Courrier des lecteurs

Enfants handicapés : la dictature du bien faire

Publié le 11/07/2019

Zéro sans solution : solution zéro ! Médecin dans un Institut Médico Pédagogique depuis plus d’une dizaine d’années, j’ai vu surgir une problématique nouvelle. Il ne s'agit pas d’aider des enfants à vivre au mieux avec leurs handicaps dans une structure adaptée qui puisse prendre le relai du travail fait en rapport avec leurs âges et leurs capacités, mais de leur trouver une place qui ne soit pas celle du retour dans la famille, perçu comme un abandon, non du jeune, mais de la famille qui s’est épuisée dans un désir du mieux pour leurs enfants.

Nuance et subtilité incompréhensible pour les administratifs à compétences gestionnaires. Pour la MDPH [Maison départementales des personnes handicapées, Ndlr] n’importe quelle solution se présente comme meilleure que zéro sans solution et s’affiche comme l’objectif et le principe qui anime cet organisme social? Cela veut dire qu’en route on abandonne et on sacrifie l’idée de la «bien traitance », comme si n’importe quelle solution -même maltraitante- était, aussi bien pour les enfants que pour les soignants, meilleure que la prise en charge familiale déléguée aux institutions, à qui on a fait des leçons-« longue comme le bras »- sur la bien traitance, la mission maltraitance institutionnelle des enfants pris en charge comme des soignants.

La MDPH se comporte comme des DRH pour qui la mission n’est que purement économique avec un discours à étiquette éthique. Au moment où l’on déremboursè une thérapeutique au nom d’une rationalité scientifique, on ose maintenir des jeunes adultes handicapés dans une structure non adaptée (des technocrates ont même dit qu’ils ne voyaient pas de différence selon l’âge et que l’on pouvait cohabiter dans l’unicité du mot « handicap »). Les familles crient « mais faites quelque chose » et des sauveteurs de mauvaise conscience s’agitent le long du quai social et jetent des bouées de béton en hurlant « accrochez-vous, ils sont dans l’obligation de vous sauver .» 

Ils sont dans le faire semblant de l’aide thérapeutique. Ils sont aux soins ce que les pousseurs de métro asiatiques sont au transport : des remplisseurs. On sacrifie l’objectif aux discours. On maintient ces jeunes dans leur silence et leurs déficits, sous la tutelle du désir parental. La société semble s’enfermer dans la dictature du bien faire, à tout prix, symbolique.

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Source : Le Quotidien du médecin