Selon la classification de ROME des troubles fonctionnels intestinaux, les coliques se définissent de la manière suivante suivante: pleurs et/ou cris prolongés survenant au moins 3 heures par jour pendant plus de 3 jours par semaine pendant au moins 1 semaine sans trouble de la croissance (1).
Ces cris et pleurs se produisent de manière paroxystique, avec un début brutal, un enfant inconsolable, une survenue à prédominance vespérale. L’enfant est agité, hypertonique, le facies érythrosique. La durée varie d’un nourrisson à l’autre. Les symptômes sont majeurs vers 6 semaines de vie, indépendamment du terme et du poids de naissance de l’enfant. Ils disparaissent spontanément au bout de trois mois. S’ils varient au cours du temps, ils sont constants au cours de l’année, sans variation saisonnière.
Ces coliques altèrent la sensation de bien-être (du nourrisson et de la famille...), ce qui en fait une maladie véritable selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé.
Parmi les quatre problèmes les plus importants repérés par les mères pendant les premiers mois de vie, on note que les coliques occupent la deuxième place dans leurs préoccupations derrière les difficultés alimentaires (régurgitations, mauvaise prise des repas) et devant les troubles du transit et l’ictère (2).
L’incidence des coliques est estimée entre 10 et 45 % dans les pays industrialisés (3,4), soit en France, 25 000 à 200 000 enfants chaque année.
DES CAUSES ORGANIQUES RARES MAIS À RECHERCHER TOUJOURS
Différencier les pleurs physiologiques des coliques et des pleurs correspondant à une étiologie organique nécessite une écoute attentive de la description des pleurs et de l’attitude des parents vis-à-vis du symptôme.
- C’est l’interrogatoire qui permet de suspecter un reflux gastro-œsophagien : les pleurs sont alors plus ou moins rythmés par les repas (per- et post-prandiaux) ou entravent l’allaitement (repas compliqués, interrompus par des pleurs, une agitation), régurgitations tardives, à distance des repas. Les cas de RGO avec œsophagite sont rares en pratique, le reflux « occulte » n’est pas une cause de coliques chez les nourrissons de moins de 3 mois
- L’examen recherche une hernie étranglée, une fissure anale, une otite (rare avant 3 mois), une pyélonéphrite (un sepsis peut débuter par des cris isolés)… Les enfants ayant des coliques ont un examen normal, avec des phases d’éveil avec sourire normales et une croissance normale.
- Une constipation peut être en cause, une progression difficile du bol fécal engendre des efforts douloureux abdominaux, se manifestant volontiers par des pleurs qui s’intègrent dans un contexte de colique (avec un faciès érythrosique et une sur-élévation des jambes). Ces pleurs sont d’autant plus intenses si la constipation a généré une fissure. Le traitement chez le nourrisson est avant tout diététique
- L’intolérance au lactose est un facteur étiologique très mineur.
- L’allergie aux protéines du lait de vache (APLV), très souvent évoquée, est rarement en cause. Cependant en cas d’association à d’autres signes évocateurs d’APLV, surtout s’il existe des antécédents familiaux d’atopie, il devient licite d’évoquer le diagnostic et de tenter un régime d’éviction qui ne sera pas poursuivi en cas d’échec.
- Les diagnostics différentiels sont donc facilement éliminés en pratique et face à des pleurs isolés du nourrisson sans autres signes associés avec une bonne prise de poids et un examen normal, aucun examen complémentaire n’est nécessaire, et ce quel que soit l’intensité des pleurs. Dans une infime minorité de cas seulement, une cause est retrouvée.
UNE PRISE EN CHARGE TRES DIFFICILE
Les pleurs excessifs du nourrisson réclament une prise en charge individualisée avec une deuxième consultation à quelques jours d’intervalle et une disponibilité au téléphone.
L’origine des coliques du nourrisson étant sans aucun doute multifactorielle, l’approche thérapeutique doit être polymorphe. Certaines mesures seront systématiquement proposées et d’autres adaptées au contexte clinique. Le médecin doit se méfier de son propre sentiment d’impuissance qui pourrait se solder par une « valse des laits » inutile.
Expliquer, réassurer, mais aussi déculpabiliser
L’anxiété parentale majeure face au nourrisson qui pleure a fait évoquer la possibilité de troubles de l’inter-relation entre l’enfant et son environnement à l’origine des coliques (5,6). Il est essentiel d’informer la famille de la nature bénigne des coliques et de leur caractère transitoire sans pour autant les banaliser dans une attitude médicale trop désinvolte. « Ces symptômes douloureux de l’enfant sont d’autant plus difficile à vivre pour la famille qu’on ne propose aucune explication convaincante sur “les causes du mal”, ni de traitement efficace à tout coup.
Les médecins ont beau mettre en avant le caractère favorable de l’évolution à long terme, à l’heure où le concept de douleur est une priorité, l’inquiétude parentale est à son paroxysme », souligne le Dr Marc Bellaiche. Le suivi longitudinal sur 4 ans d’un groupe de nourrissons avec coliques révèle qu’aucune modification n’est notée concernant la croissance, le sommeil, les plaintes psychosomatique, la fréquence des hospitalisations par rapport au groupe contrôle. Ces nourrissons sont juste décrits comme plus émotifs (7).
- Il convient d’expliquer que les pleurs sont un des rares moyens de communiquer pour le nourrisson (le « bébé mange et pleure »), qu’ils ne sont pas obligatoirement synonymes de douleurs, mais un mode d’expression type « Je crie, donc je suis ! » Dans une étude portant sur 38 mères, le fait d’expliquer ce que sont les coliques est aussi efficace pour diminuer la durée quotidienne des pleurs que la prise dans les bras systématique ou qu’une promenade en voiture... (8). L’efficacité de l’apprentissage des parents à mieux répondre à la demande de leur enfant a été évaluée dans un groupe de 20 nourrissons « avec coliques ». La durée quotidienne des pleurs a été diminuée de 70 % alors qu’il n’existait pas de diminution significative dans un groupe témoin (9).
- Il faut aussi convaincre les parents de s’octroyer des moments de répit pour mieux faire face sans se culpabiliser ni avoir le sentiment d’abandonner son enfant devant la difficulté. Il est aisé de comprendre qu’à la fin de la journée, au moment où il pleure le plus, des parents rentrant harassés du travail où une mère fatiguée par des taches ménagères et les cris incessants du bébé, la disponibilité pour porter et rassurer l’enfant soit réduite. L’aide d’une tierce personne peut alors se révéler nécessaire.
Les petits moyens
- Promener (10). Les sociétés savantes américaines parlent de la valeur diagnostique et thérapeutique du tour de pâté de maison en voiture ! « Les pleurs qui cessent pendant la promenade en poussette ou en voiture permet de rassurer les parents. » Cela a même fait l’objet d’une publicité pour une marque de voiture où un père passait la nuit dans sa voiture à faire des marches avant et des marches arrière ; son bébé hurlant dés que le mouvement cessait !
- Porter, masser, bercer, chanter. Le portage permet de prendre « l’affaire en main » et de ne pas rester les « bras ballants ». Cela nécessite une démonstration pendant la consultation pour montrer comment tenir le nourrisson en décubitus ventral, tête ballante, avec les mains jointes de la mère dans la région épigastrique ou l’enfant abdomen contre cuisse de la mère. Cette résolution active aide les parents à se déculpabiliser et à diminuer la distension abdominale du nourrisson par un massage. D’autres petits moyens d'apaisement sont toujours conseillés : balancement doux, musique, suppression des causes d'aérophagie (faire boire lentement, diminuer le calibre de la tétine, proposer une sucette de manière adaptée). De manière plus artificielle, la tétine peut ici avoir un rôle bénéfique.
- Il importe que les parents ne soient pas culpabilisés par le fait de prendre l’enfant souvent dans les bras, plus le bébé est mis dans sa niche écologique plus il est sécurisé. Le contact corporel fréquent et prolongé avec la mère ou une autre personne de référence génère un apaisement chez les bébés. Il se calme par l’odeur, des massages ou des caresses avec une faculté d’auto-apaisement différente d’un nourrisson à un autre. Cela peut être facilité par les porte-bébés type kangourou ou en écharpe.
- D’autres types de manipulations ont été proposés comme un couchage sur des berceaux à vibrations (sans efficacité démontrée) ou des véritables séances de kinésithérapie ou d’ostéopathie (11).
Les conseils diététiques
Petits repas fréquents en vérifiant l’absence d’erreurs diététiques, maintien en position verticale lors des tétées, prise du repas dans un cadre apaisant, essai d’autres tétines ou de biberons conçus pour diminuer l’aérophagie, recommander à la mère qui allaite de ne pas consommer trop de légumes secs ni de choux, en la rassurant sur la qualité de son lait. Ensuite, la prise en charge diététique sera guidée par les symptômes associés éventuels du nourrisson.
En cas de régurgitations fréquentes, un lait pré-épaissi peut être prescrit.
– En cas de constipation, l’alimentation sera adaptée éventuellement associée à un laxatif doux.
– L’intolérance au lactose est une théorie séduisante. L’administration de lactase en début de tétées n’améliore pas les coliques (12). Cette étiologie a donc un rôle mineur.
– En cas d'antécédents d'atopie familiale ou personnelle, un régime avec un hydrolysat poussé sans protéines au lait de vache peut être entrepris. Il ne doit pas être poursuivi en cas d’échec. En cas d’efficacité, il semble légitime de proposer une épreuve de réintroduction des PLV quelques semaines plus tard pour avaliser le diagnostic. Ce n’est qu’en cas de réapparition des symptômes lors de cette épreuve que le nourrisson doit être considéré comme allergique aux PLV.
– Si le nourrisson ne présente aucun symptôme digestif associé, un essai thérapeutique avec des préparations à base de soja est une alternative, car ces formules adaptées pour le nourrisson sont sans lactose et sans protéines de lait de vache.
Prudence avec les traitements naturels
Les infusions aux plantes (tisane à base de verveine, camomille et réglisse) ont montré un effet, mais la consommation nécessaire est de 32 ml/kg/j au moins, ce qui implique une ration lactée moindre et des conséquences nutritionnelles possibles en cas de consommation prolongée. En France, ces boissons contiennent des dérivé du camphre dont il faut se méfier.
Les traitements médicamenteux
- En cas de symptômes d’œsophagite. Les régurgitations à répétition, la pâleur (secondaire à une anémie), un épisode d’hématémèse, la chronologie des pleurs : pleurs en per-prandial immédiat, arrêt de la tétée en plein milieu du repas et/ou attitude antalgique en torticolis lors de la prise du biberon, sont autant de paramètres sémiologiques en faveur d’une pathologie de reflux. S’il existe l’un de ces signes évocateurs d’œsophagite, il est licite d’envisager un traitement antisecrétoire empirique (13).
- La diméthicone a été largement utilisée en raison de son action sur la production des gaz. Il entraîne une amélioration dans deux études contrôlées en double aveugle, mais cet effet n’est pas supérieur à celui obtenu avec un placebo (14,15). La trimébutine n’a jamais démontré un rôle thérapeutique.
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC