Mireille, 66 ans, a décidé de changer de généraliste suite à une discussion mal vécue sur son éventuelle alcoolisation. Elle explique avoir des difficultés à mobiliser ses membres supérieurs, ce que notre confrère avait rattaché à une consommation d’alcool. Mireille nous explique vivre très mal l’augmentation de volume de ses bras depuis deux ans. Elle trouve difficilement de de quoi se vêtir.
à l'examen, nous constatons une infiltration sous-cutanée importante adipeuse au niveau de ses bras et à la base de son cou (clichés). Son dernier bilan biologique objective des signes en faveur d’une consommation alcoolique : GGT à 548 UI/l (N entre 5 et 25), CDT à 49 UI/l (N inférieure à 25), TGO à 180 UI/l (N entre 5 et 35), et TGP à 72 UI/l (N entre 5 et 35), un VGM à 105 µ3 (N entre 80 et 95). Le reste de son bilan biologique est normal.
Compte tenu des éléments cliniques et biologiques, nous pouvons dire que cette patiente est porteuse d’une maladie de Launois-Bensaude.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Cette pathologie a été décrite pour la première fois en 1888 par Madelung. Il avait observé l’existence d’un « collier » cervical adipeux qu’il a rattaché à cette pathologie.
En 1898, Launois et Bensaude décrivent cette entité qu'ils nomment adénolipomatose symétrique. L’incidence de cette lipodystrophie est de 1/25 000. Plus fréquente sur le pourtour méditerranéen, elle survient entre 30 et 60 ans, avec une nette prédominance masculine.
► Entre 60 et 90 % des cas, le patient présente une intoxication alcoolique, et parfois une hépatopathie, un diabète de type 2 ou une hyperuricémie.
Des formes génétiques existent, à mettre en relation avec une transmission autosomique dominante à pénétrance variable.
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES
La MLB débute de manière assez rapide (sur plusieurs années). Au départ, des formations graisseuses se développent, en donnant des îlots adipeux. Ensuite, les lésions deviennent stables, et peuvent exceptionnellement régresser.
► Classiquement, une tétrade est observée à la phase d’état avec : la présence d’un lipome, une atteinte symétrique, la diffusion de cette entité, une prédominance cervico-brachiale. Dans la MLB, il n’existe pas de bordure au niveau des formations lipomateuses, ce qui les différencie des lipomes classiques. On peut toutefois observer des bordures qui sont en fait des compressions du périmysium ou du tissu conjonctif. Un érythème ou des télangiectasies peuvent être mis en évidence au niveau de la surface cutanée.
► Deux types de lipodystrophies existent suivant la classification d’Enzi :
– Le type 1, avec des masses adipeuses en profondeur, et une possibilité de compression des organes du voisinage (syndrome cave dans le cas d’une proximité avec le médiastin). Ces masses graisseuses sont observées au niveau de la région cervicale, sus-claviculaire, et deltoïdienne. Le plus souvent, elles sont saillantes, à la surface de la peau.
– Le type 2, moins limité, se rencontre au niveau de l’abdomen et de la racine des membres. Il prend l’aspect d’une obésité commune.
LE DIAGNOSTIC
Il reste avant tout clinique. Le bilan biologique permet de repérer les stigmates d’une alcoolisation importante, d’un diabète. Le plus souvent ,le bilan lipidique reste normal.
Le recours à la tomodensitométrie ou l’IRM peut déterminer une éventuelle compression. De ce fait, il peut être conditionné à un éventuel traitement chirurgical.
► L’examen anatomopathologique n’est pas utile. Par contre lors de la réalisation d’un geste chirurgical, cette analyse reste impérative.
► L’histologie objective la présence d’un tissu adipeux circonscrit par des cloisons fibreuses épaisses. On retrouve de nombreux adipocytes de petite taille.
LE TRAITEMENT
► Il repose sur la chirurgie, qui s’impose dans le cas d’une compression d’un organe du voisinage. Cependant, du fait de l’importance des masses lipomateuses, l’exérèse complète reste difficile. En conséquence, les récidives sont très fréquentes (entre 0 et 25 % des cas) ; plus que dans la chirurgie des lipomes classiques.
Possible également, la lipoaspiration est moins préjudiciable au niveau esthétique que la chirurgie. Mais elle ne s'applique qu'aux masses plus isolées.
► L’abstention thérapeutique est également possible pour des formes non compressives, avec des réserves sur son efficacité à long terme.
► L’arrêt de l'alcool au décours d’une prise en charge de cette pathologie aura un effet bénéfique au niveau chirurgical (moins de chance de récidive). Par contre, cela n’aura aucun impact sur la modification de volume des masses présentes.
Bibliographie
1- Pauchot J, Golay A, Gumener R, Montandon D, Pittet B. La maladie de Launois-Bensaude : description, prise en charge.
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3- Tschopp MB, Meyer O, Golay A. Maladie de Launois-Bensaude : une lipomatose cervico-faciale rare.
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