Objectif : renforcer un mécanisme protecteur naturel

Un microARN apporte un espoir dans l’anévrisme de l’aorte

Publié le 24/04/2012
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Crédit photo : PHANIE

DE NOTRE CORRESPONDANTE

EN DÉPIT des efforts pour réduire la morbimortalité de l’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA), l’identification et le traitement médical de cette pathologie figurent parmi les défis les plus importants en médecine vasculaire. Souvent asymptomatique, son risque principal est la rupture, une urgence vasculaire associée à une mortalité de 80 %.

La prévalence de l’AAA augmente avec l’âge, le tabagisme et l’athérosclérose. Après 65 ans, elle se situe entre 2,5 et 17 % chez l’homme et entre 0,5 et 2 % chez la femme.

Le traitement consiste à surveiller l’anévrisme jusqu’à ce qu’il atteigne une certaine taille (5,5 cm de diamètre) où le risque de rupture est supérieur au risque opératoire ; le traitement chirurgical est alors recommandé (mise a plat-greffe ou endoprothèse aortique).

Une équipe de l’Université de Stanford (Californie, États-Unis) a cherché à savoir si le microARN-21 pouvait jouer un rôle dans l’AAA. Les microARNs sont des ARN simple-brin qui, en s’appariant à des ARNm (ARN messagers), répriment l’expression de gènes cibles. Le microARN-21 est l’un des microARN le plus souvent augmenté dans plusieurs maladies cardio-vasculaires et de nombreux cancers.

« Nos résultats indiquent que les taux de microARN-21 sont élevés durant la progression de l’AAA, tant dans les modèles murins que dans des échantillons tissulaires humains d’AAA », explique au « Quotidien » le Dr Philip Tsao (université de Stanford en Californie), qui a dirigé ce travail.

« Notre idée fut alors d’inhiber les taux de microARN-21 de façon à limiter la maladie AAA. Toutefois, lorsque nous avons effectué cette inhibition, nous avons constaté que cela aggravait en fait l’AAA. En revanche, lorsque nous avons augmenté l’apport des micro-ARN-21, cela ralentissait la croissance de l’anévrisme. »

« De façon intéressante, cela est également observé dans un modèle de maladie accélérée dans lequel la souris reçoit de la nicotine afin de simuler la consommation de tabac (un facteur de risque important d’AAA).

Ces résultats indiquent que l’augmentation locale du microARN-21 représente une réponse endogène protectrice vis-à-vis de l’expansion pathologique du vaisseau sanguin. En apportant un excédent de microARN-21, nous pouvons stimuler la prolifération des cellules au sein de la paroi artérielle, et majorer de ce fait l’intégrité structurelle du vaisseau. »

Des implications thérapeutiques.

« Puisque nous avons observé les mêmes changements dans les taux de microARN-21 dans des échantillons tissulaires humains d’AAA, il est possible que des thérapies capables d’augmenter l’activité du microARN-21 puissent être bénéfiques en situation clinique », estime le Dr Tsao.

« Toutefois, à l’instar de nombreuses autres thérapies moléculaires, il sera important de diriger les thérapies au site de l’AAA. Le microARN-21 est une molécule ubiquitaire ; dès lors, l’augmentation de son activité a de fortes chances d’avoir des effets secondaires. De fait, dans les mêmes modèles murins où nous avons montré que la surexpression du microARN-21 protège contre l’expansion de l’AAA, des conséquences négatives ont été observées dans d’autres tissus qui accumulent le microARN-21, tels le foie et le cœur. »

Deux pistes de recherche.

« Nous poursuivons au moins deux voies. Nous explorons des méthodes pour cibler le traitement au site de l’anévrisme en développement. Ceci pourrait s’effectuer à travers les avancées en matière de dispositifs de délivrance comme les cathéters à ballonnet ou à travers le ciblage moléculaire », explique au « Quotidien » le Dr Tsao.

« Par ailleurs, nous étudions des microARNs qui pourraient être impliqués dans d’autres processus biologiques associés à l’AAA (par exemple l’inflammation, la modulation de la matrice extracellulaire) et examinons s’ils pourraient exercer de potentiels effets sur la progression de l’AAA. »

Science Translational Medicine, 22 février 2012.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9118