Un bilan ophtalmo en 48 heures

Une start-up fait le buzz, des médecins voient rouge

Publié le 05/03/2012
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Crédit photo : S Toubon

ILS ONT EU DROIT au 20 heures de TF1. Point Vision Paris, nouveau centre médical ophtalmologique situé dans le quartier chic de la Madeleine fait parler de lui depuis deux semaines. Ouvert le 30 janvier, ce centre (du groupe Ophta Point Vision, une start-up du secteur de la santé) innove en proposant aux patients un rendez-vous et un bilan complet sous 48 heures et la garantie d’une tarification en secteur 1. « Nous apportons une réponse en ophtalmologie de premier recours grâce à la délégation des tâches, moyen d’accueillir plus de patients, plus rapidement », argumente Patrice Pouts, cofondateur du centre et président de la holding Ophta Point Vision.

Le principe est simple. Le patient prend rendez-vous sur internet, puis est reçu le jour J par une secrétaire, qui l’oriente vers l’un des quatre orthoptistes du centre. Ce dernier effectue les premières mesures (examen de la réfraction, détection de certaines anomalies de la vision binoculaire) grâce à un plateau technique de pointe puis envoie les résultats par informatique à l’ophtalmologiste qui, quelques minutes plus tard, peut à son tour pratiquer des examens cliniques plus poussés (bilan, diagnostic, prise en charge thérapeutique...). Temps maximum estimé : 20 minutes. Un délai suffisant pour un bilan visuel, une prescription de lentilles de contacts ou de lunettes, actes sur lesquels le centre se positionne.

Dimension industrielle.

Le centre parisien draine entre 120 et 140 patients par jour, six jours sur sept (l’objectif est de traiter 40 000 patients par an). « Nous sommes en phase de recrutement, explique le Dr François Pelen, autre cofondateur du centre et ancien vice-président de Pfizer France. Le lendemain du passage au journal de TF1, on a reçu près de 1 000 appels ». Impossible de fait de prendre un rendez-vous sous 48 heures : le délai d’attente est plutôt de 10 jours, très en deçà des délais d’attente habituels qui peuvent atteindre des mois dans cette spécialité. « Notre objectif est de créer un réseau national de 72 centres d’ici à 2018 pour répondre aux besoins des populations touchées par la désertification médicale et l’envolée des tarifs », explique Patrice Pouts. Lyon devrait ouvrir un centre en septembre et quatre autres suivront en 2013. Les gestionnaires espèrent recruter à temps partiel parmi les quelque 2 000 ophtalmologistes qui partiront à la retraite dans les 15 prochaines années. Les jeunes diplômés à la recherche d’une activité et d’un environnement « clé en main » sont bienvenus. Le centre propose un salaire annuel de 100 000 euros net par an pour un ophtalmologiste à un temps plein.

L’arrivée d’Ophta Point Vision et de son offre offensive fondée sur la rationalisation des actes fait du bruit dans le Landerneau médical. « La dimension industrielle du projet, la publicité outrancière dont il bénéficie ont choqué la profession », affirme le Dr Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF). La start-up a bénéficié à la fin de 2011 d’une première levée de fonds auprès de Picardie Investissement et de Jaïna Capital, dont le président, Marc Simoncini a racheté le site de vente lentillesmoinscheres.com. À mots couverts, certains professionnels s’inquiètent de la prise en charge des 15 % de patients chez qui le diagnostic révèle une dégénérescence maculaire liée à l’âge, un glaucome ou un décollement de la rétine. Sur son site, le centre s’engage à les réorienter vers un confrère.

Au Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), on relativise : « La publicité, la délégation des tâches, la rationalisation des actes, rien n’est contestable dans cette organisation », explique le Dr André Deseur, président de la section exercice professionnel. Qui évoque une « pirouette » juridique bien connue : « Ce n’est pas le médecin qui fait de la publicité, c’est la structure ».

ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9092