Réhabilitation vestibulaire via internet avec ou sans support physiothérapique chez des adultes âgés de 50 ans ou plus, atteints d’un syndrome vestibulaire chronique en soins primaires : un essai randomisé comparatif à trois bras. Internet based vestibular rehabilitation with and without physiotherapy support for adults aged 50 and older with a chronic vestibular syndrome in general practice: three-armed randomised controlled trial van Vugt VA, van der Wouden JC, Essery R, & al.BMJ 2019 ;367:l5922. http://dx.doi.org/10.1136/bmj.l5922
CONTEXTE
Selon les études épidémiologiques (1), la prévalence des différents types de vertiges (positionnels bénins, névrites vestibulaires, migraineux, de Ménière, malaises avec sensation d’étourdissement, « idiopathiques »), regroupés sous le vocable de syndrome vestibulaire, varie de 1 % à 8 % des consultations de médecine générale. Chaque année, environ 5 % des adultes en population générale souffrent de ces symptômes (2). Plus de 80 % des patients qui consultent sont exclusivement pris en charge en médecine générale et jamais référés à un autre spécialiste pour identifier une étiologie (3). Quand les mécanismes physiologiques de compensation sont insuffisants (4), ce syndrome peut évoluer et se transformer en syndrome vestibulaire chronique (SVC). Les exercices individuels de réhabilitation vestibulaire via internet (RVI) ont démontré leur efficacité dans le traitement des SVC (5). Cependant, moins de 10 % des médecins généralistes utilisent cette technique (6). Par ailleurs, un soutien physiothérapique par un professionnel de santé formé est également efficace pour réduire les symptômes d’anxiété généralement associés au SVC (7). Enfin, l’efficacité des médicaments dits « antivertigineux » est fortement sujette à caution dans cette pathologie (8).
OBJECTIFS
Comparer l’efficacité d’un programme standard de RVI, seul ou associé à un soutien physiothérapique personnalisé par un professionnel de santé (RVIP), au « traitement habituel » (usual care, UC) chez des adultes âgés de 50 ans ou plus souffrant d’un SVC.
MÉTHODE
Essai pragmatique en ouvert randomisé à trois bras conduit dans 59 cabinets de médecine générale néerlandais. Pour pallier l’absence inévitable de double aveugle dans ce design, le biostatisticien chargé des analyses était totalement en insu du groupe alloué. Après avoir donné leur consentement, les patients âgés de 50 ans ou plus atteints d’un SVC depuis au moins deux ans ont été randomisés :
• Dans un bras programme de RVI qui comprenait une connexion à un site dédié chaque semaine pendant six semaines (explications sur la pathologie + conseils + démonstrations des exercices), suivie de 6 exercices de réhabilitation d’une durée de 10 à 20 minutes à accomplir deux fois par jour.
• Dans un bras comprenant ce même programme standard de RVI, associé à une rencontre individuelle de soutien éducatif à domicile d’une durée de 45 minutes (aux semaines 1 et 3) avec un professionnel de santé formé au support psychothérapeutique à visée anxiolytique (groupe RVIP).
• Dans un bras « traitement habituel » (UC), au choix de l’investigateur sans aucune restriction.
Le critère de jugement principal était l’intensité des symptômes vestibulaires à 6 mois, mesurée avec l’échelle validée vertigo symptom scale short form (VSS-SF) qui évalue 15 symptômes et varie de 0 à 60 points. Sur cette échelle, un score ≥ 12 points caractérise un syndrome vestibulaire considéré comme sévère, et une différence minimale ≥3 points entre les groupes est considérée comme cliniquement pertinente (9). Les critères secondaires étaient le handicap perçu par le patient lié à ses vertiges, l’anxiété, les symptômes dépressifs et l’amélioration subjective des symptômes vestibulaires.
Le deux principales analyses ont comparé les résultats des groupes RVI et RVIP au groupe UC. Elles ont été faites en intention de traiter à l’aide d’un modèle linéaire à effet fixe ajusté sur l’âge, le genre, le niveau d’éducation, le statut marital, l’ancienneté du diagnostic, le nombre de comorbidités et la présence de divers troubles anxieux ou dépressifs.
RÉSULTATS
Entre juin 2017 et juillet 2018, 322 patients ont été randomisés : 98 dans le groupe RVI, 104 dans le groupe RVIP et 120 dans le groupe UC. Leurs caractéristiques à l’inclusion étaient similaires dans les 3 groupes : âge moyen = 67 ans, 61 % de femmes, 68 % en couple, diagnostic étiologique inconnu pour 66 % d’entre eux, 6 à 24 mois d’ancienneté du diagnostic = 29 %, et 2 à 10 ans d’ancienneté = 38 %.
À l’inclusion, le score VSS-SF (0-60) était de 14,1 points dans le groupe RVI, 13,8 dans le groupe RVIP et de 13,2 dans le groupe UC.
→ À six mois, la différence absolue ajustée sur le score VSS-SF était de -4,1 points (IC95 % = -5,9 ; -2,2) en faveur du groupe RVI vs UC, et de -3,5 points (IC95 % = -5,1 ; -1,9) en faveur du groupe RVIP vs UC. Ces différences cliniquement pertinentes étaient déjà mesurables à 3 mois et plus importantes dans une analyse per protocol pré-spécifiée n’ayant inclus que les patients ayant participé à la totalité de l’intervention allouée (ce qui n’est pas la vraie vie).
→ Les résultats étaient aussi en faveur des groupes RVI et RVIP vs UC sur tous les critères secondaires à l’exception des symptômes dépressifs. En particulier, l’amélioration subjective des symptômes a été déclarée par deux fois plus de patients dans les groupes RVI et RVIP que dans le groupe UC : OR ajusté = 2,2 ; IC95 % = 1,2-4,1 pour le groupe RVI, et OR ajusté = 2,1 ; IC 95 % = 1,2-3,8 pour le groupe RVIP. Il n’y a pas eu de différence entre les groupes en termes d’effets indésirables, y compris graves.
COMMENTAIRES
Comme souvent, les travaux menés par les généralistes chercheurs néerlandais sont rigoureux, de grande qualité méthodologique et les articles honnêtes et très détaillés. Cet essai randomisé très pointu, conçu et conduit par des généralistes persuadés depuis longtemps (4) qu’il est préférable de rééduquer les patients atteints de SVC plutôt que de leur prescrire des médicaments inefficaces, est une poutre supplémentaire qui étaye leurs convictions. Il démontre très solidement, mais avec une quantité d’effet limitée (4,1 points de différence vs UC pour RVI et 3,5 points pour RVIP pour une différence minimale efficace fixée à ≥ 3 points), que la réhabilitation vestibulaire télématique faite dans son fauteuil, à domicile, à son rythme, associée ou non à un soutien psychothérapeutique individuel en face-à-face est plus efficace que la prise en charge « usuelle ».
Par ailleurs, ces résultats confirment ceux d’un essai britannique (10) ayant évalué la même technique, avec un résultat statistiquement significatif, mais un bénéfice absolu sur le même critère principal de 2,3 points, soit inférieur à celui considéré comme cliniquement pertinent.
Bien que très séduisant, cet essai a quelques limites : seulement 10 % des patients invités ont accepté de participer (biais d’attrition). Par ailleurs, les patients inclus n’étaient pas tout à fait représentatifs des patients atteints de SVC aux Pays-Bas (11), ce qui nuit à la transposabilité des résultats dans la vraie vie. Enfin, l’article ne donne aucune information sur la nature de la prise en charge des patients inclus dans le groupe témoin, ce qui fait que personne ne sait précisément à quoi RVI et RVIP ont été comparés.
En pratique, ce joli travail devrait intéresser les autorités sanitaires et encourager l’Assurance maladie à impulser et rembourser ce type de programme thérapeutique via internet, plutôt que de prendre en charge des médicaments dont l’efficacité n’est pas solidement établie dans cette indication (8) et qui exposent à des effets indésirables réels ou perçus.
Bibliographie
1. Bösner S, Schwarm S, Grevenrath P, & al. Prevalence, etiologies and prognosis of the symptom dizziness in primary care - a systematic review. BMC Fam Pract 2018;19:33.
2. Neuhauser HK. The epidemiology of dizziness and vertigo. Handb Clin Neurol 2016;137:67-82.
3. Hanley K, O’ Dowd T. Symptoms of vertigo in general practice: a prospective study of diagnosis. Br J Gen Pract 2002;52:809-12.
4. van Vugt VA, van der Horst HE, Payne RA, & al. Chronic vertigo: treat with exercise, not drugs. BMJ 2017;358:j3727.
5. McDonnell MN, Hillier SL. Vestibular rehabilitation for unilateral peripheral vestibular dysfunction. Cochrane Database Syst Rev 2015;1:CD005397.
6. Jayarajan V, Rajenderkumar D. A survey of dizziness management in General Practice. J Laryngol Otol 2003;117:599-604.
7. Walker A, Kantaris X, Chambers M. Understanding therapeutic approaches to anxiety in vestibular rehabilitation: a qualitative study of specialist physiotherapists in the UK. Disabil Rehabil 2018;40:829-35.
8. Vanderkam P, Pouchain D, Boussageon R & al. Efficacy of acetylleucine in vertigo and dizziness: a systematic review of randomized controlled trials. Eur J Clin Pharmacol 2019.
9. Yardley L, Donovan-Hall M, Smith HE, & al. Effectiveness of primary care-based vestibular rehabilitation for chronic dizziness. Ann Intern Med 2004;141:598-605.
10. Geraghty AWA, Essery R, Kirby S, & al. Internet-based vestibular rehabilitation for older adults with chronic dizziness: a randomized controlled trial in primary care. Ann Fam Med 2017;15:209-16.
11. Maarsingh OR, Dros J, Schellevis FG, & al. Dizziness reported by elderly patients in family practice: prevalence, incidence, and clinical characteristics. BMC Fam Pract 2010;11:2.
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