCORE est inutile.

- Pour tous les autres sujets, le système SCORE tient compte de la présence de certains facteurs de risque et de leur valeur (voir figure 1). On distingue d'abord les pays à bas risque cardiovasculaire (Belgique, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Espagne, Suisse, Portugal), et les pays à haut risque cardiovasculaire (autres régions européennes).
Les autres variables à prendre en compte sont l'âge (à partir de 40 ans), le sexe, le tabagisme, la pression artérielle systolique et le cholestérol total, auxquelles s'ajoute, dans cette dernière version des recommandations européennes, le HDL-cholestérol.

Quatre groupes de HDL-C ont été définis, selon que la variable est égale à 0,8 mmol/l (~ 0,30 g/l), 1 mmol/l (~ 0,40 g/l), 1,4 mmol/l (~ 0,54 g/l) ou 1,8 mmol/l (~ 0,70 g/l). Le niveau de HDL-C modifie en effet de façon importante le niveau de risque cardiovasculaire (voir exemples figures 1, 2 et 3). L'existence d'antécédents familiaux précoces de maladie cardiovasculaire n'apparaît pas dans les grilles, mais dans ce cas, le résultat obtenu doit être multiplié par 1,7 chez la femme et 2 chez l'homme.

Quatre niveaux de risque sont définis :

1) Le très haut risque cardiovasculaire ( ≥ 10%) ;
2) Le haut risque, qui regroupe les sujets ayant des facteurs de risque majeurs ou particulièrement élevés (hypercholestérolémie familiale, HTA sévère…) et ceux dont le score se situe entre 5 et 10 % ;
3) Le niveau de risque modéré, qui concerne les patients dont le score est compris entre 1 et 5 % ;
4) Le bas risque, qui regroupe les sujets dont le score est inférieur à 1 % (2).
L'hypertriglycéridémie quant à elle constitue un facteur de risque indépendant, mais dont le poids reste modeste.

S'agissant du traitement pharmacologique, tous les patients à très haut risque doivent recevoir un hypolipémiant dès lors que le LDL-C excède 0,70 g/l. Même chose pour les sujets à haut risque lorsque le LDL-C dépasse 1,0 g/l. Lorsque le risque est modéré ou faible, le traitement pharmacologique n'est envisagé que lorsque la valeur cible de LDL-C n'est pas atteinte par les seules mesures hygiéno-diététiques.

QUEL TRAITEMENT PROPOSER

Les valeurs cibles

- La prise en charge reste essentiellement axée sur la baisse du LDL-C. Chaque diminution de 0,40 g/l de ce paramètre est associée à une réduction de 22 % de la morbi-mortalité cardiovasculaire.

• Pour les patients à très haut risque cardiovasculaire, notamment en prévention secondaire et chez les sujets diabétiques, le LDL-C doit être abaissé en dessous de 0,70 g/l (supérieur à 1,8 mmol/l) ou réduit de 50 % par rapport au taux initial sans traitement pharmacologique (si la cible de 0,70 g/l ne peut être atteinte).
• Pour la catégorie du haut risque cardiovasculaire, le LDL-C doit être inférieur à 1,0 g/l (supérieur à 2,5 mmol/l).
• Lorsque le risque cardiovasculaire est modéré, l'objectif est inférieur à 1,15 g/l (supérieur à 3,0 mmol/l).

- Les valeurs cibles proposées dans les recommandations européennes sont donc globalement inférieures aux objectifs fixés par l'Afssaps en 2005 (ceux-ci allaient de 2,20 g/l en l'absence de facteur de risque associé à la dyslipidémie à moins d'1 g/l en prévention secondaire, en passant par les valeurs 1,90 g/l, 1,60 g/l et 1,30 g/l).
« Ce sont les valeurs européennes qui désormais doivent être retenues, explique le Pr Bruckert. Cela dit, la discordance entre les textes européen et français n'est qu'apparente, le seuil de 0,70 g/l pour les sujets à très haut risque cardiovasculaire étant déjà présenté comme une option par les recommandations françaises. La différence est plus marquée lorsqu'on considère les patients à risque modéré, l'objectif de 1,15 g/l étant relativement exigeant. À cet égard, il serait souhaitable d'engager le débat en France, afin de définir les priorités pour cette catégorie de risque. Quoi qu’il en soit, l'objectif majeur commun à toutes les recommandations reste bien de repérer et de prendre en charge les patients à haut et très haut risque cardiovasculaire, pour lesquels les valeurs de 0,70 g/l et 1,0 g/l constituent désormais la référence. »

À noter que l'objectif de réduction de 50 % du LDL-C en cas de très haut risque cardiovasculaire a été instauré pour protéger les patients des éventuels effets secondaires des associations d'hypolipémiants, souvent nécessaires dans ce contexte. Chez ces patients dont le LDL-C initial est souvent élevé, on considère alors que si l'objectif de 0,70 g/l de LDL-C n'est pas atteint en dépit d'une bi- voire trithérapie hypolipémiante et malgré des mesures hygiéno-diététiques adaptées, il est raisonnable de se contenter d'une baisse de 50 % du taux initial de LDL-C.

Pour le HDL-C et les triglycérides, aucune cible précise n'a été déterminée. On considère que la triglycéridémie à jeun doit être inférieure à 1,50 g/l.
En ce qui concerne l'apo B, l'objectif thérapeutique est inférieur à 0,80 g/l pour les sujets à très haut risque cardiovasculaire, et inférieur à 1 g/l pour la catégorie du haut risque (2).

L'importance de l'hygiène de vie

Les mesures hygiéno-diététiques font systématiquement partie du traitement, que le patient prenne ou non un traitement pharmacologique.
La réduction des taux sériques de cholestérol total et de LDL-C peut être obtenue par une diminution de la consommation d'acides gras saturés et d'acides gras trans, et par la consommation de fibres et de phytostérols.
Les mesures les plus efficaces sur la baisse des triglycérides sont la réduction pondérale, la réduction de la consommation d'alcool et de sucres, ainsi que la lutte contre la sédentarité. La supplémentation en acides gras oméga 3 est également citée par les guidelines européens.
Enfin, l'augmentation du niveau d'activité physique, la réduction pondérale et la diminution des apports en graisses saturés et en sucres se sont montrés efficaces pour augmenter le HDL-C.

Le choix du traitement pharmacologique

Lorsqu'un traitement médicamenteux est envisagé, il convient d'abord de déterminer de combien l'on souhaite réduire le LDL-C, en prenant comme objectifs les valeurs cibles recommandées (voir tableau 1). De l'importance de cette réduction dépend le bénéfice du traitement.

Les statines sont les molécules de choix pour abaisser le LDL-C. Une fois déterminé le degré souhaité de réduction du LDL-C, le choix de la statine dépend de la puissance respective de chaque molécule.

Cinq statines sont disponibles en France :
- Atorvastatine,
- Fluvastatine,
- Pravastatine,
- Rosuvastatine,
- Simvastatine.

La HAS a récemment émis des conclusions (1) relatives au choix de la statine la plus efficiente dans chaque situation (le critère d’efficience prend en compte le bénéfice d'un produit de santé et les ressources nécessaires à l'obtention de ce bénéfice) (voir tableau 2).
Parmi les autres molécules hypolipémiantes, l'ézétimibe (inhibiteur de l'absorption intestinale du cholestérol) est indiqué notamment en association avec une statine lorsque la baisse du LDL-C est insuffisante sous statine seule, ou bien en monothérapie en cas d'intolérance aux statines.

On dispose également des résines échangeuses d'ions et de l'acide nicotinique, mais qui posent tous deux des problèmes de tolérance.

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Dr Pascale Naudin-Rousselle (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr) sous la responsabilité scientifique du Pr Eric Bruckert (Service d’Endocrinologie-Métabolisme – Hôpital La Pitié-Salpêtrière, 47-83 bd de l'Hôpital, 75 013 Paris ; courriel : eric.bruckert@psl

Source : lequotidiendumedecin.fr