Un virus inoffensif peut rompre la tolérance au gluten

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Publié le 07/04/2017

Une infection virale pourrait déclencher la maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, chez des personnes génétiquement prédisposées. Une étude publiée dans « Science » a en effet montré qu'un réovirus, supposé inoffensif, pouvait initier chez la souris une réponse inflammatoire et rompre la tolérance au gluten.

« Nous avons découvert qu'une infection par le réovirus, au moment de l'introduction d'un nouvel aliment chez la souris, déclenche une réponse immunitaire à l'aliment. De surcroît, les patients présentant une maladie cœliaque tendent à avoir des taux plus élevés d'anticorps anti-réovirus. Il est donc possible, mais non encore prouvé, que le réovirus puisse déclencher la maladie cœliaque chez l'homme », explique au « Quotidien » le Dr Terence Dermody (Université médicale de Pittsburgh, États-Unis) qui a codirigé l'étude avec le Dr Bana Fabri (Université de Chicago). « Si le réovirus était confirmé comme facteur initiateur, nous pourrions offrir aux personnes à risque de les vacciner afin de prévenir la maladie cœliaque », laisse-t-il entrevoir.

L'étude a le mérite de « fournir un mécanisme pour expliquer l'association épidémiologique reconnue entre des infections virales et la survenue d'intolérances alimentaires, telle que la maladie cœliaque », soulignent dans un article associé les Drs Elena Verdu et Alberto Caminero (Université McMaster, Canada).

Réponse inflammatoire dans les ganglions lymphatiques intestinaux

Si des études épidémiologiques ont suggéré un lien entre des infections virales (adénovirus, entérovirus, rotavirus…) et la survenue de la maladie cœliaque, il n'existe aucune évidence expérimentale. Les auteurs de l'étude publiée dans « Science » ont choisi le réovirus, un virus inoffensif qui infecte fréquemment l'homme et peut également infecter l'intestin de la souris et activer l'immunité innée, pour tester cette hypothèse.

Ils ont constaté que deux souches légèrement différentes sur le plan génétique peuvent toutes deux déclencher une immunité (Th1) antivirale protectrice, mais affecter différemment la réponse immunitaire aux antigènes alimentaires. Une de ces deux souches déclenche une réponse inflammatoire des cellules dendritiques dans les ganglions lymphatiques intestinaux. Ces cellules présentatrices d'antigènes perdent leur capacité à favoriser la tolérance orale, pour laisser place à une immunité Th1 dirigée contre des antigènes alimentaires tels que le gluten. Cette immunité Th1 pathologique requiert le facteur IRF1 (interferon regulator factor 1).
Dans un second temps, les chercheurs ont constaté que les patients affectés d'une maladie cœliaque tendent à avoir plus d'anticorps antiréovirus. On détecte aussi chez eux des taux accrus d'IRF1.

Infection précoce et conséquences à long terme

Ceci suggère qu'une infection rétrovirale peut laisser une marque sur le système immunitaire et favoriser ultérieurement une réponse immunitaire au gluten.
« Durant la première année de la vie, le système immunitaire est encore en développement ; aussi, une infection par un virus particulier chez un enfant génétiquement prédisposé peut laisser une sorte de cicatrice qui a des conséquences à long terme », propose le Dr Bana Fabri.

Les chercheurs précisent que si le réovirus peut déclencher l'immunité Th1 contre le gluten et l'activation de la transglutaminase 2, d'autres événements seraient nécessaires pour le développement de l'atrophie villositaire intestinale. D'autres virus, ou d'autres membres pathogènes du microbiote pourraient contribuer à la formation d'un pool de cellules Th1 anti-gluten suffisant pour causer la maladie cœliaque. L'équipe envisage d'étudier le rôle d'autres virus entériques. Et ces résultats pourraient s'étendre à d'autres maladies auto-immunes pour lesquelles on ignore encore les facteurs déclenchants.

Dr Véronique Nguyen

Source : lequotidiendumedecin.fr