POLLUANTS ET ALLERGÈNES
Au sens large du terme, les agents polluants sont des produits biologiques (bactéries, endotoxines bactériennes, virus, allergènes) et des agents physico-chimiques (particules de dimension variable, gaz issus de la combustion (CO, CO2, SO2, NO, NO2), composés organiques volatils (COV), ozone, radon.
► Les particules sont un mélange de matières fines solides et/ou humides en suspension dans l’air. Les poussières totales en suspension (angl. TSP pour Total Suspended Particles) sont classées en fonction de leur diamètre aérodynamique médian (DAM) : PM10 (particules de DAM < 10 μm) et PM2,5 (particules de DAM < 12,5 μm ou particules fines). Il existe aussi des particules submicroniques (DAM < 1 μm) et des particules ultrafines ou nanoparticules DAM < 100 nm). Dans l’air intérieur, elles sont émises par la cuisson des aliments, les appareils de chauffage, la fumée de tabac, les désodorisants, les parfums d’ambiance, etc.
► Les allergènes sont bien connus : acariens, moisissures, grains de pollen, blattes, phanères d’animaux (chats, chiens, petits animaux de compagnie) (1). Il existe de nombreuses interactions impliquant les allergènes, les polluants et le statut immunitaire de l’individu : un certain nombre d’entre elles sont représentées dans l’encadré E1.
E1. Quelques exemples d’interactions entre polluants, allergènes et génétique
Le tabagisme passif augmente la réactivité des voies aériennes et le risque d'asthme, en particulier en cas d’exposition pré, péri et postnatale (2). Dans le cadre de l’épigénétique, il peut modifier les gènes et exposer la descendance à l’asthme (2).
Chez les nourrissons ayant une dermatite atopique avec diminution de la fonction barrière de la peau (déficit en filaggrine), le contact avec les protéines d’arachide (topiques cutanés, allergènes d’arachide contenus dans la poussière domestique) entraîne une sensibilisation à l’arachide et, ultérieurement, une allergie alimentaire à l’arachide (8).
La manipulation d’aliments végétaux (épluchage de céleri, de kiwi), de poisson frais, la cuisson des aliments (poisson, légumineuses) libère des allergènes responsables de rhinite et/ou d’asthme chez les individus allergiques (8).
POLLUTION DE L’AIR INTÉRIEUR ET SYMPTÔMES ALLERGIQUES
Les études épidémiologiques ont démontré l’impact de la pollution de l’air intérieur à tous les âges de la vie.
Études chez l’enfant
Plusieurs études avaient déjà montré la grande fréquence de la pollution allergénique des classes (en particulier par les allergènes de chat, Fel d1) (3). Dans les maisons, la majeure partie de Fel d1 (80 %) est détectée dans des particules aériennes presque en permanence en suspension dans l’air. Les quantités d’allergènes varient de façon importante en fonction de l’appartement et du type de ventilation.
Une étude effectuée, en classes de primaire, chez 6 590 enfants âgés en moyenne de 10,4 ± 0,7 ans a montré qu’une mauvaise qualité de l’air intérieur était associée à une augmentation de la prévalence des symptômes de rhinite et d’asthme (4). Cette étude évaluait la concentration des particules fines PM2,5 (≤ 2,5 μm), de NO2 et de trois aldéhydes ; l’importance de l’exposition était variable selon les classes, mais importante chez au moins 30 % des enfants.
Il fut observé que les niveaux de ces polluants étaient significativement associés à des symptômes d’allergie :
– formaldéhyde et rhino-conjonctivite au cours de l’année écoulée (OR 1,19 ; IC95 % 1,04 -1,36) ;
– hauts niveaux de PM2,5 et asthme au cours de l’année écoulée (OR 1,21 ; IC95 % 1,05 -1,39) ;
– acroléine et asthme au cours de l’année écoulée (OR 1,22 ; IC95 % 1,09 -1,38) ;
– NO2 et asthme au cours de l’année écoulée (OR 1,16 ; IC95 % 0,95 -1,41) (4).
[[asset:image:11763 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["BURGER\/PHANIE"],"field_asset_image_description":["Une a\u00e9ration quotidienne de 10 minutes, hiver comme \u00e9t\u00e9, permettrait de renouveler l\u0027air int\u00e9rieur ainsi que la ventilation m\u00e9canique contr\u00f4l\u00e9e (VMC)."]}]]Études chez l’adulte
Une revue de la littérature a étudié les relations entre l’asthme de l’adulte et plusieurs polluants : formaldéhyde, benzène, acétaldéhyde, COV, microparticules PM2,5 et PM10 et diéthylhexyl-phtalate (5). Vingt-trois études ont été retenues et classées par types et sources de polluants. Les principales études ont montré une relation entre les polluants et l’asthme.
En synthèse, cette revue portant sur des populations saines et asthmatiques a montré un lien significatif entre, d’une part, les expositions au formaldéhyde, au benzène, aux COV totaux et aux peintures et, d’autre part, la survenue de symptômes d’asthme. Dans cette revue, il n’y avait pas de lien entre l’exposition aux PM2,5 et l’asthme de l’adulte, mais ce lien existait chez l’enfant (4). Il est vraisemblable que l’exposition aux parfums soit associée à des symptômes d’asthme, mais des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmation. Chez les individus sains, il est postulé que l’exposition à des sprays utilisés pour le nettoyage est associée à des symptômes évocateurs d’asthme (5).
Études chez les personnes âgées
Logiquement, les personnes âgées doivent être plus sensibles que le reste de la population aux polluants de leur domicile. C’est ce que confirme une étude portant sur l’exposition aux principaux polluants intérieurs chez 144 personnes âgées de plus de 65 ans comparées à 868 d’âge inférieur à 65 ans. Les polluants mesurés pendant une semaine étaient des aldéhydes (formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine, hexaldéhyde), des hydrocarbures aromatiques (en particulier le benzène et le toluène) et plusieurs hydrocarbures aliphatiques ; leurs niveaux étaient identiques dans les deux groupes étudiés (6). Le principal résultat de cette étude était une association significative, évaluée par les odds ratio ajustés (ORA), entre l’existence de difficultés respiratoires en présence de toluène et de o-xylène chez les personnes âgées, non retrouvée dans le reste de la population. Le n-décane était également impliqué. Ce résultat est probablement imputable au fait que les personnes âgées ou d’un certain âge (…) passent plus de temps à l’intérieur des maisons que les personnes plus jeunes, mais également à une « fragilité respiratoire » plus importante (6).
FACTEURS FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT DES ALLERGÈNES
Les symptômes d’allergie aux allergènes présents à l’intérieur des maisons (acariens, blattes, moisissures, phanères de chat et de chien, nouveaux animaux de compagnie, etc.) sont principalement la rhinite et/ou l’asthme allergique (7-9). Même s’ils sont bien connus, les facteurs qui favorisent la prolifération des allergènes dans les maisons sont souvent mésestimés.
[[asset:image:11764 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["SPL\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Acariens
Les trois facteurs qui influencent le développement des acariens sont bien connus :
– l’humidité relative (70 à 80 % pour D. pteronyssinus, 60 % pour D. farinae, 80 % et plus pour les acariens de stockage comme A. siro [10]) ;
– la température (l’optimum pour leur développement se situe entre 26° 6 C et 32° 6 C en culture et 20 à 25° C dans les matelas [10]) ;
– la nourriture (les phanères humaines et animales sachant que les 70 à 140 mg de la desquamation journalière d’une personne suffit à nourrir plusieurs milliers d’acariens pendant plusieurs mois [10]). C’est pourquoi les symptômes d’allergie aux acariens sont surtout présents lors des premiers réchauffements et en août-septembre. La présence et le commensalisme avec les moisissures favorisent leur développement, celles-ci contribuant à une meilleure assimilation digestive de la kératine.
[[asset:image:11765 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["GARO\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Moisissures
La présence de moisissures dans l’habitat est facilitée par l’humidité, la présence de plantes vertes, les défauts d’aération, le séchage du linge dans les pièces, etc. On la soupçonne facilement lorsque des papiers peints se décollent, s’il existe des taches noirâtres sur les murs… Les prélèvements mycologiques permettent d’identifier les champignons en cause. Les patients ont rarement une allergie isolée à une moisissure (par exemple Alternaria) ; ils sont le plus souvent polysensibilisés/polyallergiques (acariens, blattes, moisissures). Les patients atteints d’asthme, allergiques aux moisissures, en particulier à Alternaria, ont plus souvent un asthme sévère qu’un asthme modéré (11, 12). Parmi trois groupes composés chacun de 50 patients asthmatiques, admis en USI (groupe I), admis aux urgences mais ne nécessitant pas de soins intensifs (groupe II), et jamais admis aux urgences (groupe III), le pourcentage de patients sensibilisés à Alternaria était plus élevé dans le groupe I (50 %) que dans les deux autres (p = 0,005) (12). Les études longitudinales qui ont apprécié l’exposition aux moisissures de l’environnement intérieur avant l’apparition de symptômes respiratoires suggèrent que Penicillium, Aspergillus et Cladosporium exposent à un risque de développement de l’asthme dans les populations prédisposées (13). Ces mêmes moisissures et Alternaria exposent à des exacerbations plus fréquentes chez l’asthmatique confirmé (13).
[[asset:image:11766 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["VOISIN\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Blattes
La prévalence des sensibilisations aux blattes varie de 5 à 30 % dans la population générale, se manifestant par une rhinite et/ou un asthme. La plupart des patients sont polysensibilisés/polyallergiques. De nombreuses études ont montré que les asthmatiques allergiques aux blattes avaient un asthme plus sévère et plus difficile à contrôler que les asthmatiques atteints d’autres allergies. Parmi 476 asthmatiques âgés de 4 à 9 ans, recrutés dans 8 villes des états-Unis (14), on a enregistré 36,8 % d’allergies aux blattes, les autres étant dirigées contre les acariens (34,9 %) et le chat (22,7 %). Dans les chambres, les allergènes des blattes étaient présents chez un patient sur 2 (50,2 %), alors que les acariens (9,7 %) et le chat (12,6 %) l’étaient beaucoup moins. Les enfants à la fois sensibilisés et exposés aux blattes étaient plus souvent hospitalisés que les autres (0,11 vs. 0,37 hospitalisations par an : p = 0,001) et étaient davantage admis pour des consultations médicales imprévues (2,56 vs 1,43 : p < 0,001) (14).
Pollens
Allergènes de l’environnement extérieur, les pollens pénètrent dans les habitations pendant la saison pollinique et y restent pendant plusieurs semaines, et même après la fin de la saison pollinique, à des concentrations suffisantes pour entraîner
des symptômes chez l’individu allergique. Ceci a été démontré pour différents pollens, en particulier ceux du cyprès dont l’allergénicité se révèle très importante (15).
Il existe des interactions entre les polluants et tous les types de pollens, en particulier ceux de l’ivraie, de la fétuque, du bouleau et du cyprès, ce dernier ayant une forte capacité d’absorption des polluants particulaires et gazeux (16).
Animaux
L’allergie aux allergènes des animaux se manifeste par contact direct avec les poils et la salive, mais aussi de façon indirecte, par procuration, par contact avec les habits d’un détenteur d’animal (chat), en classe (où les allergènes de chats et de chien sont importés par les chaussures et les vêtements), par contact avec les habits d’un cavalier, etc. Les symptômes sont ceux de l’allergie immédiate (rhinite, conjonctivite, urticaire, œdème de Quincke). Des anaphylaxies ont été décrites en particulier après morsure d’un « nouvel animal de compagnie » (NAC) : hamster, cobaye, etc. (9).
Les allergènes de chat et de chien persistent plusieurs mois dans la poussière de maison après l’éviction (disparition) de l’animal. L’éviction est la seule solution, l’immunothérapie allergénique n’étant pas conseillée. Il faut être bien certain du diagnostic d’allergie au chat ou au chien, car la séparation pose souvent des problèmes psychologiques importants.
IMPLICATIONS PRATIQUES
Thématique certes à la mode, l’insalubrité de l’air intérieur n'est pas une découverte récente. Elle est certainement un facteur associé à l’explosion de fréquence des allergies au cours des trente dernières années.
Nous passons en moyenne 14 heures par jour à notre domicile. Une aération quotidienne de 10 mn, hiver comme été, permettrait de renouveler l’air intérieur ainsi que la ventilation mécanique contrôlée (VMC)… Mais près de 10 % des personnes interrogées déclarent boucher les orifices de ventilation l’hiver ! (voir Pour améliorer la qualité de l’air intérieur : aérez !).
L’insuffisance du renouvellement de l’air dans les appartements est une notion ancienne (moins de 0,3 fois/jour en moyenne) qui contraste avec la législation qui précise : « Les conditions d'environnement dans lesquelles un animal est élevé, détenu ou font l'objet d'un contrôle journalier » (décret n° 2001-486) (17, 18) où dans les animaleries de l’École nationale vétérinaire de Lyon font l'objet de huit à dix renouvellements d’air par heure (18).
► En pratique, en dehors des conseils préventifs et thérapeutiques que le médecin, aidé par l’allergologue, peut donner, le recours à un conseiller (conseillère) en environnement intérieur (CMEI).
(2) est la solution idéale permettant d’identifier les vices de construction, les repaires d’allergènes, les conduites à risque, comme la possession de plantes et le séchage du linge dans les pièces d’habitation. Ils participent également à la démonstration des liens entre exposition allergénique de l’habitat et symptômes d’allergie et d’apprécier avec rigueur l’effet des méthodes d’éviction des allergènes (19, 20) Voir en particulier cmei-France (consulté le 10 avril 2017). En France plus d’une soixantaine de CMEI ont un diplôme validé.
Bibliographie
1. Collectif (Groupe Air Santé). Pollution de l’air intérieur de l’habitat. Paris : Éditions du LEN Médical, 1 vol., 74 pages, 2011.
2. Holloway JW, Prescott S. The origins of allergic disease. In Middleton’s Allergy Essentials. Edinburgh : Elsevier, 2017, pp. 29-50.
3. Vervloet D, Magnan A, Romanet S, Birnbaum J. Allergènes animaux. In: D. Vervloet et A. Magnan. Traité d’Allergologie. Flammarion, Paris,
2002 : 481-7.
4. Annesi-Maesano I, Hulin M, Lavaud F, Raherison V et al. Poor quality in classrooms related to asthma and rhinitis in primary schoolchildren of French 6 cities study. Thorax 2012 ; 67(8) : 682-8.
5. Mitha N, Lévy J, Annesi-Maesano I et al. Pollution de l’air intérieur et asthme chez l’adulte. Rev Mal Resp 2013 ; 30 : 374-413.
6. Bentayeb M, Billiuonnet C, Baiz N et al. Higher prevalence of breathlessness in elderly exposed to indoor aldehydes and VOCs in a representative sample of French dwellings. Respiratory Medicine 2013 ; 107 : 1598-1607.
7. Dutau G. Allergie aux acariens domestiques : du diagnostic à la prise en charge. Rev Fr Allergol 2014 ; 54(8) : 544-53.
8. Dutau G. Le dictionnaire des principaux allergènes. Paris : Phase 5, 2014,
1 volume, 164 pages.
9. Dutau G. Les « NAC » : un risque allergique nouveau. Arch Pédiatr 2009 ; 16(4) : 396-401.
10. Pauli G, Bessot JC. Les acariens : biologie, écologie et actualités des allergènes moléculaires. Rec Fr Allergol 2013 ; 53(Suppl. 1) : s45-s58.
11. Bush RK, Prochnau JJ. Alternaria-induced
asthma. J Allergy Clin Immunol 2004 ; 113(2) : 227-34.
12. Black PN, Udy AA, Brodle SM. Sensitivity to fungal allergens is a risk factor for life-threatening asthma. Allergy 2000 ; 55(5) : 501-4
13. Sharpe RA, Bearman N, Thornton CR, Husk K, Osborne NJ. Indoor
fungal diversity and asthma: a meta-analysis and systematic review of risk factors. J Allergy Clin Immunol 2015; 135(1):110-22.
Bibliographie (suite)
14. Rosenstreich DL, Eggleston P, Kattan M et al. The role of cockroach allergy and exposure to cockroach allergen incausing morbidity among inner-city children with asthma. N Engl J Med 1997; 336(19): 1356-63.
15. Shahali Y, Brazdova A et al. Indoor, long-term persistence of cypress pollen allergenic potency: a 10-month study. Ann Allergy Asthma Immunol 2013; 111(5): 428-30.
16. Shahali Y, Poncet P, Sénéchal H. Pollinose aux Cupressacées et pollution atmosphérique. Rev Fr Allergol 2013; 53(5): 468-72.
17. http://extranet.inserm.fr/recherche-pre-clinique/l-etablissement-d-expe….
18. Gommet C. Gestion d’un problème sanitaire en animalerie d’expérimentation. Thèse, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 2006, thèse n° 03.
19. de Blay F, Ott M. Intérêt des conseillers
médicaux en environnement intérieur dans
la prise en charge des
maladies respiratoires liées à l’air intérieur. Rev Mal Resp 2005 ; 22(2 C3) ; 25-6.
20. Beltramo G, de Blay F, Bonniaud P. Rôle du conseiller médical en environnement intérieur. Lettre d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale 2017 ; 348 : 25-7.
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