Ludovic.G., 12 ans, 1,55 m, 58 kg, se plaint d’une augmentation de volume de son sein gauche d’apparition progressive sur plusieurs mois. Inquiète, sa mère prend rapidement rendez-vous chez son médecin traitant. À l’examen, le sein gauche est effectivement plus volumineux que le sein droit, ferme et légèrement sensible. Aucune induration n’est palpable. Les premiers signes de puberté sont apparents : développement testiculaire au stade G2 de Tanner ; aucune pilosité pubienne. Le reste de l’examen est normal.
La gynécomastie se définit par l’hypertrophie du tissu mammaire chez l’homme. Ce symptôme est généralement bénin et transitoire mais suscite une inquiétude souvent importante chez l’adolescent et ses parents. Mais la gynécomastie peut révéler une pathologie sous-jacente, endocrinienne voire tumorale, ce qui justifie un examen clinique complet de l’enfant.
QUELLES ETIOLOGIES ?
-› L’augmentation de volume du tissu mammaire de l’homme est habituelle pendant la puberté et survient chez 30 à 50% des adolescents à l’âge pubertaire. Lorsqu’elle devient excessive, on parle de gynécomastie. La survenue d’une gynécomastie en cours de puberté s’explique par l’augmentation rapide des androgènes surrénaliens et un peu plus tard de la testostérone, qui ne pouvant se fixer rapidement sur des récepteurs cellulaires reste sous forme libre dans le sang et se dégrade (sous l’effet d’une enzyme, l’aromatase) en œstrogènes.
-› Lorsque la gynécomastie apparait en dehors de la période pubertaire, avant ou après, elle doit faire craindre une forme secondaire et justifie un examen clinique soigneux et des explorations biologiques. On ne doit jamais retenir le diagnostic de gynécomastie péri-pubertaire dans ces circonstances. Ces gynécomasties pré- ou post-pubertaires peuvent être parfois révélatrices d’une atteinte sous-jacente comme une insuffisance rénale ou hépatique, un dysfonctionnement endocrinien (hypogonadisme) ou une tumeur maligne (tumeur des testicules, de l’hypophyse...). Rarement, la gynécomastie est confondue avec le cancer du sein. Ce dernier est asymétrique, dur et le plus souvent fixé au derme ou au fascia.
De nombreux médicaments peuvent être à l’origine d’une gynécomastie. Parmi eux, la digitaline, la spironolactone, la cimétidine… (Voir tableau 1). Certaines substances comme la marijuana sont des causes relativement fréquentes de gynécomastie.
ÉLÉMENTS DIAGNOSTIQUES
L’examen clinique est primordial. La palpation des seins et celle des testicules en sont les 2 éléments majeurs.
-› La palpation des seins confirme l’augmentation de la glande mammaire. La tuméfaction sera unie ou bilatérale, correspondant à un minime soulèvement mamelonnaire ou un petit sein féminin. Il faut savoir différencier la gynécomastie de l’adipomastie, simple dépôt graisseux bilatéral retrouvé en cas de surcharge pondérale.
-› Une gynécomastie est fréquente au cours de la première année de la puberté et elle est le plus souvent transitoire. Elle est unie ou bilatérale et parfois sensible (3). La masse est ferme, centrée sur l’aréole et mobile. Il n’y a alors aucune adénopathie satellite, ni aucun écoulement mamelonnaire. Elle régresse spontanément 9 fois sur 10 (4) en six mois à un an. L’examen clinique vérifie le stade pubertaire, la normalité des testicules. C’est la gynécomastie physiologique de la puberté que présente Ludovic.
-› On recherchera également une éventuelle malformation, une cryptorchidie ou une hypotrophie testiculaire. L’association d’une grande taille et d’une hypotrophie testiculaire doit faire évoquer une anomalie chromosomique, le syndrome de Klinefelter (XXY)
-› Les examens complémentaires sont le plus généralement inutiles. Une échographie mammaire ou une mammographie sera exceptionnellement demandée et seulement en cas de doute diagnostique. Même chose pour l’échographie testiculaire.
-›À l’inverse, la survenue d’une gynécomastie en dehors de la période pubertaire impose, outre l’examen clinique des testicules, un dosage systématique de prolactine, de bêta hCG et d’alpha fœto protéine sanguine. L’anormalité d’un de ces marqueurs biologiques conduit à poursuivre les explorations (échographie testiculaire et abdominale, IRM cérébrale).
-› Certains éléments cliniques peuvent également orienter vers d’autres causes : une cirrhose, une dysthyroïdie, une prise médicamenteuse anti aldostérone…
LE TRAITEMENT
Quoique souvent mal tolérée psychologiquement, aucun traitement spécifique n’est nécessaire dans la plupart des cas. En effet, la gynécomastie idiopathique régresse habituellement spontanément. L’important est d’expliquer à l’adolescent et à ses parents le mécanisme de survenue, la bénignité de l’affection et la régression spontanée dans la majorité des cas.
-› Quelques conseils simples peuvent être donnés comme éviter les chocs et les traumatismes, ou encore la pression du mamelon qui peut entretenir la gynécomastie.
Les formes importantes régressent très rarement et sont souvent très mal tolérées psychologiquement. Il ne faut alors pas hésiter à proposer une exérèse chirurgicale du tissu mammaire, qui peut être associée parfois à une liposuccion en cas d’adipomastie associée.
Un traitement local hormonal peut être proposé dans les formes modérées : dihydrotestostérone (Andractim*). Mais son efficacité reste bien souvent modeste.
-› Le traitement des gynécomasties organiques est causal. La régression survient généralement après l’arrêt d’un éventuel médicament impliqué ou le traitement de la maladie sous-jacente.
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