Un cas atypique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ouvre la porte à l'hypothèse d'une seconde épidémie

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Publié le 20/01/2017
Creutzfeldt Jakob

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Crédit photo : PHANIE

Le cas d'un jeune patient britannique atteint d'une variante atypique de maladie de Creutzfeldt-Jakob décrit dans le « New England Journal of Medicine » inquiète les médecins de l'institut de neurologie du collège universitaire de Londres.

Dans un courrier adressé à la revue, il signale la possibilité de la survenue d'une deuxième vague de l'épidémie de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob qui a frappé l'Angleterre à partir de 1996, liée à la consommation de viandes contaminées par le prion de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Ce patient présente en effet une signature de la maladie particulière et son génotype, jusqu'ici considéré comme un rempart contre la maladie pourrait en fait n'être qu'un moyen de la retarder.

En août 2015, ce patient âgé de 36 ans est adressé au centre de référence du prion du Royaume-Uni. Au cours des 9 mois précédents, le jeune homme présentait des changements de personnalité, avec une irascibilité importante et des épisodes de perte de mémoire, une ataxie de la marche et des crispations involontaires. L'examen clinique a en outre révélé des mouvements oculaires anormaux compatibles avec la maladie de Creutzfeldt-Jakob. L'examen IRM a pour sa part mis en évidence des anomalies au niveau des ganglions de la base, de l'hypothalamus, de l'insula, et du noyau médial du thalamus, mais pas au niveau du pulvinar.

Une forme atypique

Dans un premier temps, la détection de la protéine 14-3-3 dans le liquide céphalo-rachidien était négative, de même que le test de la conversion provoquée par tremblement en temps réel. Ce dernier examen consiste à détecter la présence d'une conformation anomale du prion, la PrPSC à travers sa capacité à catalyser la transformation d'une PrP recombinante fabriquée en laboratoire. Les auteurs précisent que ces deux tests, employés pour établir un diagnostic de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, sont connus pour avoir une mauvaise sensibilité quand il s'agit d'une forme atypique de la maladie, et notamment celles acquises par voie alimentaire.

L'état du patient a continué à se détériorer jusqu'à son décès en février 2016. L'autopsie a confirmé le diagnostic de maladie de Creutzfeldt-Jakob, avec la présence de plaques dans le cervelet et le cortex cérébral. L'examen révélait également des signes de dégénérescence vasculaire dans le neuropile. Des agrégats de PrPSc étaient retrouvés dans les tissus hépatiques.

Des indices déroutant

Tous ces éléments mis bout à bout déroutent les médecins londoniens car ils n'orientent pas tous vers la même forme de la pathologie. On distingue en effet 3 formes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob : héréditaire, sporadique et la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob acquise lors d'une contamination.

Dans le cas du patient, la description clinique ne colle pas à la définition de la maladie acquise par voie alimentaire, et les données d'imagerie plaident en faveur d'une forme sporadique. Pourtant, la signature moléculaire correspond bien à celle d'une forme acquise lors d'une contamination.

Les auteurs formulent l'hypothèse suivante : le patient serait le premier représentant d'une seconde vague de malades contaminés par voie alimentaire, à la suite d'une consommation de viande d'animaux atteints d'ESB.

Un génotype qui rallonge l'incubation

Jusqu'à présent, tous les cas de variante de la maladie de Creutzfeldt Jakob, acquise par voie alimentaire lors de l'épidémie de 1996, sont survenus chez des patients hétérozygotes 129 Met/Met du gène codant pour le prion. Les génotypes 129 Val/Val ou 129 Met/Val sont jusqu'à présent considérés comme protecteurs contre la maladie.

Le patient décrit par les chercheurs anglais a un génotype 129 Met/Val. « Il est possible que ce génotype ne fasse qu'allonger l'incubation de la maladie », suggèrent les auteurs qui rappellent que ce type de mécanisme a déjà été observé dans une autre maladie à prion : la maladie du Kuru. Si cette hypothèse se confirme, elle n'est guère rassurante, le génotype 129Met/Val est le plus fréquent dans la population générale.


Source : lequotidiendumedecin.fr