L’hypertension artérielle (HTA) est une maladie chronique et constitue le facteur de risque cardio-vasculaire le plus fréquent et en constante augmentation compte tenu de l’accroissement de l’âge de la population : environ 12 millions de personnes hypertendues traitées en France (8,6 millions en 2000). L’HTA est responsable d’au moins 45 % des décès par maladies cardiaques et de 51 % des décès par accidents vasculaires cérébraux. Elle constitue le premier motif de consultation en médecine générale dans le monde.
Du reste, sa prise en charge est très majoritairement assurée par les médecins généralistes. Entre 2000 et 2006, le taux de patients hypertendus ayant consulté un cardiologue libéral n’a pas changé (entre 8 et 9 %). Environ 1 million de nouveaux patients sont traités pour une HTA en France chaque année, ce qui correspond à une moyenne de 15 à 20 nouveaux patients par an pour un médecin généraliste.
Or, selon une enquête transversale (Enquête nutrition santé [ENNS] ), menée de 2006 à 2007, la moitié seulement des hypertendus traités (51 %) avaient un contrôle satisfaisant de la pression artérielle et environ 20 % des patients hypertendus en France ne sont pas traités. Sur une population de patients adultes, nouvellement traités et avec au moins un renouvellement de prescription, le tiers n’aura plus aucun traitement après une période de suivi de 12 mois et un autre tiers, qui pourtant poursuit son traitement initial, fait l’objet d’un remboursement insuffisant pour couvrir 80 % de ses besoins.
→ Les bénéfices de la baisse de la pression artérielle (PA) chez le patient hypertendu sont démontrés . Elle réduit le risque d’accident vasculaire cérébral, de démence, d’insuffisance cardiaque, d’infarctus du myocarde, de décès d’origine cardio-vasculair et d’insuffisance rénale chronique terminale.
Dans cet article, seuls les aspects relatifs au diagnostic d’HTA et à la primo-prescription sont développés. Le suivi sur le long terme et les adaptations thérapeutiques feront l’objet d’un article ultérieur.
DÉFINITION D’UNE HTA
L’HTA est définie de manière consensuelle comme une PA ≥ 140/90 mmHg mesurée en consultation et persistant dans le temps.
La classification la plus souvent utilisée est :
HTA stade 1 : PAS > 140 –159 et/ou PAD > 90-99 mmHg,
HTA stade 2 : PAS >160 et /ou PAD>100 mmHg.
Certaines recommandations, comme le NICE (UK) ou la Heart Foundation (Australie), rajoutent le stade « HTA sévère ou stade 3 » correspondant à une PAS > 180 et/ou une PAD > 110 mmHg.
MESURE DE LA PA : DÉPISTAGE ET SURVEILLANCE
Il est recommandé au médecin généraliste de mesurer régulièrement la PA de ses patients afin de dépister précocement l’apparition d’une HTA et surveiller l’évolution des chiffres tensionnels chez un patient hypertendu (lire encadré E1).
Il existe peu de données probantes démontrant que le dépistage de l’HTA s’accompagne d’une amélioration de la santé cardio-vasculaire ou d’autres paramètres sur le plan de la santé. Cependant, il existe des données scientifiques indirectes démontrant l’intérêt d’une prise en charge de l’HTA la plus précoce possible.
CONFIRMATION DU DIAGNOSTIC D’HTA
Dans la plupart des guidelines, la définition de l’HTA repose sur différentes mesures effectuées au cabinet médical, généralement sur au moins deux consultations distinctes espacées de 3 à 4 semaines.
→ Cependant un certain nombre de recommandations préconisent de confirmer les chiffres observés au cabinet par des mesures au domicile. Il est donc recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical du patient afin de confirmer le diagnostic d’HTA, par automesure tensionnelle (AMT) ou par mesure ambulatoire de la PA (MAPA).
→ En pratique, l’AMT est plus adaptée en soins primaires et favorise l’implication du patient dans sa prise en charge (lire encadré E2). Cependant, la MAPA apporte des informations complémentaires dans certaines situations (exploration d’une variabilité tensionnelle importante, suspicion d’absence de baisse tensionnelle nocturne ou d’une dysautonomie, etc.).
→ La moyenne des valeurs de PA en AMT ou en MAPA (diurne) correspondant à une HTA sont une PAS ≥ 135 mmHg ou une PAD ≥ 85 mmHg.
→ La constatation d’une HTA en consultation associée à une PA normale en dehors du cabinet médical (PA diurne moyenne < 135/85 mmHg) est appelée « HTA blouse blanche ». La prévalence en population générale serait de 13 % et elle concernerait 30 % des patients hypertendus. Elle est plus fréquente avec l’âge, chez les femmes et les non-fumeurs. Elle nécessite une surveillance tensionnelle annuelle ainsi que la mise en œuvre de mesures hygiéno-diététiques, car le risque de passage à une HTA permanente est élevé.
BILAN CLINIQUE ET PARACLINIQUE INITIAL
→ L’interrogatoire, l’examen physique et le bilan paraclinique ont pour but de :
• rechercher une atteinte vasculaire, cardiaque, cérébrale ou rénale associée ;
• d'identifier les facteurs de risque cardio-vasculaire associés, notamment antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire, diabète, dyslipidémie, tabagisme, âge, sexe, etc. et évaluer le risque cardio-vasculaire.
• rechercher une HTA secondaire et des facteurs aggravants. Principaux facteurs pouvant aggraver une HTA : alcool, réglisse, certains médicaments (corticoïdes, antidépresseurs, AINS, anti-VEGF), utilisation prolongée de vasoconstricteurs nasaux, contraception œstrogénique, toxiques (par exemple cannabis), SAHOS (syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil), consommation de sel élevée, surpoids, obésité.
→ Le bilan paraclinique initial comporte :
• sodium et potassium plasmatiques ;
• créatinine plasmatique avec estimation du débit de filtration glomérulaire (par l’équation CKD-EPI) et de la clairance de la créatinine par la formule de Cockroft et Gault pour l’adaptaion posologique ;
• glycémie à jeun ;
• exploration d’une anomalie lipidique à jeun ;
• recherche d’une protéinurie quelle que soit la méthode ;
• ECG de repos.
Le rapport albumine/créatinine urinaire ne se justifie pas chez le patient hypertendu, sauf s’il est diabétique non protéinurique.
LES SITUATIONS NéCESSITANT UN AVIS SPECIALISÉ
Suspicion d’HTA secondaire
Il s’agit des situations (environ 10 % des cas) où l’on suspecte une HTA secondaire, à savoir :
– une HTA sévère (PAS > 180 ou PAD > 110 mmHg) d’emblée ;
– HTA avant l’âge de 30 ans ;
– HTA avec hypokaliémie ;
– autres situations cliniques évocatrices d’une HTA secondaire.
Il est recommandé de recourir à un avis spécialisé pour réaliser un complément d’explorations (dosages hormonaux, écho-Doppler des artères rénales, angio-TDM abdominale, etc.), les principales causes d’HTA secondaires étant d’origine médicamenteuse ou toxiques, les maladies rénales, l’hyperaldostéronisme primaire, le phéochromocytome, la sténose de l’artère rénale, le syndrome de Cushing.
Présence d’une anomalie rénale
Lors du bilan initial et au cours du suivi, la découverte d’une créatininémie élevée et/ou d’une protéinurie doit être contrôlée à 1 mois. En cas de persistance un avis néphrologique doit être demandé. En cas d’insuffisance rénale, il est nécessaire d’adapter la posologie des médicaments au DFG estimé et d’éviter les médicaments néphrotoxiques. Cette démarche concerne aussi le pharmacien en lien avec le médecin généraliste. Il est recommandé que le médecin précise sur l’ordonnance la valeur du DFG du patient insuffisant rénal.
Présence d’une anomalie cardiaque
La découverte d’une anomalie cardiaque à l’interrogatoire, à l’examen physique ou à l’ECG nécessite un avis spécialisé pour la réalisation éventuelle de MAPA, Holter rythmique, écho-Doppler cardiaque, test d’ischémie myocardique, écho-Doppler artériel, etc.
Troubles cognitifs associés
Le repérage de troubles cognitifs chez le sujet de 75 ans ou plus (par MMSE) est recommandé, car ils peuvent impacter, entre autres, l’adhésion thérapeutique. Et, dans ce cas, de prévoir une supervision de la prise médicamenteuse (par l’accompagnant ou par une infirmière), afin d’assurer une bonne adhésion thérapeutique.
LA CONSULTATION D’ANNONCE
Lors du démarrage de la prise en charge, la HAS et la SFHTA insistent sur la nécessité d’une consultation dédiée à l’explication des risques de l’HTA et des objectifs du traitement.
Cette consultation permet d’informer le patient des risques liés à l'HTA, des bénéfices démontrés du traitement antihypertenseur, de fixer les objectifs du traitement et d’établir un plan de soins. La décision médicale partagée entre le médecin et son patient favorise l’adhésion du patient à sa prise en charge.
→ Il est recommandé que des mesures hygiéno-diététiques soient mises en place dès cette consultation. En fonction du profil du patient, de la sévérité de son HTA, de ses préférences et de son adhésion à ces mesures, le délai de mise en route du traitement médicamenteux sera adapté pour atteindre l’objectif d’une PA contrôlée à 6 mois.
→ Au cours des 6 premiers mois, des consultations médicales mensuelles sont recommandées jusqu’à obtention du contrôle tensionnel pour évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, renforcer l’éducation du patient.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Il est recommandé d’obtenir une PAS comprise entre 130 et 139 mmHg et une PAD < 90 mmHg à 6 mois au cabinet médical, confirmées par des mesures au domicile (PA diurne en AMT ou en MAPA < 135/85 mmHg).
Chez le sujet âgé de 80 ans ou plus, il est recommandé d’obtenir une PAS < 150 mmHg, sans hypotension orthostatique (PAS diurne en AMT ou en MAPA < 145 mmHg).
Place des mesures hygiéno-diététiques
Toutes les guidelines recommandent les mesures hygiéno-diététiques (MHD) comme partie intégrante de la prise en charge de tout patient hypertendu.
Elles comprennent :
• la pratique d’une activité physique régulière et adaptée aux possibilités du patient. Par exemple, 30 min/j au moins 3 fois/semaine en endurance ;
• la réduction du poids en cas de surcharge pondérale. En moyenne, une perte de poids de 5,1 kg est associée à une baisse de la PAS de 4,4 mmHg et de la PAD de 3,6 mmHg. L’objectif étant de maintenir un IMC autour de 2 kg/m2 et la circonférence abdominale < 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme ;
• la suppression ou la réduction d'une consommation exagérée d’alcool. Le rapport entre consommation d’alcool, niveau tensionnel et prévalence de l’HTA est linéaire. Une consommation journalière supérieure à 3 verres chez l’homme et 2 verres chez la femme doit entraîner une prise en charge adaptée ;
• la normalisation de l’apport sodé : 6-8 g/j de sel au maximum correspondant à une natriurèse d’environ 100 à 150 mmol/j. En moyenne, une diminution de 5 g/j de sel entraîne une baisse de la PAS de 4 à 5 mmHg chez les hypertendus. L’effet de la restriction sodique sur le PA est plus important chez les patients d’origine africaine, les patients âgés, et ceux associant à l’HTA un diabète, un syndrome métabolique ou une insuffisance rénale chronique ;
• l’arrêt du tabac. Cette mesure n’entraîne habituellement pas directement une réduction de la PA, mais est essentielle pour réduire la morbi-mortalité cardio-vasculaire (IDM, AVC, AOMI) ;
• une alimentation privilégiant la consommation de fruits et légumes (300 à 400 g/j) et d’aliments peu riches en graisse saturée. Et une consommation de poissons au moins deux fois par semaine.
Par quelle classe médicamenteuse débuter ?
Il est recommandé de débuter un traitement pharmacologique par une monothérapie, au mieux en monoprise.
Les 4 classes médicamenteuses à privilégier pour l'instauration du traitement sont, par ancienneté d'apparition sur le marché : les diurétiques thiazidiques, les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2). Les bêtabloquants peuvent être utilisés comme antihypertenseurs mais ils semblent moins protecteurs que les autres classes thérapeutiques à l'égard du risque d’AVC.
→ La persistance du traitement - action de continuer le traitement sur une certaine durée selon la prescription initiale- est plus élevée avec les ARA2 ou les IEC, moindre avec les inhibiteurs calciques et plus faible encore avec les diurétiques thiazidiques et les bêtabloquants.
Au sein d'une même classe, il existe des différences pharmacologiques (durée d’action, notamment) entre les médicaments pouvant avoir des conséquences sur l'efficacité et la tolérance.
Comme pour tout traitement, la prescription des antihypertenseurs doit être établie en DCI. Les antihypertenseurs génériques en France ont une efficacité comparable aux produits princeps. Il est souhaitable de ne pas changer de marque en cours de traitement afin de réduire le risque d’erreur de prise par le patient.
→ En cas d’HTA sévère confirmée (PAS > 180 mmHg et/ou PAD > 110 mmHg), il est recommandé d’instaurer sans délai un traitement pharmacologique.
Éléments à prendre en compte dans le choix initial des médicaments
→ Globalement, 70 % des patients hypertendus vus en ville n’ont pas de complications. Néanmoins, il est recommandé d’adapter le choix thérapeutique en fonction des comorbidités associées (tableau 1).
→ Les diurétiques de l’anse (à la place des diurétiques thiazidiques) peuvent être prescrits chez un patient hypertendu, en cas d’insuffisance rénale sévère (DFG estimé < 30 ml/min/1,73 m²), ou de syndrome néphrotique ou chez l’insuffisant cardiaque.
→ L’utilisation des IEC et des ARA2 nécessite un contrôle du sodium et du potassium plasmatiques et de la créatininémie dans un délai de 1 à 4 semaines après l’initiation du traitement puis lors des modifications posologiques ou en cas d’événement intercurrent.
La lutte contre la iatrogénie est impérative. Le fait de ne pas dépasser dans la plupart des cas 3 molécules antihypertensives après 80 ans entre dans ce cadre.
Validation scientifique : Pr Jacques Blacher (président de la SFHTA. Hôpital de l'Hôtel Dieu, Paris).
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