Les fibromes ou leio-myomes sont des tumeurs bénignes encapsulées constituées de fibres musculaires lisses. Ils sont isolés ou multiples et peuvent être interstitiels, sous- séreux ou sous- muqueux, sessiles ou pédiculés. Ils sont habituellement corporéaux et rarement à localisation cervicale. Leur dimension peut aller d’un grain de riz à celle d’un utérus à terme.
Ces tumeurs sont hormono-dépendantes, se réduisent après la ménopause et subissent relativement souvent une augmentation de volume en début de grossesse.
Chaque fibrome se développe à partir d’une seule cellule (caractère monoclonal). Dans 50% des cas on a observé une aberration chromosomique dans leurs cellules. Il existe une franche prédisposition familiale. Chez la femme noire, ils se développent plus tôt et sont souvent de grande dimension.
Les fibromes sont la plus fréquente des tumeurs de l’appareil génital féminin, une des causes les plus importantes de consultation des femmes en âge de procréer et une des indications majeures d’hystérectomie.
L’EXAMEN CLINIQUE (1,2,3)
Les pesanteurs, tiraillements pelviens ou lombo-sacrés sont une cause fréquente de la découverte. Mais ils sont très souvent asymptomatiques et leur constatation au cours d’un examen de routine doit être annoncée comme étant d’une grande banalité et n’impliquant de traitement que s’ils se compliquaient, ce qui est imprévisible. Il n’y a pas un seul médecin qui n’en ait vu au cours de ses études ou eu affaire aux problèmes thérapeutiques qu’ils peuvent poser.
L’examen d’une femme atteinte de fibrome peut être varié. Mais disons simplement que cet examen peut être typique : masse arrondie, ferme faisant corps avec l’utérus, mobilisable avec lui et indolore ou, quand ils sont multiples, sensation de sac de noix. Le doute peut naître avec une masse annexielle quand il est sous séreux pédiculé. Parfois le pelvis est à peine modifié.
LES EXAMENS PARA-CLINIQUES
-› L’échographie a désormais quasi entièrement pris la place de l’hystérographie. On ne peut plus s’en passer car elle informe non seulement sur le ou les fibromes mais aussi sur les anomalies ou lésions associées de l’endomètre (souvent difficile à mesurer quand la cavité subit une distorsion) et ainsi que des annexes (hydrosalpinx ou kyste de l’ovaire principalement). Le doppler confirme le diagnostic en montrant un encorbellement caractéristique du fibrome par un vaisseau.
Un autre avantage de l’échographie est la possibilité qu’elle offre de montrer l’existence d’une adénomyose associée, dont la fréquence est estimée très diversement dans la littérature (entre 5,6 à 32 %) à moins qu’elle ne réfute le diagnostic de fibrome au profit de celui d’adénomyome isolée. Enfin, bien entendu, elle écarte toute erreur avec une grossesse débutante. L’infusion de liquide lors de l’échographie améliore les informations sur les lésions intracavitaires alors bien dessinées.
-› L’hystérographie conserve néanmoins l’avantage de préciser l’état des trompes en même temps que le degré d’altération de la cavité utérine.
-› L’hystéroscopie a une grand valeur diagnostique : état de l’endomètre, polypes, myomes sous muqueux (et leur degré de pénétration dans la cavité), association éventuelle d’une adénomyose, et une valeur thérapeutique devant certaines de ces lésions.
-› L’IRM peut, en premier lieu, confirmer ou infirmer l’existence d’une adénomyose associée Marshburn (4). Elle permet le diagnostic d’une endométriose externe associée de fréquence variable et éventuellement, mais non constamment, après injection de gadolinium d’évoquer la rare transformation sarcomateuse. Malheureusement, et cela doit être gardé en mémoire, cette distinction entre fibrome bénin et sarcome n’est pas toujours possible, et ce dernier diagnostic doit toujours être évoqué lorsque les métrorragies des fibromes résistent au traitement médical.
-› L’urographie est utile dans le cas des fibromes à extension latérale ou isthmique pour étudier une dilatation urétérale et du bassinet.
-› Le scanner pelvien ne semble pas apporter d’informations originales.
-› Les frottis vaginaux indispensables pour choisir l’éventuel type d’hystérectomie
-› Le bilan général et veineux et l’interrogatoire familial à la recherche d’une thrombophilie doit achever les explorations.
En conclusion, devant un fibrome diagnostiqué par la seule clinique (type hémorragies répétées) ou même s’il est asymptomatique, dès lors qu’il est volumineux, il est de bonne pratique clinique de demander une échographie très attentive avant de repousser une éventuelle intervention et de suivre attentivement l’évolution des troubles éventuels. En particulier, s’ils étaient perturbés, la numération globulaire et le fer sérique doivent revenir assez rapidement à la normale sous traitement. Le risque de sarcome ne devant pas être minimisé malgré sa rareté.
L’EVOLUTION DES FIBROMES
Elle est loin d’être facilement prévisible. On peut admettre qu’une femme de plus de 45 ans, dont les fibromes sont restés pauci ou asymptomatiques, court peu de risques de souffrir des complications sérieuses (sauf cas exceptionnels).
On a pu aussi observer une évolution très tranchée après la ménopause. Certaines femmes dont les fibromes étaient particulièrement volumineux, ont vu leur utérus retrouver des dimensions normales, tandis que chez d’autres les fibromes ont gardé leur volume à peu de choses près malgré la cessation des sécrétions ovariennes. Dans les deux cas la tolérance à ces fibromes était excellente.
LES COMPLICATIONS
-› L’augmentation de volume des fibromes peut conduire à la survenue de rétention d’urines ou de difficulté d’exonération intestinale. Paradoxalement, certains fibromes très volumineux laissent persister une activité normale des viscères pelviens, inversement il faut penser à la rare mais sérieuse compression d’un uretère surtout lorsqu’ils se développent latéralement.
-› Les ménorragies (règles prolongées et abondantes) sont la forme habituelle des hémorragies provoquées par les fibromes. Elles sont parfois d’une abondance et d’une brutalité extrême. Elles connaissent plusieurs sortes d’explications : - hyperplasie endométriale, au contraire atrophie de l’endomètre, perturbation des contractions du muscle utérin qui ont normalement une fonction hémostatique. Elles sont très fréquentes en cas de myomes sous- muqueux.
-› Les douleurs, souvent d’apparition inopinée, peuvent être provoquées par une torsion d’un fibrome sous- séreux ou par une nécrobiose aseptique habituellement fébrile exigeant une intervention.
-› Quant à l’infection d’un fibrome le plus souvent sous muqueux elle n’est pas fréquente.
Les fibromes peuvent compliquer sévèrement l’évolution d’une grossesse mais sont le plus souvent remarquablement tolérés ; la nécrobiose aseptique très douloureuse est également une des complications –non chirurgicale- à craindre. Elle se résoudra le plus souvent grâce aux antibiotiques et aux corticoïdes.
LA CONDUITE A TENIR
La symptomatologie des fibromes étant protéiforme, les indications thérapeutiques ne sont pas toujours faciles à poser (5). Les poser correctement est un des défis auquel tous les gynécologues sont confrontés.
L’abstention thérapeutique
Sous surveillance, l’abstention thérapeutique est de mise devant des fibromes asymptomatiques, s’ils ne risquent pas d’écraser l’uretère.
Le traitement médical
Il peut permettre de passer un cap ou sera au contraire de très longue durée. Il est conseillé principalement, comme l’indiquent les Brun (1) dans le cas de « fibromes hémorragiques de volume <10cm de diamètre chez des femmes non trop éloignées de la ménopause »
-› Les progestatifs. Une notion est essentielle, ils peuvent agir en corrigeant un déséquilibre lutéal et les durées de traitement trop souvent proposées (16-25è jour ou 15è-25è jour du cycle) n’ont aucune justification physiologique, la durée minimale est donc de 12 jour soit du 14è au 25è jour. Il est cependant préférable de l’allonger à 20 jours /cycle (5è-24ème) car on obtient alors une franche réduction du développement folliculaire et donc de la sécrétion d’oestrogènes grâce à laquelle l’hyperplasie endométriale peut se corriger. La réduction du volume des fibromes obtenue est toujours modeste et ne peut être considérée comme un des objectifs du traitement qui vise seulement à réduire les pertes sanguines.
La posologie journalière est de 1 comprimé par jour (nomegestrol ac (Lutenyl®) promegestone (Surgestone®) ou retroprogesterone (Duphaston®)) celle-ci n’est pas antigonadotrope et ne peut que corriger l’insuffisance lutéale ( 1 ou 2 comprimés du 14-25èjour). Il faut rappeler que la medroxyprogestérone a un effet paradoxal de multiplication des mitoses dans les fibromes et qu’elle doit être évitée (Tiltman(6) ).
-› Les agonistes de la GnRH ont fait naître de grands espoirs dont certains sont confirmés ; ils restent une arme puissante en cas d’hémorragies ou lorsque l’intervention est contre-indiquée. La franche hypoestrogénie obtenue conduit à une réduction de volume de l’utérus lui-même et à un moindre degré des fibromes, maximale au 3ème mois. Lorsque le traitement est interrompu, la masse utérine retrouve son volume initial, d’où les trois propositions :
- il est indispensable d’éviter la stimulation folliculaire (le flare-up) qui précède la désensibilisation hypophysaire, en injectant l’analogue de la GnRH -sous une forme retard- en phase lutéale après l’ovulation ;
- il est raisonnable de prévoir une durée de 6 mois, et d’annoncer les effets déplaisants de la pseudo ménopause ou de les réduire par une petite dose d’oestroprogestatifs (c’est l’add-back therapy : la meilleure addition n’est pas définie : une pression de gel d’estradiol (par exemple 0.5mg/j)+ un comprimé d’un progestatif, 15 jours par mois semble une solution valable) ;
- de faire suivre ce traitement part une administration de progestatifs, lorsque l’indication était la répétition d’hémorragies. Curieusement ici il est préférable d’interrompre 5/6 jours par mois leur prise.
Ce traitement efficace mais coûteux, est surtout justifié par le désir de la femme d’éviter tout geste invasif. Il permet, dans certains cas, surtout en période préménopausique, d’éviter une hystérectomie. Il peut aussi la faciliter permettant parfois d’utiliser la voie vaginale grâce à une réduction de la masse utérine. Il a également été montré qu’il réduit le risque de récidive après myomectomie (7).
On comprend que ce choix doive être réfléchi et choisi dans une coopération médecin-malade.
-› Le système intrauterin au levonorgestrel. L’étude de Gunes (8) a montré son efficacité lorsque le volume du fibrome était < 4 cm de diamètre, les ménorrhagies ont été réduites et le taux d’hémoglobine s’est élevé. Cette solution devrait donc être toujours envisagée. Il faut reconnaître que le traitement des hémorragies quand elles sont abondantes et prolongées est souvent difficile si l’on exclut le cas des lésions intracavitaires décelées par l’échographie et qui indiquent un geste de chirurgie hystéroscopique.
-› L’administration des hémostatiques (acide tranexamique, Exacyl®) et des AINS est de routine. Mais l’injection naguère classique de fortes doses d’estrogènes est plutôt abandonnée. Selon les moyens disponibles et les particularités de la patiente, on pourra donc recourir aux agonistes de la GnRH, au SIU au lévonorgestrel, au curetage hémostatique ou à des moyens plus radicaux.
-› L’embolisation thérapeutique a pris une place de plus en plus grande dans ces cas. Elle est fortement conseillée par certains tandis que d’autres gardent une attitude de prudente expectative attendant des études comparatives avec la chirurgie. Elle est contre-indiquée si la femme garde un désir d’enfant ou si elle refuse toute idée d’hystérectomie de nécessité(4).
Le traitement chirurgical
Blanc et Boubli (2) écrivent : il « est réservé aux fibromes compliqués : hémorragies rebelles au traitement médical, torsion d’un fibrome sous-séreux pédiculé, fibromes intracavitaires hémorragiques ou infectés, inclus dans le ligament large avec compression de l’uretère, volumineux ou augmentant rapidement de volume, associé à une lésion gynécologique » (9, 10).
Cette excellente liste mérite un commentaire : certaines femmes dont les fibromes sont réellement volumineux mais sans troubles fonctionnels ou signes de compression dangereuse résistent à l’idée de l’intervention. Leur choix est parfois confirmé par une évolution très favorable. Il faut savoir leur montrer la nécessité d’une surveillance prolongée sans les culpabiliser ou les inquiéter autre mesure.
-› L’hystérectomie peut être totale ou subtotale (nécessité d’une étude attentive du col et de frottis récents avant de choisir cette solution). Elle peut s’accompagner d’une ablation ou de conservation des ovaires et ce choix est très difficile car on doit peser le risque démontré d’une pathologie athéromateuse prématurée souvent sévère, contre celui de la survenue d’un cancer de l’ovaire particulièrement grave mais rare. L’aspect per-opératoire des ovaires peut faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.
Deux autres points doivent être discutés avec la patiente ou le couple :
- L’absence de perturbation de la vie sexuelle et souvent même son amélioration quand les ovaires sont conservés.
- le risque d’une incontinence post opératoire surtout s’il existait un prolapsus plus ou moins apparent (d’où l’utilité d’un bilan uro-dynamique pré-opératoire).
-› Les myomectomies. Blanc et Boubli écrivent encore : « dans la mesure du possible il faut préférer la myomectomie à l’hystérectomie ». Le nombre des noyaux à enlever ne doit pas cependant être excessif. Les complications ne sont pas exceptionnelles en particulier celles d’adhérences susceptibles de favoriser une occlusion dans les années qui suivent même si la voie est laparoscopique. Des études sont en cours sur l’utilisation de méthodes permettant d’en réduire la fréquence. Le risque est à la récidive si la femme est jeune (nécessité d’une réintervention dans 2.5% des cas)
Le danger des phlébite et d’embolie après ces interventions est bien connu et les traitements prophylactiques toujours utilisés.
-› La chirurgie hystéroscopique est indiquée et réglée : la résection étant possible devant tout polype et les myomes lorsque leur grand diamètre se trouve dans la cavité et non dans le myomètre. Les avantages de la résection endométriale outre la suppression des saignements pourraient aussi être de supprimer l’action de facteurs de croissance sécrétés par l’endomètre d’où une moindre activité des cellules des fibromes.
CONCLUSION
Malgré leur extrême fréquence et la banalité de leurs symptômes, les fibromes sont représentatifs des difficultés de la médecine actuelle. Qu’ils soient symptomatiques ou asymptomatiques, ils peuvent exiger la réalisation d’une batterie très coûteuse d’examens par le spécialiste s’il ne veut pas risquer des poursuites judiciaires. D’autre part, l’émiettement des symptômes et des tableaux pathologiques oblige à décider, sans disposer de critères absolument déterminants, de la stratégie qui serait le mieux adaptée au cas de la patiente, parmi de très nombreuses options thérapeutiques. En d’autres termes, cela revient à demander à la patiente, souvent démunie parce que profane, de décider elle même de la modalité qui lui paraît soit la moins risquée, soit la moins désagréable.En attendant, les progrès se font dans tous les sens et l’espoir approche d’un traitement plus efficace à partir d’un arbre de décision clarifié.
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