Dermatologie

LE PSEUDO-XANTHOME ELASTIQUE

Publié le 15/09/2017
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Certaines pathologies héréditaires induisent une altération du tissu élastique. Compte tenu des conséquences au niveau de différents organes (peau, yeux, vaisseaux) de ces affections, un suivi multidisciplinaire régulier est nécessaire.
pseudo-xanthome

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Crédit photo : PHANIE

Marina, 28 ans, présente des dysesthésies prédominant au niveau du cou, des manifestations générales à type d’asthénie et des myalgies mal systématisées. L’examen clinique permet de retrouver au niveau cutané la présence au niveau cervical de placards maculo-papuleux de couleur jaune (cf. cliché 1). Une perte d’élasticité cutanée  est également constatée au niveau des plis axillaires (cf. cliché 2). Au niveau cardiovasculaire, les pouls périphériques ne sont pas retrouvés. Compte tenu de cette disparition, nous avons demandé un écho-Doppler artériel des membres supérieurs et inférieurs qui retrouve :

- Une occlusion de l’artère tibiale postérieure gauche au niveau des membres inférieurs.

- Une occlusion des deux artères radiales (sur leur portion distale) et des calcifications pariétales des artères des avant-bras.

En parallèle, nous avons effectué une étude histologique des lésions cutanées observées au niveau du cou. Celles-ci révèlent l’existence d’une brièveté des fibres élastiques (fragmentées et regroupées en amas), mais aussi des ectasies vasculaires au niveau du derme superficiel.

Marina nous explique aussi que sa mère avait également des problèmes artériels qui faisaient l’objet d’une surveillance depuis qu’elle avait 20 ans.

LES SYMPTÔMES

Le pseudo-xanthome élastique (PXE) est une affection dont l’incidence est comprise entre 1/ 25 000 et 1/ 50 000. Les 1res manifestations cliniques observées sont précoces (entre 20 et 30 ans). Cette pathologie est transmise génétiquement suivant un mode autosomique récessif, avec des possibilités d’atteintes de 2 générations successives du fait d’une pseudo-dominance. Près de 90% des patients présentent une mutation du gène ABCC6 qui code pour une protéine de transport transmembranaire. Le locus génétique concerné par le PXE est le 16p13.1

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Les manifestations cutanées. Elles sont dominées par la présence de maculo-papules de couleur jaune ou chair. Ces formations fusionnent et donnent fréquemment des placards linéaires ou réticulaires au niveau des faces latérales du cou. A ce niveau, cette disposition donne l’aspect de cou de poulet plumé. On retrouve également ces formations au niveau des aisselles, des coudes, l’abdomen, le pubis, et des plis inguinaux. En parallèle, on observe également une perte d’élasticité cutanée au niveau de certaines zones (la zone axillaire étant la plus commode pour mettre en évidence de trouble).

Les muqueuses peuvent être touchées. On retrouve alors des papules jaunes au niveau du palais, du vagin, des lèvres ou du rectum.

Les manifestations ophtalmiques. Elles sont observées dans plus de 85% des cas. La membrane de Bruch (qui sert d’interface entre la rétine et la choroïde) est fissurée. Cette altération se traduit par des stries angioïdes de couleur jaune ou grise, disposées tout autour du nerf optique, et engendrent des réductions de l’acuité visuelle.

Si l’atteinte de la membrane de Bruch est plus importante, on observe des proliférations de néovaisseaux, et des hémorragies. Elles s’intègrent dans un tableau de dégénérescence maculaire. A ce stade, la cécité (elle concerne le champ visuel central) est possible.

Les atteintes vasculaires. Elles concernent surtout les vaisseaux périphériques dans 30% des cas. Le plus souvent il s’agit de calcifications des vaisseaux, ou des occlusions. Une hypertension artérielle, et un prolapsus de la valve mitrale sont souvent objectivés. Enfin dans une fourchette comprise entre 6 et 10% des atteintes coronariennes peuvent être retrouvées.
Les atteintes digestives. Elles sont objectivées dans 10% des cas. Le plus souvent il s’agit de problèmes hémorragiques qui concernent l’estomac, mais aussi les autres organes digestifs du fait de dissections ou de calcifications vasculaires.

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LE DIAGNOSTIC

Il repose sur trois critères majeurs (manifestations cutanées, caractéristiques histologiques du tissu atteint, et atteinte cutanée) et deux mineurs (caractéristiques histologiques du tissu sain, et antécédents familiaux).

Au niveau histologique, on retrouve des fibres élastiques du derme réticulaire épaissies, entortillées, et hachées. Des calcifications vasculaires concernant média et intima sont observées grâce à la coloration de Kossa.

L’imagerie (écho-Doppler) objective les calcifications, et les sténoses artérielles.

ÉVOLUTION ET TRAITEMENT

Il n’existe pas de traitement efficace pour contrecarrer l’évolution du PXE. Cependant, du fait de conséquences importantes au niveau CV et ophtalmologique, il est important d’effectuer un suivi régulier par une équipe pluridisciplinaire.

La réduction de l’espérance de vie des patients ayant un PXE est subordonnée aux risques d’infarctus du myocarde, et d’hémorragies digestives (elles peuvent être massives).

Il est également fondamental d’effectuer un dépistage familial, et de recourir au conseil génétique avant d’envisager une grossesse.

Enfin, il faut éviter la pratique des sports pouvant causer des traumatismes (sports de combat notamment).

Bibliographie

1- Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed. Elsevier Masson 2017. Fitzpatrick TB. Atlas en couleurs de Dermatologie clinique. Ed. Flammarion Médecine-Sciences 2007.
2- Mallory Bayliss S, Bree A, Chern P. Dermatologie pédiatrique. Ed. Elsevier 2008.
3- Michel JL, Thuret G. Œil et peau. Encyclopédie Médico-chirurgicale. Dermatologie 2006 ; 98-862-A-10.
4- Germain D. Pseudo-xanthome élastique. http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=758.
5-Trélohan A, Martin L, Milea D, Bonicel P, Ebran JM. Lésions rétiniennes dans le pseudo-xanthome élastique : 51 patients. Journal Français d’ophtalmologie 2011 ; 34 : 456-467.


Dr Pierre Francès, médecin généraliste, 1 rue Saint Jean-Baptiste, 66650 Banyuls-sur-Mer, Jean-Eudes Trihan, angiologie. Service de Médecine vasculaire. CHU de Nîmes Laureline Lancel, interne en médecine générale, Montpellier

Source : lequotidiendumedecin.fr