La France est l’un des mauvais élèves européens de la vaccination. Le taux de couverture de 95 % (75 % pour la grippe) nécessaire pour une protection générale de la population n’est pas atteint. Il semblerait – mais les données disponibles en France sont assez parcellaires – que les plus jeunes soient plus à jour de leurs vaccinations que les adolescents et adultes, en particulier lorsque leur niveau d’études est faible ou qu’ils vivent dans les grandes agglomérations. Dans notre pays, la grande majorité des vaccinations est réalisée par les médecins généralistes, qui effectuent en moyenne 3,9 consultations de ce type par semaine. Mais le parcours vaccinal français peut être complexe, depuis l'ordonnance jusqu'à l'injection, bien que récemment allégé grâce au concours des pharmaciens dans le cas de la grippe. Outre le nombre de personnes qui ne vont pas jusqu’au bout de cette démarche, la question d’une éventuelle rupture de la chaîne du froid entre l’achat et la délivrance se pose.
Alors comment améliorer la couverture vaccinale ? En prenant exemple sur d’autres pays – Royaume-Uni, Suisse, Suède ou Finlande – où les vaccins sont disponibles au cabinet du généraliste.
MÉTHODE
L’étude mise en place par le Dr Estelle Dubois (Poitiers) en 2012 avait pour but de préciser si l’accès facile à la vaccination pouvait modifier le taux de couverture. Puisqu'en en France, les patients ont libre choix de leur pharmacien et qu’il est impossible pour un particulier d’acheter et de distribuer des vaccins, les auteurs ont demandé aux médecins participants de se fournir en leur nom d’une dose des trois vaccins proposés dans le cadre de l’étude (DTP, tétravalent et ROR). En cas d’utilisation du vaccin, le patient devait ensuite aller dans une pharmacie pour payer le produit et en refaire délivrer un au médecin.
→ Trois cent dix médecins installés dans le département de la Vienne ont été sélectionnés pour un tirage au sort en trois bras : bras “témoin”, bras “rendez-vous programmé de vaccination après la prescription initiale” et bras “vaccination immédiate”.
→ Au total, 25 médecins ont accepté de participer dans chacun des groupes. La première semaine de l’étude, les médecins suivaient le parcours habituel de vaccination et ce n’est que la deuxième semaine qu’ils se référaient au protocole qui leur avait été affecté.
RÉSULTATS
Un total de 302 prescriptions réalisées en deux semaines ont pu être exploitées : 93 dans le groupe “témoin” (57 la première semaine, 36 la seconde), 102 dans le groupe “RDV” (66 et 36) et 107 dans le groupe “prescription immédiate” (62 et 45).
Ainsi, 58 % des vaccinations prescrites concernaient des adultes et des adolescents pour un rattrapage et 42 % étaient des primo-prescriptions prévues au calendrier 2012 (il s’agissait d’enfants généralement).
→ L’objectif principal de l’étude était de faire évaluer par le médecin le respect des délais souhaitables des vaccinations, définis individuellement lors de la consultation initiale : moins d’un mois, un à deux mois, deux à trois mois, plus de trois mois.
Tous groupes confondus, 181 des 302 vaccinations ont été effectuées, effectivement dans les délais souhaités par le médecin (59,9 %).
→ L’analyse des données montre que le taux de vaccination conforme aux délais souhaitables a augmenté dans le bras “vaccination immédiate”, passant de 50 % la première semaine à 82,2 % la deuxième. Lorsque le vaccin était disponible au cabinet, 75,6 % des patients ont reçu l’injection immédiatement, les autres ont été vaccinés secondairement (dans le délai prévu ou non). Seules 6,7 % des personnes vues en consultation ont refusé l’injection.
À noter que pour 11 des 27 généralistes du bras “vaccination immédiate”, la participation à cette étude aura eu un impact immédiat sur leur pratique, avec soit constitution d’un stock de vaccins, soit programmation systématique des rendez-vous vaccinaux après consultation initiale.
CONCLUSION
L’étude contrôlée randomisée conclut à une faisabilité de cette procédure qui permet une amélioration du taux de vaccination dans les délais souhaités. Néanmoins, pour être mise en place à plus grande échelle, cette expérimentation nécessiterait d’équiper les cabinets médicaux d’un réfrigérateur et de mettre en place des procédures d’approvisionnement formalisées avec les pharmaciens. Pour les auteurs, « la généralisation de cette approche pourrait simplifier le parcours vaccinal, simplification souhaitée par les autorités, les praticiens et les patients ». Reste que pour intéressante qu'elle soit, cette expérimentation date de 2012, or depuis on a vu apparaître en France un net courant anti-vaccin susceptible d'influencer ces résultats.
Bibliographie :
1- Dubois E, Réthoré-Berthomé E, Ingrand I et coll. Mise à disposition des vaccins au cabinet des médecins généralistes : proposition d’un dispositif expérimental. Médecine, nov 2018, pp : 419-426
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