Un antihypertenseur vieux de 40 ans peut-être efficace contre le glioblastome

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Publié le 19/04/2016
glioblastome

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Crédit photo : PHANIE

Depuis de la fin des années 1970, la prazosine est utilisée comme traitement de l'hypertension. Selon les résultats publiés dans la revue « EMBO Molecular Medicine », ce vieil inhibiteur des récepteurs alpha-adrénergiques pourrait également être efficace dans le traitement des gliomes, en agissant contre les cellules initiatrices de gliome (GIC), des cellules dont les propriétés sont identiques à celles des cellules souches à partir desquelles les tumeurs peuvent se régénérer. Les gliomes sont la 4e cause de mort par cancer chez l'adulte et la 2e chez l'enfant. Les traitements actuels sont inefficaces.

« Le concept de cellule souche cancéreuse a une vingtaine d'années, et a d'abord été identifié dans les leucémies », explique au « Quotidien » le Dr Hervé Chneiweiss, directeur du centre de recherche au laboratoire CNRS/INSERM neuroscience Paris Seine, qui a codirigé l'étude avec le Dr Marie-Pierre Junier. « Au sein de la tumeur, une cellule sur 10 000 ou 100 000 a la capacité de reconstituer la tumeur. Nous les avons mises en évidence dans les glioblastomes en 2004 et depuis 2006, on sait qu'elles résistent à tous les traitements actuels », poursuit le Dr Chneiweiss.

Une efficacité de 50 % chez les souris

Ce sont donc les CIG qui ont été ciblées par Suzana Assad Kahn et ses collègues du laboratoire Neuroscience Paris Seine. Les chercheurs ont testé 1 200 molécules sur deux collections de cultures de CIG isolées dans deux laboratoires, dans le cadre d'une collaboration internationale.

Douze d'entre elles présentaient un effet toxique sur les GIC sans avoir d'effet sur les cellules souches neurales normales. La plus efficace était la prazosine. Testée sur des souris porteuses de cellules initiatrices de gliomes humains, la prazosine a permis une nette diminution des tumeurs et une survie des souris prolongée de plus de 50 %.

L'efficacité de la prisazone a quelque peu surpris les chercheurs, car les récepteurs alpha-adrénergiques ne sont pas présents sur les cellules tumorales ou les CIG. Les chercheurs ont donc cherché quel était l'effet « hors cible » responsable et l'ont identifié sur la molécule de signalisation intracellulaire, la PKCδ, surexprimée dans les GIC par rapport aux cellules souches neurales normales. En présence de la prazosine, la PKCδ est clivée, uniquement dans les GIC. « Non seulement cela prive les cellules de leurs caractéristiques prolifératrices de celllules souches, mais le clivage a fait apparaître un fragment qui déclenche leur mort cellulaire », explique le Dr Chneiweiss.

Un essai clinique prévu pour 2016

« La mutation de la PKCδ a été identifiée comme un des mécanismes sous-tendant le développement du cancer colorectal, du pancréas et du foie. La compréhension du mécanisme d'action de la prazosine laisse donc également entrevoir de nouvelles pistes de traitements pour d'autres cancers », espère le Dr Chneiweiss qui reste cependant prudent : « Pour l'instant, cet effet de la prazosine n'a été montré que dans un modèle animal, précise-t-il, il va maintenant falloir valider son intérêt chez l'homme. »

L'équipe du Dr Chneiweiss a d'ores et déjà déposé une demande de financement auprès du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) afin d'initier des essais cliniques. Une réponse est attendue pour la fin du mois d'avril, pour un essai qui commencerait avant l'été. La prazosine sera évaluée en complément du traitement standard contre placebo. « Cette molécule est prescrite depuis 40 ans, nous n'avons donc pas à passer par toutes les étapes de test de la tolérance », conclut le Dr Chneiweiss.


Source : lequotidiendumedecin.fr