EDITORIAL

Vigilance et exigence

Publié le 16/12/2010
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Une année s’achève donc sans avoir apporté de bouleversements à notre spécialité ? Quelques faits notables doivent cependant être relevés : la loi HPST a donné aux directeurs le pouvoir de nommer les médecins chefs de service et/ou chefs de pôle ; il existe désormais un statut des psychothérapeutes ; le numerus clausus limitant l’accès à la spécialité sera très significativement relevé en 2011…

La profession de psychothérapeute est donc désormais encadrée : souhaitons que le mieux ne soit pas l’ennemi du bien ! Se pose la question du remboursement de ces actes. Et des formations universitaires à la profession de psychothérapeute doivent se mettre en place : être psychothérapeute ne saurait se résumer à la connaissance d’une technique psychothérapique. Cette activité suppose des connaissances cliniques, psychopathologiques et aussi une connaissance des diverses thérapeutiques du trouble psychique ou comportemental ! Que de chemin à parcourir pour que l’encadrement de la profession de psychothérapeute fasse son office : protéger les usagers des charlatanismes et leur faciliter l’accès au meilleur soin.

L’augmentation annoncée du numerus clausus limitera les effets dévastateurs de la courbe démographique qui veut qu’un très grand nombre de psychiatres cesseront leur activité avant 2020. Le mouvement de transfert de compétences vers d’autres professionnels, psychologues et infirmiers, est irrémédiable. Ce transfert doit être réfléchi par les psychiatres eux-mêmes. Les directeurs d’hôpitaux, les ARS et autres administratifs ne sauraient seuls mener une telle entreprise. Chacun de nous doit y travailler, à l’hôpital ou en libéral, dans le public ou en privé.

Parlons donc du rapport entre administration et responsabilités médicales. Pourra-t-on améliorer l’attractivité de l’hôpital public pour de jeunes médecins en les exposant ainsi aux objectifs d’un directeur qui sait désormais sa survie dans la fonction directement dépendante des objectifs de l’ARS ? En psychiatrie plus qu’ailleurs le pourcentage de malades susceptibles de nécessiter une ou plusieurs hospitalisations est élevé : quels moyens humains voudra-t-on consacrer à cela ? Le nombre des postes de psychiatres des hôpitaux à pourvoir reste scandaleusement élevé ! Dans le même temps on a rappelé aux psychiatres leur mission de protection sociale : les patients ayant nécessité une hospitalisation d’office ne peuvent quitter l’hôpital qu’à la condition d’une amélioration clinique suffisante et… De conditions d’environnement social sécurisantes après l’hôpital. À nous de veiller au respect d’une déontologie et d’une éthique médicales compatibles avec nos engagements. Professionnels du soin et usagers de la psychiatrie devrons poursuivre les partenariats qui se sont déjà mis en place : c’est ici que se joue l’avenir de la psychiatrie.

Malgré les embûches nombreuses en 2010 les industriels du médicament ont continué à marquer leur intérêt pour le développement et la commercialisation de nouveaux médicaments psychotropes. Ceci est un autre indice de l’importance de notre discipline, au plan sanitaire et économique. Là aussi les psychiatres, privés ou publics doivent être des acteurs exigeants. La recherche clinique doit continuer à exister en France. Cette recherche a besoin de l’expertise clinique au moins aussi disponible en France qu’ailleurs.

Formulons donc des vœux pour que nos directeurs d’hôpital comprennent l’importance et la complexité du travail des soignants en psychiatrie. Et à chacun de nous de garder vigilance et exigence pour que la psychiatrie affirme ses spécificités au service des usagers.

Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris

 Pr JEAN-PIERRE OLIÉ

Source : Bilan spécialistes