L’étude randomisée européenne porte sur plus de 3 500 sujets de plus de 30 ans recrutés dans 26 centres européens. Ils présentent des douleurs angineuses stables. Leur score de risque de maladie coronaire (fondé sur l'âge, le sexe et le type de douleur) est « intermédiaire » (entre 10 % et 60 %). Les patients en dialyse, ou sans rythme sinusal, et les femmes enceintes étaient exclus du recrutement.
Un peu plus de moitié de ces sujets sont des femmes (56 %). Ils ont 61 ans d'âge médian (53-68 ans). Environ 60 % sont hypertendus et 15 % diabétiques. Parmi eux, seulement 12 % ont des douleurs angineuses typiques. Le reste rassemble des douleurs angineuses atypiques (46 %), thoraciques non angineuses (37 %) et même quelques autres douleurs (2-3 %).
Match nul !
À l'examen, 25,7 % des sujets de chaque bras présentent au moins une sténose sévère. Au terme d'un suivi médian de 3,5 ans, un évènement cardiovasculaire majeur (décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde, AVC) était survenu chez 38 patients du bras coroscanner versus 52 dans le groupe coronarographie (2,1 % versus 3 % ; RR = 0,70 ; 0,46-1,07 ; NS). Pour les auteurs, « cette étude montre que les deux stratégies font jeu égal en termes de pronostic. Néanmoins, sans surprise les complications liées à l'exploration ont été significativement moins fréquentes sous coroscanner », observent-ils.
Ainsi, le risque d'évènements cardiovasculaires majeurs de sujets adressés pour douleur de poitrine stable avec une probabilité intermédiaire de maladie obstructive ne diffère pas qu'ils aient bénéficié d'une coronarographie ou plus simplement d'un coroscanner. Faut-il pour autant exclure désormais de la coronarographie tous les patients stables ?
Un manque d’évaluation clinique sérieuse en amont
L’essai porte sur des sujets se présentant pour douleurs thoraciques associées à un score de risque intermédiaire, seuls un quart des patients ont, dans les deux bras, une sténose coronaire sévère. « Il n'y a donc pas eu de réelle évaluation clinique en amont, relève le Pr Nicolas Danchin (hôpital Saint-Joseph, Paris). Sinon, on serait autour de 50 % versus 25 % de sténoses sévères. C'est la principale limite de cette étude, se qualifiant elle-même de pragmatique, et caractérisée par un taux de 75 % de sujets sans sténose. Cela témoigne d'un véritable échec au niveau clinique. En clair, le tri a été très mal fait ».
Des résultats attestant des progrès du coroscanner
Un second point à souligner concerne l'essence même des examens pratiqués : coronarographie ou coroscanner. « Alors que les deux groupes sont tout à fait comparables, on est à 50 % de coronarographies normales versus 32 % de coroscanners normaux, constate le Pr Danchin. Ce n'est guère surprenant. La coronarographie est une luminographie portant sur l'intérieur des vaisseaux quand le coroscanner mesure globalement les lésions de la paroi, dont certaines ne débordent pas (encore) dans la lumière des coronaires. C'est pourquoi on observe plus de sténoses au coroscanner (+ 18 %). C'est aussi ce qui fait du coroscanner l'examen de choix pour dépister une coronaropathie débutante, les plaques poussant initialement vers l'extérieur de l'artère avant d'envahir sa lumière ».
Un troisième aspect concerne les revascularisations : 18 % dans le bras coronarographie versus 13 % après coroscanner. « Ce qui revient à revasculariser environ une sténose serrée sur deux (18/25 % versus 13/25 % de sténoses serrées), précise le Pr Danchin. On a donc un peu plus revascularisé dans le bras coronarographie, mais sans plus. Rien d'anormal en somme ».
Quant au pronostic, il ne diffère pas significativement entre les deux bras. « S'il fallait dégager une tendance, elle serait plutôt en faveur du coroscanner, observe le Pr Danchin. Ce n'est guère surprenant. On sait depuis longtemps que la revascularisation myocardique de coronariens stables, sauf exceptions telles les sténoses du tronc commun, n'améliore pas le pronostic (essais COURAGE, ISCHEMIA…). Cette étude vient à nouveau le confirmer ».
Trier les patients au préalable
« Plus inquiétant, en revanche, l’étude pose une question importante en termes d'adressage et de tri des patients : est-ce raisonnable d'adresser tous ces sujets ? S’interroge le Pr Danchin. Non ! Un tri clinique préalable plus sérieux est nécessaire. Et si la clinique prêche pour un dépistage, le coroscanner, plus sensible lors de maladie débutante, devrait être l'examen de choix chez des patients ayant des douleurs assez atypiques. A contrario, devant des douleurs angineuses typiques, il n'est pas illégitime de privilégier la coronarographie qui permet, si besoin, de revasculariser dans la foulée ».
(1) The DISCHARGE Trial Group. CT or Invasive Coronary Angiography in Stable Chest Pain. NEJM 2022 ;386:1591-1602
(2) Joseph Loscalzo. Evaluating Stable Chest Pain- An Evolving Approach. NEJM 2022; 386:1659-60