1- Les raisons du rebond
Ces derniers mois ont été le témoin d’une résurgence des infections respiratoires (et notamment des pneumopathies) à Mycoplasma pneumoniae (Mp) en France et plus largement en Europe, ainsi qu’en Asie du Sud-Est.
Selon la Haute Autorité de santé, cette augmentation inhabituelle des infections respiratoires à Mp pourrait relever de la conjonction de la levée des mesures de contrôle après la pandémie de Covid-19 et d’un cycle épidémique. Le caractère non immunisant après une infection et la circulation de génotypes différents expliquent en effet la survenue de poussées épidémiques cycliques. En France, une poussée épidémique a notamment été observée en 2010-2011.
Mp est une bactérie « atypique », strictement humaine, qui se transmet par fines gouttelettes lors de contacts rapprochés avec des personnes symptomatiques après une période d’incubation de 1 à 3 semaines. Elle atteint essentiellement une population jeune avec un pic d’incidence observé entre 4 et 15 ans mais peut concerner toutes les tranches d’âge.
2- Deux situations qui doivent faire évoquer le mycoplasme
La grande majorité des infections à Mp sont bénignes et se limitent à des atteintes respiratoires hautes à type de trachéobronchites avec symptômes de la sphère ORL de résolution spontanée. Des infections respiratoires basses peuvent aussi être observées, Mp étant le deuxième agent, après le pneumocoque, impliqué dans les pneumopathies aiguës communautaires bactériennes.
Le diagnostic de pneumopathie à Mp doit être évoqué devant :
> une pneumopathie aiguë communautaire avec échec d’une antibiothérapie par amoxicilline ou amoxicilline-acide clavulanique à 48h-72h ;
> un tableau de pneumopathie aiguë communautaire d’installation progressive parfois accompagnée de signes extra-respiratoires.
Généralement, on observe une toux d’installation progressive plus ou moins associée à un syndrome fébrile. La toux inaugurale est sèche et devient productive en s’étalant sur 3 à 4 semaines. Les signes respiratoires sont discrets et il y a peu d’altération de l’état général. Toutefois, des cas d’exacerbation d’asthme ont été rapportés chez certains enfants avec des sibilants à l’auscultation.
Les manifestations extra-respiratoires sont présentes dans près d’un quart des cas. Parmi les signes les plus fréquents : des myalgies, une cytolyse hépatique ou encore des éruptions cutanées maculo-papulaires. Il s’agit de manifestations auto-immunes et/ou de lésions infectieuses directes.
L’existence de cas groupés est également évocatrice (collectivités, écoles, famille, armée…).
3- Quels examens pour étayer le diagnostic ?
En cas de suspicion clinique forte d’infection à Mp, la radiographie thoracique de face a toute sa place afin d’étayer le diagnostic et pour éliminer les complications éventuelles (épanchement pleural, abcès). Les anomalies radiographiques peuvent varier d’un patient à l’autre : syndrome interstitiel diffus, bilatéral, mais aussi opacité systématisée, segmentaire ou lobaire. Elles sont inconstantes et peuvent être d’apparition retardée.
La confirmation biologique précoce du diagnostic d’infection à Mp se fait si besoin par PCR sur prélèvement nasopharyngé, souvent intégrée aux kits de PCR multiplex en milieu hospitalier. La PCR est disponible en laboratoire de ville mais non prise en charge par l’Assurance-maladie. Ce qui peut expliquer qu’elle n’a pas sa place dans la stratégie diagnostique ambulatoire actuelle.
Les tests sérologiques, qui permettent un diagnostic uniquement rétrospectif, sont peu utiles à la prise en charge initiale et ne sont pas indiqués en ambulatoire.
Des prélèvements sanguins recherchant le degré d’inflammation biologique peuvent également aider au diagnostic. CRP et PCT sont en règle générale peu élevées, à l’inverse des infections à pneumocoque.
Les investigations complémentaires dépendent de la gravité de la pneumonie et ne doivent pas retarder la mise en route d’un traitement probabiliste.
4- Prescrire l’antibiothérapie probabiliste
En cas de tableau fortement évocateur de pneumopathie à Mp, une antibiothérapie probabiliste par macrolides doit être débutée sans attendre les résultats de la radiographie de thorax :
> Clarithromycine à raison de 15 mg/kg/j pendant 5 jours chez l’enfant jusqu’à 60 kg ou 500 mg 2 fois/j pendant 5 jours chez l’adulte.
> Azithromycine à raison de 20 mg/kg/j pendant 3 jours chez l’enfant jusqu’à 25 kg ou 500 mg/j en une prise pendant 3 jours chez l’enfant de plus de 25 kg ou 500 mg/j en une prise à J1 puis 250 mg/j de J2 à J5 chez l’adulte.
En revanche, sans élément d’orientation clinique probant, au vu de la situation épidémique actuelle, devant toute suspicion de pneumopathie bactérienne franche lobaire aiguë, le traitement de première intention reste les bêta-lactamines (amoxicilline +/- acide clavulanique selon les indications). Une réévaluation clinique est systématique à 48-72 heures. La persistance d’un syndrome fébrile justifie dans ce cas un switch par macrolides et la réalisation d’examens complémentaires éventuels (biologie, radiographie thoracique, PCR).
En cas de problème d’approvisionnement en clarithromycine ou azithromycine, prescription possible de roxithromycine (chez l’enfant et l’adulte) ou de spiramycine (chez l’adulte). En cas d’allergie ou de contre-indication aux macrolides, prescription possible de pristinamycine ou doxycycline (enfant et adulte).
5- Quel risque de complications ?
L’évolution d’une pneumopathie à Mp est, dans la très grande majorité des cas, favorable avec amélioration clinique dès les premiers jours de traitement. La toux peut perdurer 3 à 4 semaines.
Un échec thérapeutique des macrolides dans les 48 à 72 h doit amener le patient à être réévalué.
Plusieurs complications ont été décrites au cours de pneumonies à Mp.
Les complications pulmonaires regroupent des exacerbations de maladies respiratoires chroniques préexistantes, des pneumopathies hypoxémiantes ou encore des pleurésies.
Sur le plan extra-respiratoire, ont été décrites : des affections cutanées (syndrome de Stevens-Johnson, érythème polymorphe) , des atteintes neurologique (encéphalites, méningites aseptiques ou encore syndrome de Guillain-Barré) ; des anémies hémolytiques liées à la présence d’agglutinines froides, des thrombopénies ; des arthrites, notamment chez les patients immunodéprimés ; des atteintes du muscle cardiaque : myocardites, péricardites, endocardites, et des pathologies pancréatiques ou rénales.
Si ces manifestations surviennent de manière isolée, le diagnostic étiologique d’infection à Mp est plus difficile.
Les indications d’hospitalisation sont les mêmes que celles d’une pneumopathie aiguë communautaire.
Dr Marie Champel, médecin généraliste à Saint-Germain-en-Laye
Bibliographie
[1] HAS. Réponse rapide sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique des pneumonies à Mycoplasma pneumoniae en ambulatoire chez l’enfant et chez l’adulte. In : Recommander les bonnes pratiques [En ligne] ; 21 décembre 2023.
[2] Infovac – France, Cohen R., Launay O., Thollot F., Hau I. Mise au point sur les infections à Mycoplasma pneumoniae. Bulletin supplémentaire n° 11 ; novembre 2023.
[3] Société française de microbiologie, Pereyre S., Bebear C. Item 86. Infections broncho-pulmonaires du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte.
[4] Société française de pédiatrie, Pr. Linglart A. Infections respiratoires à Mycoplasma pneumoniae. Communiqué de la SFP, 13 décembre 2023.
[5] Santé publique France. Infections à Mycoplasma pneumoniae en France : point de situation au 19 décembre 2023.
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique