Dermatologie

LA LEUCONYCHIE SUBTOTALE

Publié le 03/05/2021
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La leuconychie subtotale est une anomalie chromatique fréquente des ongles, le plus souvent en rapport avec une hépatopathie. Cliniquement, il existe une coloration blanche de la tablette unguéale avec une fine bande plus foncée au niveau distal. Le traitement est avant tout celui de la pathologie responsable.

Crédit photo : Dr Frances

Bogdan, un ouvrier du BTP de 52 ans, consulte en raison d’une douleur cervicale secondaire à une hernie. En parallèle, il explique avoir un problème d’anorexie et de dyspepsie. Cliniquement, nous relevons une hépatomégalie, ainsi que l’existence d’une leuconychie (coloration blanche de la tablette unguéale) de ses ongles. Nous prescrivons un bilan sanguin, et demandons à ce patient de revenir consulter avec ses résultats d’examen. À notre surprise, nous constatons un bilan hépatique fortement perturbé : ASAT à 189 UI/l (normale inférieure à 40), ALAT à 178 UI/l (normale inférieure à 40), γGT à 346 UI/l (normale entre 20 et 60), et phosphatases alcalines à 193 UI/l (entre 40 et 100). Compte tenu de ces résultats biologiques et suite à l’examen clinique, nous réinterrogeons le patient, qui reconnaît avoir une importante appétence pour les boissons alcoolisées (plus de 1,5 l par jour).Nous avons poursuivi les examens paracliniques avec un gastro-entérologue pour diagnostiquer une cirrhose. La leuconychie observée est en relation avec la cirrhose du patient.

INTRODUCTION
La leuconychie se caractérise par la coloration blanche des ongles. Cette coloration est due à la réflexion de la lumière au niveau de la tablette unguéale.
Cette anomalie a été décrite pour la première fois au 19e siècle par Unna, qui avait distingué trois catégories : les leuconychies ponctuées, les leuconychies totales et les leuconychies striata. En 1918, Parkes Weber a introduit dans cette classification une 4e catégorie : les leuconychies partielles.
Plusieurs anomalies structurelles sont observées en cas de leuconychie :
 • Des anomalies concernant la kératine. Dans la leuconychie, il existe une kératohyalinose granuleuse (elle favorise une dissociation des cornéocytes), et une agrégation en paquet de la kératine qui est mal répartie.
 • La présence de vacuoles claires au niveau du cytoplasme des cellules de la matrice unguéale.
→ La leuconychie subtotale Fréquente au sein de la population, elle a été décrite pour la première fois par Terry en 1954 chez des sujets porteurs d’une insuffisance hépatocellulaire sévère. D’ailleurs, les dermatologues donnent souvent à ce type de leuconychie le nom d’ongles de Terry. À l’origine de cette anomalie chromatique, il existe une réduction assez importante du flux sanguin. Cette réduction du flux est liée à la présence de synéchies entre le tissu conjonctif de la tablette unguéale et les structures osseuses en regard.
Plusieurs facteurs sont responsables de ce type de leuconychie : la cirrhose (84 % des anomalies observées), le diabète de type 2 et l’insuffisance cardiaque congestive.

SYMPTOMATOLOGIE
Il existe une coloration blanche très prononcée (couleur porcelaine) de la tablette unguéale.
Cependant, au niveau de la partie distale de l’ongle (zone de l’hyponychium), une bande plus foncée dont la largeur varie entre 0,5 et 3 mm (cliché 1, flèche rouge) est observée.
C’est la raison qui a conduit les dermatologues à considérer cette anomalie chromatique comme une leuconychie subtotale.
Par ailleurs, les ongles de Terry sont observés sur l’ensemble des ongles des patients atteints.
→ Les diagnostics différentiels Ce sont les leuconychies totales qui sont des formes héréditaires. Ce type de leuconychie touche plusieurs membres d’une même famille. Elle est le plus souvent polydactylique, et contrairement aux leuconychies subtotales, on ne met pas en évidence de bande plus foncée au niveau de l’hyponychium. Il existe de nombreux tableaux décrits, mais deux doivent attirer l’attention car ce sont les plus fréquents :
 • la forme en rapport avec une anomalie génétique concernant le chromosome 12q13, qui est transmissible suivant un mode autosomique dominant,
 • la forme secondaire à une mutation génétique concernant le chromosome 3p22 et qui est à l’origine du codage de la phospholipase C delta 1 (PLCD1). Cette forme est transmissible suivant un mode dominant (le plus souvent), mais aussi dans certains cas suivant un mode récessif.

TRAITEMENT
Il repose sur la prise en charge initiale de la pathologie en rapport avec cette leuconychie.
La leuconychie subtotale peut disparaître dès lors qu’un traitement adéquat des facteurs responsables de cette anomalie chromatique s’avère effectif.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Thomas Cavailhès (interne en médecine générale à Montpellier), Chloé Liger et Chloé Lebreton (externes à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Pakornphadungist K, Suchonwanit P, Sriphojanart T. Hereditary leukonychia Totalis: A case report and review of the literature. Case Reports in Dermatology 2018; 10: 82-88.
2. Baran R, De Berker DAR, Holzberg M, et al. Baran and Dawber’s Diseases of the nails and their management. Ed. Wiley-Blackwell 2019.
3. Scher RK, Daniel CR. Onychologie. Diagnostic. Traitement. Chirurgie. Ed. Elsevier 2007.


Source : lequotidiendumedecin.fr