LE SYNDICAT PATRONAL de l’industrie pharmaceutique tire la sonnette d’alarme depuis un moment ; les derniers chiffres semblent lui donner raison. En effet, alors que la croissance des dépenses de médicaments remboursables avait été de 4,8 % en 2005 (et de 6,4 % en 2004), elle ne devrait pas dépasser 1,5 % pour 2006, selon les propres estimations du Leem (Les Entreprises du médicament). L’organisme précise, en outre, que si la hausse des dépenses de médicaments remboursables a été de 5,7 % entre janvier et juillet 2005, elle n’a été que de 1 % pour la même période de l’année 2006. Pire encore, toujours selon le Leem, pour le seul mois de juillet 2006, la croissance des ventes de médicaments remboursables aurait été négative (- 1 %). Un chiffre que le Leem ne souhaite cependant pas mettre trop en avant, sachant bien que des fluctuations sur un mois sont parfois à prendre avec des pincettes et peuvent dépendre de facteurs purement conjoncturels.
Certes, ces mauvais chiffres (pour l’industrie pharmaceutique) ont aussi leur revers : si les ventes de médicaments remboursables semblent marquer le pas, il n’en va pas de même pour le marché du médicament non remboursable, qui profite de cette situation pour marquer des points. Au Leem, on assure ne pas disposer pour l’instant de chiffres significatifs sur ce segment de marché, mais, selon certaines informations, la croissance du marché de l’automédication aurait fortement crû (d’aucuns parlent même d’une croissance à deux chiffres) depuis la dernière vague de déremboursement de 152 médicaments au 1er mars dernier.
L’emploi en péril.
Certes, ces résultats vont satisfaire la Cnam (Caisse nationale d’assurance-maladie) comme le ministre de la Santé, qui font de la modération de la consommation médicamenteuse un de leurs chevaux de bataille dans la lutte contre les déficits de l’assurance-maladie. Mais ils ne font pas l’affaire de l’industrie pharmaceutique qui, déjà lourdement mise à contribution dans les différents plans d’économies gouvernementaux, voit d’un très mauvais oeil la baisse des ventes de médicaments remboursables. D’autant que le nouveau président du Leem, Christian Lajoux, avait fixé avant l’été entre 3 et 5 % la hausse minimale annuelle des ventes de médicaments remboursables permettant de dégager des marges susceptibles de financer la recherche et le développement (R&D).
Mais il y a plus car, toujours selon le Leem, la R&D ne sera pas la seule victime de l’érosion des ventes de médicaments remboursables. La capacité de l’industrie pharmaceutique à sauvegarder ses emplois serait également compromise, selon Christian Lajoux, qui, dès juillet dernier, prophétisait «des dizaines de plans sociaux» dans l’industrie pharmaceutique si les ventes ne se stabilisaient pas à un niveau satisfaisant.
Dans un contexte financier qui pousse l’assurance-maladie et le gouvernement à rechercher tous azimuts des économies, et alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2007 devrait être examiné à l’Assemblée nationale d’ici à un mois et demi au maximum, l’industrie pharmaceutique semble décidée à faire tout son possible pour éviter d’être, une fois de plus, mise à contribution.
« Du jamais vu » dans les officines
Pour Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmaciens de France (Unpf), le phénomène de stagnation des ventes décrit par le Leem «s’amplifie, et la situation devient dramatique». S’appuyant sur les derniers chiffres des officinaux, Claude Japhet est formel : «Sur les sept premiers mois de l’année 2006, les ventes de médicaments remboursables ont décru de 6,85% en volume par rapport à la même période de l’année précédente, c’est du jamais vu.» Et, si le chiffre d’affaires des officinaux reste malgré tout en légère hausse sur cette période (+ 1,65 %), c’est uniquement dû à la sortie de la réserve hospitalière d’un certain nombre de médicaments très coûteux.
Mais le président de l’Unpf rappelle à juste titre que la marge des officinaux est proportionnellement moindre sur les médicaments coûteux que sur les médicaments bon marché. Si bien que la marge brute des officinaux a baissé de 3,4 % sur cette même période. «Ce que dit le Leem est tout à fait exact, conclut Claude Japhet, il faut tirer la sonnette d’alarme au ministère.»
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