Allergologie

ALLERGIE À LA PÉNICILLINE, UN DIAGNOSTIC DIFFICILE

Publié le 10/11/2010
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Les surdiagnostics sont très fréquents. Ces allergies méritent d’être authentifiés en milieu hospitalier spécialisé pour ne pas priver les patients d’une ressource thérapeutique importante.

Amandine 25 ans consulte pour une infection ORL qui dure depuis 10 jours. Vous proposer de la traiter par amoxicilline, mais elle vous informe qu’elle est allergique à la pénicilline. Il y a un an elle a eu une éruption cutanée sous amoxicilline et un médecin urgentiste a diagnostiqué une allergie à ce médicament. Par ailleurs, elle souhaite arrêter la pilule car elle désire une grossesse. Amandine n’a aucun antécédent allergique personnel ou familial. Son allergie à la pénicilline pose-t-elle un problème pour le traitement de son infection actuelle et pour sa future grossesse ?

L’éventuelle allergie à la pénicilline d’Amandine, la prive d’un des antibiotiques les plus prescrits en médecine de ville et d’un des seuls antibiotiques non contre-indiqué en cas de grossesse.

LES QUESTIONS À POSER

L’interrogatoire est primordial. Pour aider au diagnostic d’une allergie immédiate à la pénicilline, quelques questions sont importantes à poser.

- Quels sont tous les médicaments absorbés au moment de l’éruption cutanée ? Amandine a pris en même temps du paracétamol et prenait également une pilule contraceptive.

- Ces médicaments ont-ils été réutilisés depuis ? Oui, le paracétamol a été réutilisé sans problème depuis et la pilule n’a pas été stoppée. L’amoxicilline n’a pas été réutilisée.

- Combien de temps l’éruption s’est t-elle produite après le début du traitement ? L’éruption s’est produite au troisième jour. Ce délai de survenue n’est pas en faveur d’une allergie immédiate à la pénicilline qui survient moins de 1 heure après la première prise du traitement.

- Quel est le type d’éruption et sa durée ? Amandine décrit une éruption urticarienne qui a duré trois jours malgré l’arrêt de l’antibiotique. L’éruption urticarienne est en faveur de l’allergie, mais sa durée ne l’est pas. Les symptômes cutanés liés à une allergie médicamenteuse immédiate durent moins de 24 heures.

-›Au total, quelques questions ciblées permettent d’orienter le diagnostic vers une allergie immédiate à la pénicilline, seul type d’allergie responsable de chocs anaphylactiques mettant en jeu le pronostic vital. Ici, les réponses d’Amandine ne sont pas en faveur d’une allergie immédiate à la pénicilline.

LES QUESTIONS INUTILES

Il n’est en revanche pas utile de poser la question de l’existence d’un éventuel terrain atopique personnel ou familial, l’allergie immédiate à la pénicilline n’étant pas plus fréquent chez l’atopique.

Il est également inutile de savoir si l’amoxicilline était bien tolérée jusqu’à l’éruption. Cette bonne tolérance n’élimine en aucun cas l’allergie immédiate à la pénicilline. En revanche, une reprise éventuelle d’amoxicilline bien tolérée après l’éruption élimine formellement le diagnostic d’allergie immédiate à la pénicilline.

FAIRE LA PREUVE D’UNE ALLERGIE OU L’INFIRMER

= Si l’interrogatoire permet de prédire fortement que l’éruption cutanée n’est pas en rapport avec une allergie immédiate à la pénicilline, il n’est pas (jamais) suffisant. Il faut toujours apporter la preuve du diagnostic ou faire la preuve qu’il est éliminé (1).

Tant que la preuve d’absence d’allergie à la pénicilline n’est pas faite, sa prescription est interdite de même que la prescription de céphalosporine qui présente 1 à 2 % d’allergies croisées chez des patients allergiques à la pénicilline (3).

= En cas de désir de grossesse, la preuve est indispensable car l’amoxicilline est un des rares antibiotiques à pouvoir être utilisé sereinement chez la femme enceinte. Le diagnostic d’allergie immédiate à la pénicilline ne peut être fait que par un allergologue hospitalier en raison du risque de choc anaphylactique, rare mais toujours possible, avec les bêta-lactamines.

Les tests cutanés à lecture immédiate (prick tests et tests intradermiques (IDR) réalisés à dose progressivement croissante) mettent en évidence le mécanisme IgE dépendant, responsable de la réaction allergique immédiate. Ils doivent être réalisés 4 à 6 semaines après la réaction. Ces tests permettent d’identifier 85 à 95 % des individus ayant une allergie immédiate aux bêtalactamines (4). La valeur prédictive négative des prick-tests à la pénicilline est voisine de 100 % (5).

« À l’hôpital Tenon, lorsque les prick tests et les IDR sont négatifs, un test de réintroduction en double aveugle est réalisé. S’il est négatif, l’allergie à la pénicilline est exclue. Ce qui n’empêche pas qu’elle puisse survenir plus tard de façon imprévisible », précise le Dr Autegarden.

A RETENIR

= Une allergie prouvée à la pénicilline contre-indique à vie l’utilisation de pénicilline.

= Une allergie immédiate à la pénicilline ne disparaît pas contrairement à une idée fausse largement répandue.

= Le dosage des IgE spécifique antipénicilline n’a aucun intérêt et ne doit pas être demandé

= L’allergie immédiate à la pénicilline doit être prouvée par des tests cutanés. Il n’est pas possible d’affirmer le diagnostic sur les données de l’interrogatoire.

Dr Emmanuel Cuzin (rédacteur, fmc@legeneraliste.fr) sous la responsabilité scientifique du Dr Jean-Eric Autegarden (Service de dermatologie et centre d'allergie. Hôpital Tenon. 4, rue de la Chine. 75970 Paris cedex 20. Courriel : jean-eric.autegarden@tnn.

Source : lequotidiendumedecin.fr